Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 9 novembre 2017 à 10h30
Programmation des finances publiques de 2018 à 2022 — Discussion générale

Photo de Thierry CarcenacThierry Carcenac :

Monsieur le ministre, vos projets ne sont pas aussi caricaturaux, mais comment analyser les baisses de recettes que vous proposez : 3, 2 milliards d’euros par la suppression de l’ISF, qui va bénéficier à 180 000 foyers fiscaux pour une réduction moyenne de 150 000 euros, disposition que la droite juge insuffisante ; la mise en œuvre d’une flat tax, qui verra des contribuables payer moins d’impôts que des salariés pour un revenu équivalent ? Comment accepter des choix qui aggravent par la CSG majorée la situation de certains retraités ? Notre collègue Yves Daudigny y reviendra lors de son analyse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Vous proposez de baisser la taxe d’habitation en trois ans pour compenser ces hausses. Certes, la taxe d’habitation est injuste, mais son assiette l’est plus encore, et alors qu’une expérimentation était en cours sur cinq départements, vous n’évoquez plus la revalorisation des bases, qui datent de 1970 et servent pourtant à asseoir la taxe foncière sur la propriété bâtie. Nous sommes loin du compte, si l’on ajoute les baisses des dépenses touchant les plus modestes de nos concitoyens, comme l’APL, et ses conséquences sur les bailleurs sociaux et la construction…

Votre majorité à l'Assemblée nationale a dû ajouter à la hâte une taxation de signes extérieurs de richesse et improviser un dispositif pour les personnes âgées en maisons de retraite qui ne bénéficient pas de la baisse de la taxe d’habitation.

Enfin, vous justifiez ces décisions pour les « premiers de cordée », qui, bénéficiant de plus de moyens, vont investir. La notion de « ruissellement » est apparue… Or les « Paradise papers » démontrent que certains essayent d’échapper à l’impôt, même lorsqu’il est faible, car ils trouvent qu’ils en payent toujours trop et souhaitent toujours en payer moins en optimisant, minorant, dissimulant. La lutte contre la fraude fiscale devient une nécessité.

Nous précisons que nous ne sommes pas contre les riches, mais que ceux-ci doivent participer en proportion de leurs revenus. Comment expliquer, sinon, que leur fortune s’accroisse plus vite que le PIB du pays et que les inégalités se creusent – 9 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté en France, alors que 500 familles détiennent près de 576 milliards d’euros de patrimoine ?

Les mesures de revalorisation prises pour les personnes âgées et les handicapés sont bonnes et bienvenues.

J’en viens aux collectivités locales. L’article 10 prévoit une concertation pour 319 collectivités représentant 70 % des dotations et fixe un objectif d’évolution de la dépense locale insoutenable pour certaines d’entre elles.

Cet article manque de précisions, fixe des objectifs indifférenciés, alors que le Comité des finances locales le faisait pour les différents niveaux de collectivités – pôle communal, départemental et régional. Finalement, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale y est revenu et, monsieur le ministre, vous renvoyez à un rapport de notre collègue Alain Richard et de Dominique Bur, ancien directeur général des collectivités locales, les modalités de mise en œuvre de cette contractualisation.

Il s’agit là d’une précipitation inacceptable. Un texte ne peut figer pour cinq ans des objectifs aussi contraignants sans que soit fixé le périmètre concerné des dépenses de fonctionnement, notamment pour les départements en raison des allocations individuelles de solidarité, les AIS, de l’impact des décisions prises par l’État sur la fonction publique territoriale, particulièrement les parcours professionnels, carrières et rémunérations, les PPCR.

Je rappelle que le dernier rapport sur les finances publiques locales présenté par le Premier président de la Cour des comptes porte sur l’année 2016, sur laquelle les mesures salariales de 2017 n’avaient pas eu d’effet.

Dès lors, la contractualisation, apparente bonne mesure, devient un piège, notamment lorsque l’on ajoute les bonus et les malus. Et que dire des autres collectivités locales ? Sont-elles ou non concernées ? Cette impréparation à la veille du vote des budgets n’est pas concevable. La contractualisation est d’ailleurs plus contraignante pour les collectivités, tenues à la règle d’or du « n’emprunter que pour l’investissement », que pour l’État !

Nous sommes loin de la décentralisation engagée par Gaston Defferre en 1982. Il s’agit d’une recentralisation déguisée à la main du préfet, sans possibilité d’appel.

En conclusion, le groupe socialiste et républicain, pour les raisons que je viens d’évoquer et pour d’autres que mes collègues développeront lors de l’examen des articles, ne peut accepter, en tout état de cause, de voter l'article 1er, qui engage pour toute la législature – à tout le moins, donner acte de la communication du rapport paraîtrait acceptable –, ni l'article 10 concernant les relations de l’État avec les collectivités locales.

En conséquence, il votera contre ce texte, à cause des orientations et des choix dont il est la traduction et que la majorité sénatoriale a aggravés.

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