Un certain nombre de personnes, peut-être en rupture avec la vie urbaine, choisissent ce mode de vie sans en partager la culture et viennent s’agréger aux voyageurs traditionnels.
Les incidents sont de plus en plus fréquents et plus violents. Aux insultes s’ajoutent des agressions physiques envers les élus, qui veulent que la loi soit respectée, mais aussi envers les agriculteurs, les entrepreneurs, qui souhaitent protéger leur outil de travail. Des élus ont été frappés, dans le Nord comme en Haute-Savoie : c’est totalement inacceptable. Les maires sont désarmés, se sentent peu soutenus et sont véritablement exaspérés.
Dans son bilan sur l’accueil des gens du voyage en Haute-Savoie, le préfet l’affirme clairement : « L’accueil des grands groupes dans le département doit désormais tenir compte de l’exaspération de nombreux élus locaux face à la multiplication des stationnements illicites. »
La population est excédée, elle ne comprend pas que, d’un côté, la loi s’applique avec sévérité lorsque l’on dépasse, ne serait-ce que d’une heure, la durée autorisée de stationnement en ville, et que, de l’autre, on fasse preuve de laxisme envers des personnes qui stationnent de façon totalement illicite plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sur des terrains publics ou privés, en toute impunité, procédant à des branchements sauvages pour s’alimenter en eau et en électricité et laissant ces terrains dans un état de dégradation inacceptable.
Nos compatriotes reprochent alors à leur maire cette inaction ou ce laxisme. C’est injuste, car, dans la plupart des cas, il n’y a ni inaction ni laxisme. Simplement, les procédures et le cadre législatif actuels ne sont plus adaptés.
Mme le procureur du tribunal de grande instance d’Annecy a déclaré très clairement devant les maires de Haute-Savoie réunis en congrès le 21octobre dernier : « En l’état actuel du droit, n’attendez rien de plus de l’autorité judiciaire. »
Mes chers collègues, la loi Besson n’est plus efficiente, elle doit être modifiée. C’est l’objet de ma proposition de loi et de celle de notre collègue Loïc Hervé.
Ce texte n’est en aucun cas discriminatoire, comme le prétendent certains. Comment pourrait-il en être ainsi, sauf à violer les principes de notre Constitution, que le président de la commission des lois, Philippe Bas, n’aurait pas manqué de me rappeler s’il en avait été besoin ?
Si nous voulons avancer, nous devons le faire dans un esprit de concorde, et non d’affrontement. Pour cela, il nous faut éviter deux écueils.
Le premier serait de faire preuve d’un angélisme naïf et de nier la réalité des faits.
Mes chers collègues, ne tenons pas de double langage, en déclarant ici, dans cet hémicycle, que l’accueil des gens du voyage ne pose pas de problèmes, que les élus ne remplissent pas leurs devoirs, comme je l’ai entendu hier en commission, et, dans le même temps, en affirmant l’inverse sur le terrain et en pressant le préfet et la ministre de procéder à des évacuations rapides, tant la situation est intolérable.
Le second écueil, c’est l’amalgame et la stigmatisation des gens du voyage. Ces situations problématiques sont le fait non de l’ensemble des voyageurs, mais d’une minorité d’entre eux qui bafoue nos lois et qui, de ce fait, porte préjudice à l’ensemble des communautés.
Ma proposition de loi tend d’abord à responsabiliser et, si nécessaire, à sanctionner, car une sanction n’a de sens que si elle a été clairement expliquée.
Mes chers collègues, sortons de ce débat d’un autre siècle qui voudrait opposer information, éducation et sanction. Au contraire, conjuguons-les : c’est le sens de ce texte, dont le premier volet clarifie le rôle de l’État et celui des collectivités territoriales.
La loi MAPTAM de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République ont confié aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre une compétence obligatoire pour l’aménagement, l’entretien et la gestion des terrains d’accueil, sans en tirer les conséquences dans la loi Besson.
Ainsi, l’article 1er de ma proposition de loi vise à distinguer clairement les compétences des communes de celles des EPCI. Il reprend l’article 2 bis de la proposition de loi tendant à faciliter la recomposition de la carte intercommunale, que vous aviez cosignée avec Mathieu Darnaud, madame la ministre, pour rappeler la compétence des EPCI en matière de création des aires et terrains. Cet article tend également à faciliter les efforts de mutualisation au sein d’un EPCI. Par souci de clarté, il exclut explicitement des schémas départementaux les EPCI ne comptant aucune commune de plus de 5 000 habitants, seuil fixé par la loi Besson.
