Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 9 novembre 2017 à 10h30
Programmation des finances publiques de 2018 à 2022 — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour ma part, je vais vous parler tout simplement du sujet à l’ordre du jour, qui est la loi de programmation pour les années 2018 à 2022, et voir, en effet, de manière pluriannuelle, quelle est la trajectoire que nous propose le Gouvernement.

C’est un exercice important, non seulement parce qu’il s’agit de fixer un cap à notre pays, mais aussi parce que c’est le support de nos engagements européens.

Je ne vais pas m’étendre très longuement sur le scénario macro-économique. Je le dis – cela va faire plaisir au ministre – ce scénario apparaît crédible. En effet, le Gouvernement a, à juste titre, révisé l’hypothèse d’un écart de production, ce qui permet d’éviter des débats sur la mesure de notre ajustement structurel.

Le Gouvernement retient également, il faut le souligner, un taux de croissance de 1, 7 % entre 2017 et 2021, 1, 8 % en 2022. C’est un scénario qui, en l’état actuel des prévisions des économistes, apparaît raisonnable. Peut-être peut-on le juger un peu optimiste en fin de quinquennat, mais – cela doit être souligné – les hypothèses macro-économiques retenues sont crédibles, contrairement à celles sur lesquelles reposait la dernière loi de finances.

Je me concentrerai donc sur la trajectoire des finances publiques telle qu’elle nous est proposée. Celle-ci peut, à première vue, sembler ambitieuse à l’échelle de ce quinquennat.

Je rappelle les objectifs du Gouvernement : réduire l’endettement de plus de 5 points de PIB, réduire la part de la dépense publique dans la richesse nationale de 3, 7 points et réduire la part des prélèvements obligatoires de 1, 1 point. Si l’objectif est ambitieux, c’est une bonne nouvelle d’apprendre que le redressement des comptes publics passera non par la hausse des prélèvements obligatoires – cela avait été le cas lors du précédent quinquennat –, mais exclusivement par la maîtrise de la dépense.

Ces ambitions sont cependant malheureusement un peu réduites en termes de dépenses par rapport à un seuil qui avait été affiché par le Gouvernement en juillet dernier. L’effort est désormais reporté sur les deux dernières années du quinquennat, avec toutes les incertitudes que cela suppose.

Ainsi, le rythme de redressement de nos comptes publics apparaît insuffisant au regard non seulement de nos engagements européens mais aussi des efforts fournis par nos principaux partenaires. Comme vous le savez, la France devrait, enfin, à l’issue de l’exercice 2017, ramener son déficit en deçà du seuil de 3 % du PIB, même si – nous en reparlerons cet après-midi –, l’annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes distribués complique malheureusement l’exercice. Nous ne nous serions bien passés de ce collectif, vous comme nous, monsieur le ministre ! Ce retour à 3 % constitue toutefois une condition nécessaire mais non suffisante pour sortir du volet correctif du pacte de stabilité, puisqu’il faut désormais, nous le savons tous, que le déficit ne dépasse pas le seuil de 3 % en 2018 et en 2019.

L’année 2019, qui verra la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en baisse de charges et cotisations sociales, sera donc une année particulièrement sensible. Si la France parvient néanmoins, ce que nous espérons tous, à sortir du volet correctif au printemps prochain, elle entrera dans le volet préventif du pacte de stabilité. Souvenez-vous, je m’adresse aux membres de la commission des finances, de ce que nous a dit Pierre Moscovici l’autre soir : le volet préventif n’est pas moins exigeant que le volet correctif.

La France devra donc réduire son déficit structurel au minimum de 0, 6 point de PIB par an pour atteindre son objectif de moyen terme. Or l’ajustement structurel prévu par le Gouvernement en est très éloigné.

En complément, la France sera soumise, à compter de 2021, à la règle de la dette européenne. On parle peu de cette règle, laquelle impose de réduire progressivement l’endettement – l’écart entre la dette et le seuil de 60 % du PIB. Or nous le savons tous, cela a été redit devant la commission des finances à travers les graphiques projetés, la France devrait malheureusement être le seul grand pays de la zone euro dont le ratio d’endettement serait pratiquement stable, très proche de 100 % du PIB. Tous les pays, y compris ceux de l’Europe du Sud, diminuent progressivement leur endettement. La France, quant à elle, devrait rester à un niveau d’endettement élevé et quasi stable. Cela devrait, hélas, accroître encore la divergence de nos taux d’endettement avec ceux de la zone euro.

