… c'est-à-dire les entreprises qui enregistrent plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Comme le ministre vient de le redire à l’instant, le Gouvernement justifie cette imposition nouvelle par la nécessité de faire face aux remboursements de la taxe invalidée, sans pour autant compromettre le respect de l’objectif de sortie de la France de la procédure de déficit excessif en 2017.
Le Sénat a bien évidemment examiné l’incidence de cette taxe, qui touche particulièrement certains secteurs : le commerce, les services financiers, notamment les banques mutualistes. Cette incidence a été très largement soulignée lors de nos débats, de même que le message quelque peu contradictoire entre la baisse annoncée du taux de l’impôt sur les sociétés, dans le cadre du projet de loi de finances, et ces surtaxes, certes exceptionnelles. C’est la raison pour laquelle le Sénat les a supprimées.
En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a souhaité revenir à son texte de première lecture, moyennant une légère correction rédactionnelle à l’article 1er au travers d’un sous-amendement du Gouvernement. Ce sous-amendement supprime, dans le rapport qui sera présenté au Parlement, les mentions d’entreprises « perdantes » et « gagnantes », pour les remplacer par une présentation plus large, à l’échelle de la société ou du groupe de sociétés, des effets de la suppression. Nous disposerons donc, dans quelques semaines ou quelques mois, de l’impact du projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd'hui. Autrement dit, nous connaîtrons précisément les conséquences de ces mesures fiscales après leur adoption !
Pour être complet, j’ajoute que l’Assemblée nationale a adopté l’article 3 dans sa rédaction issue des travaux de première lecture.
Pourquoi avoir déposé une motion tendant à opposer la question préalable ? Je ne m’étendrai pas sur le sujet, car nous avons déjà eu un long débat et différentes positions se sont exprimées la semaine dernière. Nous sommes manifestement dans l’impossibilité de rapprocher les positions exprimées par l’Assemblée nationale, d’une part, et par le Sénat, d’autre part, ce désaccord ayant été confirmé en commission mixte paritaire.
La commission des finances n’entend pas approuver ou désapprouver la position du Gouvernement ; elle considère que le débat a largement eu lieu, qu’il n’est pas nécessaire d’y revenir et que les positions exprimées par les deux assemblées sont irréconciliables. Cela explique la présentation d’une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances rectificative. Il me semble que nous partageons tous, sur toutes les travées, une même opinion : il est temps de clore ce débat, qui appartiendra bientôt au passé.
M. le ministre a évoqué les conclusions de l’Inspection générale des finances. Pour ma part, ce n’est pas tant la partie sur le passé qui m’intéresse – le passé, c’est le passé –, ce sont plutôt les propositions qui viennent tout juste d’être formulées. Je souscris notamment à celles qui consistent à mieux anticiper, mieux préparer la loi de finances et mieux informer – je pense tout particulièrement à cette proposition très précise du rapport de l’IGF sur l’information des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées sur le risque contentieux.
Oui, monsieur le ministre, nous souscrivons à ces propositions, et nous sommes tout à fait prêts à travailler pour une meilleure préparation de la loi et pour éviter, à l’avenir, de se retrouver confrontés à ce type de contentieux. Je citerai ici la taxe à 75 % des hauts revenus, pour laquelle, rappelez-vous, la commission des finances avait alerté le gouvernement de l’époque sur le risque constitutionnel. Nous n’avions pas été entendus !
Nous aurons effectivement à mieux prendre en compte les risques communautaires et constitutionnels à l’avenir.
À cet égard, monsieur le ministre, j’exprimerai une demande. Je le répète, nous souscrivons à ce que vous formulez aujourd'hui comme une bonne intention, mais celle-ci ne doit pas se restreindre aux projets de loi de finances : elle doit aussi concerner les projets de loi de finances rectificative. En effet, l’expérience le prouve, les collectifs budgétaires de fin d’année donnent souvent lieu à la présentation, parfois en séance, très tardivement ou dans la précipitation, d’amendements qui peuvent être techniques et qui, s’ils le sont moins, seront sans doute plus politiques. Il arrive que ceux-ci nous parviennent avec une absence totale ou quasi totale d’expertise juridique. Le Conseil constitutionnel est régulièrement amené à statuer, soit par des questions prioritaires de constitutionnalité, soit par une saisine initiale, et à annuler ces dispositions.
La précipitation et le bricolage fiscal, malheureusement, donnent de mauvais résultats. C’est peut-être l’enseignement que nous pouvons tirer de cette mauvaise passe, afin d’en sortir positivement.
Sans souscrire sur le fond, mes chers collègues, j’espère que vous voterez la motion tendant à opposer la question préalable, afin d’éviter de revenir sur un débat qui, malheureusement, ne nous rapprochera pas des positions adoptées par l’Assemblée nationale.