L’article 2 vise à supprimer la procédure de consignation introduite par l’Assemblée nationale dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. Bien que constitutionnelle, cette procédure est une mesure coercitive à l’encontre des collectivités territoriales à l’heure où celles-ci doivent faire face à une baisse des dotations de l’État, comme l’a déploré la Cour des comptes, qui a estimé le coût moyen d’une aire d’accueil à 35 000 euros.
L’article 3 tend à répondre aux problèmes rencontrés par les élus locaux. Il prévoit un mécanisme d’information afin de mieux anticiper les rassemblements et passages et confie au préfet le pouvoir de police lors de ces manifestations.
Le chapitre II a trait à la modernisation des évacuations et stationnements illicites. Ses trois articles visent à améliorer l’efficacité des procédures, à renforcer les sanctions pénales, à interdire le phénomène des « sauts de puces » et à empêcher les personnes concernées d’aller s’installer à quelques mètres du terrain évacué, comme c’est souvent le cas actuellement.
L’article 4, auquel j’associe notre collègue Jean-Pierre Grand, met fin à une interprétation erronée de la loi Besson figurant dans une réponse ministérielle du 31 octobre 2013. Il précise qu’une commune qui remplit ses obligations en matière d’accueil des gens du voyage est en droit de demander l’évacuation des campements illicites, même si elle appartient à un EPCI qui ne respecte pas ses engagements.
L’article 5 précise que la mise en demeure de quitter les lieux concerne la totalité du territoire de la commune ou de l’EPCI, afin, je le répète, d’empêcher les personnes concernées de s’installer à quelques mètres du terrain évacué.
Par ailleurs, mes chers collègues, je vous propose d’ajouter aux troubles à l’ordre public l’évacuation lorsque l’occupation illicite du terrain est de nature à entraver une activité économique ou agricole, y compris s’agissant des terrains en jachère.
Je vous propose également deux mesures pour accélérer les procédures administratives : d’une part, réduire le délai d’exécution de la mise en demeure du préfet de vingt-quatre à six heures lorsque les mêmes personnes ont déjà indûment occupé le terrain de la commune ou d’une autre commune de l’EPCI au cours de l’année ; d’autre part, fixer à quarante-huit heures au maximum le délai de recours contre la mise en demeure du préfet, alors qu’en l’état actuel il n’existe aucun délai uniforme pour ce recours suspensif. De plus, le préfet pourrait faire procéder à l’évacuation si un terrain d’accueil est disponible à moins de cinquante kilomètres.
L’article 6 renforce les sanctions pénales. Il tend à doubler les peines encourues, en les portant à un an d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende. Il crée un mécanisme de pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1 000 euros par jour et par véhicule.
Enfin, je vous propose de renforcer la saisie des véhicules et de permettre le transfert de ceux qui sont destinés à l’habitation vers des aires d’accueil du département. En l’état actuel du droit, les véhicules d’habitation ne peuvent être ni transférés ni déplacés.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les principales mesures de cette proposition de loi, auxquelles s’ajoutent celles du texte de Loïc Hervé et celles qui ont été introduites par la commission des lois, présidée par Philippe Bas, dont chacun connaît le sens de la mesure.
Permettez-moi de saluer le travail rigoureux, méticuleux du rapporteur, Catherine Di Folco. Son écoute, son pragmatisme, sa sérénité ont permis d’enrichir considérablement ce texte.
En effet, madame la ministre, mes chers collègues, c’est bien de la sérénité qu’attendent les élus, toujours en première ligne et dont je salue l’esprit de responsabilité. C’est aussi de la sérénité qu’attendent la majorité des gens du voyage, victime d’une minorité qui ne respecte pas nos lois. C’est enfin de la sérénité que réclame la population, qui sait que le « vivre ensemble » est l’ADN de la France, à condition que chacun respecte l’autre.
Dans notre République, la loi doit énoncer clairement le cadre des droits et devoirs de chacun, car la liberté, fût-ce celle de circuler, s’arrête où commence celle de l’autre.