Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous abordons l’examen de ce projet de loi, qui est l’une des premières mises en œuvre de l’accord de Paris sur le climat. Il affiche les ambitions de la France et des cosignataires en matière de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique. Je partage ces ambitions.
Puisque la COP21, qui a entériné ce traité international, a eu lieu en France, puisque notre pays a toujours été à l’avant-garde des défis planétaires et universels, il est légitime qu’il soit l’un des premiers à se montrer exemplaire. Seulement, monsieur le ministre d’État, la France ne doit pas être la seule ! Comme pour ce qui concerne l’application des normes européennes, pour lesquelles le Président de la République ne souhaite pas de surtransposition, nous ne devons pas être en décalage avec nos concurrents mondiaux.
Dans votre message audiovisuel du 10 octobre dernier relatif à l’explication de ce projet de loi, vous estimiez que ce texte permettrait à la France d’« avoir une autorité pour peut-être » – peut-être ! – « convaincre d’autres partenaires de faire de même ». Souhaitons-le ! C’est une intention ambitieuse, et il faut en passer par là. Cependant, nous devons assurer en droit la compétitivité de notre économie et de nos entreprises. Parallèlement, il faudra également garantir notre approvisionnement en énergie. Je le rappelle, l’énergie constituera un défi fondamental de nos civilisations dans les prochaines décennies, avec l’eau et l’alimentation.
Je pense sincèrement, devant toutes ces préoccupations déterminantes pour l’avenir de la France, qu’il convient d’inscrire la réciprocité de la fin de l’exploitation des hydrocarbures dans la loi. Nous devons mettre un garde-fou nous permettant de prolonger l’exploitation si les autres pays ne nous suivent pas. Une telle volonté de réciprocité n’est qu’une application pure et simple de la hiérarchie des normes juridiques. En effet, l’article 55 de notre Constitution prévoit que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. » C’est clair, notre droit constitutionnel exige que notre obligation soit tenue si les partenaires respectent leurs engagements.
Vous dites que l’année 2040 est proche. Estimez-vous que nous ne consommerons plus d’hydrocarbures en 2040 ? Ou plutôt que nous n’aurons pas à en importer ? Comme vous, je le souhaite. C’est d’ailleurs l’ambition que vous avez affichée avec la fin des véhicules thermiques. Toutefois, autant des alternatives existent pour l’automobile, avec l’électricité, l’hydrogène ou le biogaz, autant nous ne serons pas totalement sortis, en 2040, de l’ère des hydrocarbures, je le pense sincèrement, malgré les investissements en matière de transition énergétique que nous aurons pu faire et le développement exigé des énergies renouvelables : solaire, éolien, méthanisation. Nous utiliserons beaucoup moins d’hydrocarbures, mais nous en utiliserons encore. Dans certains secteurs, les palliatifs n’ont pas encore été trouvés. Par exemple, dans le domaine de l’aviation, il n’y a pas d’alternative au kérosène.
Vous avez recours à un argument très imagé et très symbolique : selon vous, lorsqu’on est passé de l’âge de pierre à l’âge du fer, ce n’était pas parce qu’il n’y avait plus de pierre, mais, parce que le fer, c’était mieux ! C’est partiellement vrai. En effet, entre l’âge de pierre et l’âge du fer, il y a eu l’âge de bronze, qui a duré environ deux mille ans, selon les régions du monde.
Nous le voyons au travers de vos références historiques, il a fallu une longue période de transition pour que l’homme, grâce à la technique, puisse battre le fer. Le symbole est fort, mais la temporalité est importante pour tendre vers une efficacité technologique. Car nous devons franchir des étapes.
Moi aussi, je peux avoir recours aux symboles, et notamment évoquer les bandes dessinées de mon enfance, dans lesquelles les voitures de l’an 2000 volaient. Nous en sommes loin !
En 2040, il est vraisemblable que nous continuerons à utiliser des hydrocarbures, car les techniques évoluent, mais pas aussi vite que nous l’imaginons. Pourquoi, dès lors, en importer – nous y serons en effet contraints ! –, dans la mesure où cela aura un impact carbone beaucoup plus important que la consommation d’hydrocarbures nationaux ?
Sur un plan environnemental, le pétrole produit en France permet, grâce à l’absence de transport, d’éviter l’émission de 100 000 tonnes de C02. Ainsi, une tonne de pétrole produite en France émet trois fois moins de C02 qu’une tonne importée.
De plus, en se privant de sa production nationale, la France favorisera plus encore l’importation de pétrole étranger, dont nous ne connaissons pas les conditions environnementales et sociétales d’extraction, contrairement à ce qui se passe dans notre pays. Nous bénéficions en effet d’un arsenal de normes et de contraintes permettant de protéger la biodiversité et les sols.
Quel mauvais bilan pour le climat, monsieur le ministre d’État ! En effet, si l’on regarde le projet de loi que vous présentez avec une vision basique, on s’aperçoit in fine que vous proposez non pas la fin des énergies fossiles, mais la fin de la production française.
Nous consommerons toujours des hydrocarbures, vraisemblablement moins, mais ils seront importés. La priorité, je le rappelle, est le combat contre le réchauffement climatique. Toutefois, ne l’oublions pas, ces exploitations engendrent des revenus financiers importants pour les collectivités et leurs habitants. Dans la Marne – permettez-moi en cet instant d’associer à mon propos mes collègues Yves Détraigne et René-Paul Savary –, où nous avons des idées, mais aussi un peu de pétrole, les ressources de la redevance communale et départementale des mines représentent chaque année 1, 8 million d’euros. On pourrait additionner l’ensemble des départements impactés par cette législation.
Les installations en question assurent des centaines d’emplois directs et indirects et permettent des avancées scientifiques, notamment géologiques. Il s’agit de véritables écosystèmes industriels, qui se situent bien souvent dans des zones déjà touchées par la crise économique ou éloignées des zones d’emplois dynamiques.
Enfin, dans votre vidéo, vous parlez d’indépendance énergétique. Les hydrocarbures français apportent une réponse à une telle volonté, parallèlement au développement des énergies renouvelables.
Je partage vos objectifs en matière de baisse des émissions de C02 et de gaz à effet de serre ; je suis bien sûr favorable à la transition énergétique pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais il faut trouver un équilibre dans le cadre d’un projet de loi, en prenant en compte un principe de réciprocité avec nos partenaires internationaux ; un principe de compétitivité des entreprises ; un principe d’écologie en consommant des hydrocarbures français, dont le bilan carbone est meilleur que les hydrocarbures importés ; un principe de réalité s’agissant de la temporalité de la fin des hydrocarbures et des alternatives possibles.
Nous sommes naturellement prêts à soutenir des mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique. Mais telle n’est pas la question qui nous est posée aujourd’hui avec ce projet de loi. Nous disons « oui » à l’objectif, mais « non » à la méthode et ses conséquences.
Vous le verrez, monsieur le ministre d’État, les amendements que certains d’entre nous ont déposés ne sont pas radicaux. Ils visent plutôt à conserver l’objectif d’une sortie du recours aux énergies fossiles, mais en atténuant les conséquences économiques et sociales néfastes pour nos territoires. Soyez-y attentifs ! Notre groupe pourrait alors voter ce texte s’il est équilibré.