Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2017 que nous examinons aujourd’hui présente un caractère tout à fait exceptionnel.
Il propose d’apporter une réponse aux conséquences financières de la décision du Conseil constitutionnel intervenue le 6 octobre dernier, une décision qui censure intégralement la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés introduite par la loi de finances rectificative de 2012.
Cette contribution additionnelle de 3 % sur les montants distribués a généré, depuis 2013, une recette annuelle d’environ 2 milliards d’euros.
Je sais que cette décision de censurer le dispositif a suscité de vives critiques à l’encontre des auteurs de cette taxe.
Pour ma part, je considère que ce qui compte, c’est avant tout de trouver une solution pour résoudre le problème posé. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’État français se trouve en difficulté dans ce type de contentieux.
Nous sommes donc aujourd’hui face à un problème budgétaire important et nous devons y apporter une réponse pragmatique et efficace.
Quel est le problème ? Il a été largement rappelé. Je passerai par conséquent rapidement sur ce sujet.
Dans un premier temps, en mai 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a fait savoir que cette contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés de 3 % au titre des montants distribués était contraire à la directive « mère-fille » de 2011.
Conséquence directe de cette décision : 5, 7 milliards d’euros à trouver pour rembourser les entreprises visées par l’arrêt de la Cour.
Afin d’y parvenir, vous avez inscrit, monsieur le ministre, dans la loi de programmation des finances publiques, un remboursement échelonné sur quatre exercices budgétaires : d’abord, 300 millions d’euros en 2018, puis 1, 8 milliard d’euros par an jusqu’en 2021. Ces dépenses étaient évidemment sans incidence sur l’exercice 2017.
Par ailleurs, à l’article 13 du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement a inscrit la suppression de cette contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés à compter du 1er janvier 2018. Or le 6 octobre dernier, donc après le dépôt du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui censure l’intégralité de la contribution additionnelle votée en 2012.
La censure intégrale du dispositif impose le remboursement de cette taxe sur les dividendes pour toutes les sociétés ayant effectué une demande de restitution dans les délais de réclamation.
Et cette fois-ci, il s’agit de trouver non plus 5, 7 milliards d’euros, mais 10 milliards d’euros, dont près de 1 milliard pour les intérêts, dont je pense d’ailleurs qu’ils méritent discussion ! Bien sûr, l’annonce du Conseil constitutionnel a changé considérablement la donne et vous avez dû, monsieur le ministre, trouver dans l’urgence une solution nouvelle pour faire face à cette situation nouvelle.
Vous nous proposez une réponse à travers le présent projet de loi de finances rectificative, qui vise à instaurer, pour une année – vous l’avez rappelé, une seule année, l’année 2017 –, une contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, à laquelle s’ajouterait une contribution additionnelle pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 3 milliards d’euros.
Pour les premières, le taux de l’impôt sur les sociétés passerait de 33, 3 % à 38, 3 % sous l’effet de la contribution exceptionnelle. Pour les secondes, le taux s’établirait à 43, 33 %, sous l’effet de la contribution dite « additionnelle ».
Le rendement attendu de ces contributions s’élève à 5, 4 milliards d’euros, ce qui permettrait de couvrir environ la moitié des 10 milliards d'euros induits par la censure du Conseil constitutionnel.
Ce mode opératoire n’est pas nouveau. En effet, en 2011, pour faire face à la crise, le Gouvernement avait instauré une contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.
L’autre moitié serait assurée par l’État, à hauteur de 400 millions d’euros en 2017 et de 4, 4 milliards d'euros en 2018.
Alors, bien sûr – vous le disiez, il y a quelques instants –, d’autres solutions auraient pu être envisagées. Vous les avez rappelées : échelonner le remboursement, créer un prélèvement plus important, qui aurait permis de couvrir l’ensemble du remboursement, 10 milliards d'euros, ou encore laisser filer les déficits. On mesure bien les limites de chacune de ces solutions.
La réponse que vous donnez nous semble pragmatique et raisonnable. En effet, d’une part, elle apporte, dans l’urgence, une solution réaliste à une situation tout à fait exceptionnelle. D’autre part, elle évite une dégradation importante du déficit public.
Ainsi, pour 2017, la solution proposée permet de ne pas accroître notre déficit, qui s’établira toujours à 2, 9 % du PIB.
En revanche, pour 2018, cette situation nouvelle conduira à une légère dégradation du déficit. Alors qu’il devait s’établir à 2, 6 % du PIB, il sera finalement, sous l’effet de ce remboursement, à 2, 8 % du PIB.
Au-delà de l’année 2018, les prévisions budgétaires ne devraient pas être impactées par cette décision.
C’est, me semble-t-il, un point particulièrement important. En effet, laisser courir le déficit public aurait forcément malmené nos engagements européens et aurait pu remettre en cause la sortie de la France de la procédure pour déficit excessif dont elle fait l’objet depuis 2009. Prendre un tel risque n’aurait évidemment pas été raisonnable.
Bien sûr, M. le rapporteur général l’a rappelé, nous aurions préféré ne pas avoir à voter cette contribution…