Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans la continuité de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, nous devons nous prononcer aujourd’hui sur des questions stratégiques pour notre ambition énergétique.
Tout d’abord, je voudrais revenir sur la méthode employée, car, si la majorité gouvernementale a changé, la méthode est restée la même et accuse plusieurs faiblesses dont nous ne pouvons nous satisfaire.
Cette méthode, c’est celle de la procédure accélérée et de l’urgence proclamée sur des sujets qui mériteraient une réflexion d’ensemble : le mix énergétique, le coût de l’énergie pour les consommateurs et, surtout, notre projet de société, l’économie nationale et l’emploi.
Cette méthode, c’est également celle des postures prescriptives et des objectifs chiffrés dépourvus de dimension économique et de vision stratégique.
Cette méthode, c’est, enfin, celle d’une démarche unilatérale, dépourvue de dimension européenne. Or une transition énergétique réussie ne se fera pas sans l’Europe, et la France ne pourra pas la mener seule, simplement parce qu’elle se veut exemplaire.
Au contraire, je suis convaincu de la nécessité de ne pas adopter de posture et de croiser notre ambition en matière de transition énergétique à notre volonté dans le domaine économique, à notre vision de l’aménagement du territoire, à la valorisation de leur diversité, à une prise en compte des réalités sociales ou encore à notre conception du rôle de la France au sein de l’Union européenne et dans un monde qui, à l’horizon de 2050, comptera 9, 5 milliards d’habitants.
Aussi, monsieur le ministre d’État, dans la perspective de mise en œuvre du plan Climat que vous avez appelé de vos vœux, je vous pose la question suivante : pouvons-nous revoir la méthode et prendre un peu plus de temps et de recul pour légiférer sur des sujets aussi stratégiques ?
Ensuite, sur le fond, on peut s’interroger sur la pertinence d’un texte de loi qui aura des conséquences sur une production ne couvrant que 1 % de la consommation nationale. Toutefois, pour les acteurs du secteur, ces conséquences seront bien réelles, les rapporteurs l’ont rappelé. Ne l’oublions pas, la réalité, c’est aussi la fragilisation d’une filière pétrolière et gazière d’excellence engendrant aujourd'hui un chiffre d’affaires de 35 milliards d’euros.
De plus, la loi sera contre-productive sur le plan environnemental, puisque, en remplaçant une production nationale par des importations dont l’empreinte carbone est bien supérieure, on dégrade notre bilan carbone plutôt qu’on ne l’améliore.
Le texte aura également un impact sur les collectivités territoriales, plus précisément sur les communes et les départements. À ce titre, monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous en dire plus sur les contrats de transition écologique qui bénéficieront aux territoires concernés par ce texte ? En effet, des femmes et des hommes sont aujourd'hui exposés aux conséquences de l’adoption du projet de loi que nous examinons.
Ainsi, il apparaît – je rejoins en ce sens les travaux de nos rapporteurs – qu’une autre voie est possible, notamment au travers des dispositifs d’aide à la conversion des véhicules et de la relance du transport ferroviaire, maritime et fluvial de marchandises, ou encore par le biais d’outils fiscaux que l’on peut adapter en fonction de la recherche. Il s’agit d’un véritable projet de société, structurant, de nos territoires, en France, en Europe et dans le monde.
J’en viens ainsi à mon troisième point, l’enjeu économique et de la recherche, qui est absolument stratégique.
Monsieur le ministre d’État, lors de votre audition par la commission des affaires économiques, j’ai évoqué l’exemple du diesel, que je voudrais rappeler de nouveau, car il me semble caractéristique à bien des égards : quand nous avions vingt-cinq ans – nous avons sensiblement le même âge –, on encourageait l’achat de voitures diesel, prétendument meilleures pour la santé, car moins polluantes, et permettant d’apporter une solution au risque de rupture de l’approvisionnement pétrolier à l’horizon des années 2000. Ainsi les vérités d’hier ne sont-elles pas celles d’aujourd'hui !
Sans doute convient-il de se montrer prudent face aux décisions irréversibles prises par la COP21. Le développement durable, ce n’est pas cela ! Le développement durable est lié à nos connaissances. Les certitudes d’aujourd'hui seront peut-être qualifiées d’erreurs demain. C’est la raison pour laquelle il convient de poursuivre la recherche dans notre pays. Son arrêt symbolique constituerait un appauvrissement. Pourtant, c’est ce que ce projet de loi prévoit. Des emplois et des sites industriels seraient menacés. Surtout, nous nous retrouverions dans une situation comparable à celle que connaissent les OGM : les jeunes chercheurs ont quitté notre pays, qui est devenu dépendant dans ce domaine. Cela représente un appauvrissement et une inquiétude pour les générations futures.
J’évoquerai également la part du secteur industriel dans le PIB, comme nous l’avons déjà fait, monsieur le ministre d’État, ici même, en la mettant en perspective : elle est passée de 30 % à 19 % en trente ans. Pour redonner une chance aux femmes et aux hommes qui sont au bord de l’emploi, il faudra bien retrouver une capacité industrielle ! Ainsi, la perspective de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 représente un appauvrissement, si les bases ne sont pas bonnes.
J’évoquerai un dernier exemple. En économie, la brutalité des chiffres peut être terrible et lourde de conséquences. J’ai visité récemment une entreprise que je connais bien. Elle a reçu des propositions d’approvisionnement en gaz de schiste provenant d’outre-Atlantique. Alors qu’elle n’est pas située en bordure maritime, ce gaz lui est proposé à un prix inférieur de 25 % au gaz provenant du gazoduc proche de son implantation. Telle est la réalité territoriale et économique ! Que doit faire l’industriel, confronté, à chaque instant, à de telles réalités ? Notre regret est grand que ce texte si important – nous sommes d’accord sur ce point – n’ait pas été élaboré dans la perspective économique qui est la nôtre.
Je remercie Mme la rapporteur et M. le rapporteur pour avis de leur travail, sans lequel notre groupe ne pourrait annoncer son intention de voter majoritairement ce texte, après l’adoption des amendements relatifs aux deux domaines à nos yeux les plus importants, à savoir la préservation de la recherche et la limitation de l’atteinte aux droits acquis. Être exemplaire, sans céder à une forme de résignation : c’est possible grâce au travail effectué, dans une France qui ne renonce pas, mais ose, entreprend, et donne envie aux jeunes de relever les défis.