Intervention de François Baroin

Réunion du 18 novembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Suite de la discussion d'un projet de loi

François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement :

Cette méthode-là, mesdames, messieurs les sénateurs, serait dangereuse pour notre économie, menaçante pour la croissance et structurellement déprimante pour les Français, qui n’en peuvent plus.

Dans les dix-huit mois, nous aurons plusieurs rendez-vous. Mais, dès à présent, ce débat fait apparaître une vraie ligne de fracture, fait émerger des choix politiques différents sur la façon de réduire nos déficits.

La hausse généralisée des impôts n’est pas une solution adaptée, car la France souffre de la dépense publique. Parmi les pays de l’Union européenne, notre pays est désormais celui où le taux de croissance des dépenses publiques par rapport à la richesse nationale est le plus élevé.

Il faut quand même avoir à l’esprit qu’un taux d’imposition trop élevé nuit au consentement à l’impôt lui-même. Au-delà d’un certain seuil apparaît en effet un point d’inflexion à partir duquel l’acte fiscal, l’acte déclaratif et la participation à travers une contribution individuelle à l’effort de redistribution sous forme de services publics, d’investissements, de prestations, de solidarité, en un mot tout ce qui constitue, de près ou de loin, directement ou indirectement, le modèle français d’État providence, peuvent ne plus être acceptés.

C’est pourquoi nous devons réfléchir très subtilement à tout ce qui touche à l’impôt et à la fiscalité.

Il y aurait une part d’irresponsabilité à faire de l’augmentation des impôts un programme politique en soi.

S’agissant de l’effort budgétaire pour 2011, j’entends certains dire que notre budget est trop dur, tandis que d’autres considèrent que nous ne réduisons pas suffisamment vite les déficits.

Ce qui est sûr, c’est que nous privilégions un redressement raisonné de nos finances publiques en excluant à la fois les coupes aveugles dans la dépense et les hausses généralisées d’impôt. Comme l’a rappelé M. Dominati, nous visons un ralentissement et non une diminution du rythme de croissance de la dépense.

Cela m’a toujours fait sourire d’entendre dire que la France engageait un plan de rigueur. Le Gouvernement n’a jamais porté ce mot en bandoulière, tout simplement parce qu’il ne correspond pas à la réalité. Il n’en demeure pas moins que, pour la première fois dans l’histoire de nos finances publiques, le taux de croissance des dépenses publiques sera stabilisé.

En d’autres termes, pour être clair, le niveau de nos dépenses sera identique à ce qu’il était l’an passé, et c’est cela, la vraie révolution. L’économie ne sera pas négligeable.

Nous avons inscrit cette politique dans la durée puisque le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une maîtrise de l’évolution du taux de croissance de la dépense publique pour les années 2011 à 2014.

Nous avons aussi écarté les hausses généralisées d’impôt, contrairement à ce qu’ont fait nos partenaires espagnols, portugais ou britanniques à travers les plans qu’ils ont mis en place.

Je vous le redis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne trouverez pas trace de la moindre augmentation des prélèvements obligatoires dans le plan français : ni hausse de la TVA, ni hausse de l’impôt sur le revenu, ni hausse de l’impôt sur les sociétés. Malgré les efforts que nous devons faire pour réduire nos déficits, c’est un choix politique que nous assumons pleinement.

Nous réduirons en 2011 de 1, 7 point de PIB le déficit public. Du jamais vu ! Personne n’a jamais fait mieux auparavant. Certes, nous n’avions jamais atteint un tel niveau de déficit dans le passé, mais, cet objectif de réduction de 40 milliards d’euros du niveau du déficit public par rapport à la richesse nationale – c'est-à-dire de 60 % – nécessite des mesures cohérentes et la définition de priorités.

J’ai bien noté, monsieur le président de la commission, cher Jean Arthuis, monsieur le rapporteur général, cher Philippe Marini, monsieur About, vos interrogations sur la maîtrise de la dépense d’intervention. Nombre de ces dépenses relèvent de dispositifs de guichet, qui connaissent spontanément une dynamique forte.

Les règles transversales fixées par le Gouvernement – moins 5 % pour l’année prochaine – permettent de contrecarrer la dynamique de ces dépenses d’intervention, et c’est grâce à cette discipline que nous parvenons à geler les dépenses de l’État en valeur, hors dettes et pensions.