En définitive, sans modifier la trajectoire retenue, qui nous satisfait globalement – même si, encore une fois, l’effort en dépenses se situe plutôt à la fin du quinquennat –, la commission des finances a souhaité inscrire ces engagements européens dans le texte de loi.

J’en viens maintenant – et le ministre l’a un peu abordé à travers le projet de loi de finances, dont il a parlé – à la question centrale des leviers et à la répartition de l’effort de maîtrise des dépenses entre ces différents acteurs.

S’agissant des collectivités territoriales, je rappelle – nous le savons tous, le Sénat, en particulier, et le Gouvernement le reconnaît volontiers – que, entre 2013 et 2016, les collectivités locales ont porté les deux tiers de l’effort de réduction des déficits publics, alors même – cela a été redit devant la Conférence nationale des territoires – qu’elles représentent moins de 20 % de la dépense publique.

Donc, durant le précédent quinquennat, l’effort de réduction des déficits a été porté presque exclusivement, d’une part, par les collectivités, d’autre part, par la baisse des taux d’intérêt, un effet d’aubaine dont a bénéficié le précédent gouvernement.

Quoi qu’il en soit, ce sont les collectivités locales, lesquelles représentent 20 % de la dépense publique, qui ont à elles seules porté les deux tiers de l’effort au cours du précédent quinquennat.

En ce qui concerne la période 2018-2022, le Gouvernement a annoncé un effort supplémentaire de 13 milliards d'euros sur les dépenses de fonctionnement. Vous le savez, ce montant – et c’est là tout le débat – s’apprécie par rapport à un tendanciel que nous trouvons, pour notre part, sous-estimé, notamment parce que le Gouvernement ne tient pas compte des efforts structurels déjà fournis et que j’ai rappelés à l’instant.

La commission des finances estime qu’un effort réel de 13 milliards d'euros correspondrait à une évolution annuelle des dépenses de fonctionnement de 1, 9 point en valeur, contre 1, 2 dans le présent projet de loi de programmation des finances publiques tel qu’il nous est proposé. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a modifié le texte et a supprimé la nouvelle règle encadrant la dette des collectivités territoriales, ce que je regrette, à titre personnel.

J’en viens à la contractualisation dont vous avez parlé, monsieur le ministre. Si nous l’approuvons dans son principe, nous en ignorons les modalités. Il nous semble que le dispositif n’est pas totalement abouti. La preuve, c’est qu’un amendement nous est parvenu à minuit trente. Et il ne s’agissait manifestement pas de la bonne version… Une deuxième modification est intervenue, et il n’est pas impossible que nous soyons saisis d’une troisième rédaction !

Ce mécanisme, dont nous approuvons le principe, mérite d’être précisé. Je mettrai quand même un bémol : il ne faut pas que la contractualisation aboutisse à pénaliser les collectivités qui ont déjà fait des efforts. Le point de référence sera donc important. Mais, sur le principe, pourquoi pas ? Ce mécanisme est sans doute plus intelligent que celui du rabot aveugle que nous avons pu voir à l’œuvre par le passé. En tout cas, nous estimons que les lignes directrices de ces contrats doivent être précisées dans la loi.

En effet, à partir du moment où un mécanisme impose un certain nombre de contraintes aux collectivités, c’est à la loi de fixer les règles de la contractualisation, lesquelles devraient préciser non seulement les obligations des collectivités, mais aussi les engagements de l’État en matière d’évolution de leurs ressources et de leurs dépenses contraintes.

Qui dit contrat dit parties au contrat, en l’occurrence, l’État et les collectivités. Un contrat exige des engagements réciproques de part et d’autre. La loi devra donc préciser les engagements en matière contractuelle non seulement des collectivités, mais également de l’État. C’est le principe même du contrat. Je le répète, nous ne sommes pas opposés au dispositif, nous avons simplement besoin de le préciser.

Nous avons également, à travers des amendements, complété le mécanisme correctif, qui reposait uniquement sur un malus. Nous y avons ajouté un bonus. En effet, dès lors qu’il y a malus, il est nécessaire d’avoir une forme de bonification à travers un soutien à l’investissement local lorsque les objectifs sont atteints par les collectivités territoriales.

De plus, nous avons, à travers des amendements, encadré le mécanisme des sanctions. Voilà pour les collectivités territoriales.

Venons-en – cela a été abordé à travers ce que vous nous avez dit au sujet du projet de loi de finances – à la contribution de l’État à la réduction ou à la maîtrise de la dépense publique.

Le budget triennal 2018-2020 prévoit, vous le savez – M. le ministre l’a dit à l’instant – des évolutions contrastées entre différentes missions. Il y a des hausses marquées en faveur, notamment de la défense, de la justice. Il faut aussi signaler des baisses, notamment sur des politiques publiques comme le logement et l’emploi. Nous verrons si ces baisses sont mises en œuvre. Nous verrons ce qu’il en est au final, mais le Gouvernement a, c’est vrai, un objectif ambitieux de maîtrise des crédits du budget général jusqu’en 2020. Cet objectif, modérément ambitieux au départ, l’est davantage à la fin du processus.

Les efforts d’économies, largement renvoyés à la fin du processus, sont, une fois encore, libellés sous une appellation quelque peu technocratique. Nous avons connu la modernisation de l’action publique, la MAP, nous avons pratiqué la révision générale des politiques publiques, RGPP, les revues de dépenses… La dernière nouveauté technocratique a pour nom « Action Publique 2022 ». Il faut espérer qu’elle aura de meilleurs résultats que les précédents dispositifs, qui n’ont, au final, pas donné grand-chose. Je pense en particulier aux revues de dépenses, dont le Gouvernement n’a strictement rien fait. Ces processus technocratiques, qui avaient été annoncés comme l’alpha et l’oméga des dépenses publiques, ont donné lieu, certes, à de beaux rapports, mais les documents s’entassent sur les étagères, où ils ne font que prendre la poussière…

Je ne reviendrai pas sur les trajectoires des administrations de sécurité sociale, que nos collègues de la commission des affaires sociales ont examinées avec attention. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales va nous en parler.

À ce stade, les mesures d’économies ne sont pas encore très bien connues. Nous savons une chose : le Gouvernement fait l’hypothèse que, sous l’effet de la reprise économique et de la maîtrise de la dépense, le solde des administrations de sécurité sociale deviendrait excédentaire à compter de 2018 et qu’une fraction de ces excédents serait transférée vers l’État à compter de 2019.

Il y a donc une sorte de manque de transparence quant à la répartition réelle des efforts entre l’État, les collectivités et les administrations de sécurité sociale, ce qui a conduit la commission des finances à supprimer la déclinaison des objectifs de la loi de programmation par sous-secteur.

Enfin, il nous apparaît urgent de procéder aux réformes de structures susceptibles d’infléchir durablement la trajectoire des dépenses publiques. Le ministre en a parlé. Je n’ai plus de temps pour m’exprimer sur le sujet, c’est dommage, mais nous avons fait des propositions. Nous avons déposé des amendements au projet de loi de finances sur le temps de travail, sur la maîtrise de la dépense, sur les effectifs. Nos nombreux amendements vous montreront des capacités d’infléchir durablement la trajectoire des dépenses. Je pense en particulier à la masse salariale, aux dépenses de retraite, aux effectifs. Vous avez parlé des 50 000 postes de fonctionnaires. Le solde global des suppressions et créations d’emplois en 2018-2019 se limitera malheureusement à 2 % de cet objectif.

Nous ne ferons pas l’économie d’une réforme des retraites si nous voulons parvenir à une maîtrise des dépenses publiques.

Au-delà des sujets évoqués, je tiens à souligner que la commission des finances a souhaité enrichir le projet de loi de programmation des finances publiques en adoptant diverses mesures sur la sincérité de l’État. C'est la raison pour laquelle nous vous inviterons à adopter le texte tel qu’il a été modifié par la commission des finances.

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