Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai trouvé dans ce projet de loi, que vous devez connaître par cœur, monsieur le ministre, trois cents occurrences du mot « dépenses » et seulement deux mentions de la notion de « service public »… Si la logométrie pouvait suffire à mesurer et qualifier une politique, nul doute que nous trouverions là matière à réflexion !
Il est par ailleurs fort probable que le mot « crédits » est compris, dans ce projet de loi et son annexe, comme le générateur d’une dépense budgétaire plus que comme l’activité bancaire qui, dans notre système économique, est censée porter l’activité économique générale. Il est tout de même étrange de constater que la dépense publique attire plus l’attention ici que l’impôt !
Je vous ai néanmoins écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre, parler de l’impôt, que l’on peut qualifier, par compromis, de mal « nécessaire » pour donner sens à la démocratie, puisque la dépense publique est l’expression de la solidarité et du commun.
Toutefois, nous sommes là, mes chers collègues, pour expliquer à quel point ce projet de loi de programmation des finances publiques ne diffère, somme toute, qu’assez peu des lois de programmation que nous avons pu examiner depuis que la France a passé contrat avec l’Europe sur des objectifs de déficit, de dette publique, de niveau d’inflation et de taux d’intérêt, c’est-à-dire depuis Maastricht.
Sur ce point, monsieur le ministre, vous avez été très explicite, honnête et sincère ; vous avez dit, avec vos mots, que ces engagements découlent du traité de stabilité budgétaire passé entre les États de la zone euro, qui leur fait obligation de se conformer à un certain cadrage macroéconomique.
Je relève néanmoins une omission, monsieur le ministre : ce traité a été signé par la France, à Bruxelles, non pas en 2015 ou en 2016, mais bien le 2 mars 2012. Nos travaux et nos obligations remontent à un traité de 2012 !
Or la situation actuelle est préoccupante : notre déficit public est tout juste parvenu à passer, péniblement, sous la mythique barre des 3 % du PIB. Nous sommes plutôt en forme quant à l’inflation et au taux d’intérêt, mais voilà que notre dette publique excède largement le seuil de 60 %, fleuretant depuis quelque temps avec les 100 % du PIB.
Permettez-moi donc une conclusion rapide : il faudrait tout faire pour la réduction de la dette, y consacrer nos efforts, y vouer nos décisions politiques et les sacrifices imposés, encore, à la population. Pourtant, cela va déjà mieux en matière de dette sociale et locale, et les taux d’intérêt sont bas – mais cela, il ne faut pas le dire trop fort !
Pour le Gouvernement, réduire la dette et améliorer la situation des comptes publics passe, étrangement, par la mise en œuvre des mêmes choix politiques que ceux qui ont été pratiqués depuis vingt-cinq à trente bonnes années et qui nous ont conduits là où nous sommes. Tout changer pour ne rien changer, en quelque sorte, comme dit le prince Salina dans Le Guépard. Eh bien, nous ne marchons pas ! Nous ne sommes pas séduits par ce que je qualifierai de « passions tristes ».
Tout, à la lecture du rapport annexé au projet de loi comme à celle des articles mêmes du texte, conduit à penser que les questions fondamentales se posant à notre pays resteront sans réponse. Emploi, qualité du travail – sujets peu ou pas mentionnés –, développement économique et social, mal-logement, inégalités sociales et spatiales, inégalités dans l’accès au savoir et à la culture, inégalités même devant l’espérance de vie et la santé, tout cela restera présent, sans que la situation des comptes publics s’améliore pour autant !
La tare originelle des politiques d’austérité passées ou à venir, dont ce texte est malheureusement porteur, c’est qu’avant de vouloir résoudre les problèmes posés – j’ai bien vu votre réaction aux soucis exprimés sur ce point par l’un de nos collègues, monsieur le ministre – vous comptez d’abord servir les riches, les grands groupes, les entreprises engagées dans la mondialisation financière et dans la course permanente à l’optimisation fiscale et à la réduction des coûts.