Cet effort est également sans précédent : si nous avions appliqué la même règle entre 2007 et 2010, nous aurions économisé en moyenne 3 milliards d’euros supplémentaires chaque année...

Parmi ces économies, monsieur le président de la commission, il y en a une qui est liée à la mise en place d’un mécanisme de péréquation sur le secteur HLM, pour 340 millions d’euros.

C’est bien d’une économie qu’il s’agit ; elle permettra, tout en préservant l’effort de l’État en faveur de la construction de logements sociaux, d’alimenter un fonds de solidarité destiné uniquement au financement de la construction, de la réhabilitation et du renouvellement urbain à hauteur donc de 340 millions d’euros par an.

Certes, c’est un effort pour le secteur HLM, mais celui-ci connaît une situation financière dans l’ensemble confortable : il dispose en effet de 6, 5 milliards d’euros de fonds propres et bénéficie d’aides fiscales ou financières à hauteur de 4 milliards d’euros par an. Ce n’est donc pas un effort démesuré.

Nous avons eu ce débat à l’Assemblée nationale, nous l’aurons au Sénat. J’ai bien noté les propos de François Rebsamen, par ailleurs maire de Dijon, au sujet de l’OPAC de sa ville : les situations ne sont pas identiques en tout lieu, mais la mesure que nous proposons vise non pas à remplir les caisses de l’État, mais à « re-flécher » les crédits vers la construction des logements sociaux et vers l’ANRU, qui contribue largement à l’amélioration du cadre de vie grâce à la rénovation de l’habitat social.

S’agissant plus particulièrement de la réduction des niches fiscales et sociales, j’ai entendu quelques critiques ici ou là, ce qui est bien normal. Il est vrai que le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, n’ouvrir qu’un seul front en supprimant deux ou trois des niches les plus coûteuses. Cela aurait été certes plus simple, mais certainement défavorable à notre économie.

Au final, nous avons choisi un chemin de crête, plus difficile, plus exigeant, plus propice à susciter une addition de contestations, mais, en définitive, plus juste. Je le répète, l’effort de réduction des niches fiscales et sociales a consisté en priorité à supprimer les dispositifs dont l’efficacité ou la nécessité ne sont plus démontrées ou qui sont peu conformes au principe d’égalité devant l’impôt.

Le taux réduit de TVA sur la restauration ou l’exonération des heures supplémentaires ne font pas partie de cette catégorie, contrairement à ce que peuvent penser certains. C’est la raison pour laquelle nous n’y avons pas touché.

Pour être tout à fait complet, j’ajoute que, sur cette question de la TVA dans le secteur de la restauration comme sur bien d’autres, nous avons besoin de stabilité. Il s’agit là d’une mesure récente, réclamée par certains, contestée par d’autres. Laissons à ce dispositif le temps de produire les effets vertueux auxquels, nous, nous croyons.

Quant au « rabot », il est peut-être critiquable, mais, là encore, je n’ai pas entendu de meilleure proposition dans cet hémicycle.

Contrairement à ce qu’affirment certains, les ménages ne supporteront pas à eux seuls l’effort sur les niches fiscales.

Au passage, sachez, monsieur Dominati, que j’ai lutté contre cette expression de « niche fiscale », mais j’ai échoué ! §Le terme perdure, indépendamment de la réalité : pour l’État, une niche fiscale, c’est une dépense ! C’est bien la raison pour laquelle nous agissons presque exclusivement sur les sources de dépenses au sein de l’État.

Lorsque, pour « booster » tel ou tel secteur économique, pour favoriser l’emploi dans tel ou tel secteur d’activité, l’État accorde un avantage fiscal, il choisit de ne pas prélever une ressource fiscale ; il s’agit donc d’une dépense pour lui. Un autre moyen aurait été de créer une dépense budgétaire en accordant une forme de subvention.

Plus nous serons nombreux à rappeler que les niches fiscales sont en réalité des dépenses fiscales, mieux sera comprise et acceptée leur réduction, par vous-mêmes, je le souhaite évidemment, mais aussi et surtout par une majorité de Français.

Cet effort, je le répète, a été équitablement réparti entre les ménages et les entreprises : 37 % pour les premiers, 63 % pour les secondes.

Comme l’a rappelé M. le président de la commission, toute mesure fiscale repose in fine sur les ménages, directement ou indirectement, et la répartition entre les entreprises, d’un côté, et les ménages, de l’autre, a peut-être un caractère artificiel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion