Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont rappelé mes prédécesseurs, après l’échec de la commission mixte paritaire la semaine dernière, nous sommes amenés à réexaminer le projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Jeudi dernier, après des débats prolongés, la Haute Assemblée a rejeté en première lecture la principale mesure du texte, à savoir l’impôt exceptionnel sur les grandes entreprises. Je le regrette, comme l’ensemble de mon groupe, car le refus de cette contribution signifierait, s’il était acté, le passage du déficit public de 2, 9 % à 3, 1 % du PIB en 2017, alors que la France est l’un des derniers États de la zone euro soumis à la procédure de déficit public excessif.
Le projet de loi de finances rectificative, cela a été expliqué, prévoit la création, pour l’exercice 2017, d’une contribution exceptionnelle à l’impôt sur les bénéfices des sociétés applicable aux sociétés réalisant plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, ainsi que d’une contribution additionnelle pour les sociétés réalisant plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est une réponse législative à l’invalidation par le Conseil constitutionnel, le 6 octobre dernier, de la taxe additionnelle de 3 % sur les dividendes instituée par la loi de finances rectificative de l’été 2012, décision fondée sur la « différence de traitement entre les sociétés mères, selon que les dividendes qu’elles distribuent proviennent ou non de filiales établies dans un État membre de l’Union européenne autre que la France ».
Le 17 mai dernier, la Cour de justice de l’Union européenne avait d’ores et déjà jugé la contribution de 3 % sur les revenus distribués incompatible avec le régime fiscal européen commun applicable aux sociétés mères et aux filiales.
À la suite de ces décisions, l’État est donc tenu de rembourser les sommes perçues aux entreprises concernées, soit près de 10 milliards d’euros, un montant important qui comprend notamment les intérêts moratoires de 4, 8 % par an, qui s’ajoutent au remboursement des sommes perçues depuis 2012. Je note d’ailleurs que le taux des intérêts moratoires devrait être réduit de moitié dans le prochain projet de loi de finances rectificative pour le rapprocher des taux d’intérêt actuels.
D’après les estimations données par le Gouvernement, ces dispositions concerneront environ 320 entreprises au total, dont 110 seront assujetties au taux de 30 %. Le rendement est estimé à 5, 4 milliards d’euros, dont 4, 8 milliards d’euros versés en 2017 au titre d’un acompte payé avant le 20 décembre de cette année.
Le solde public 2017 serait inchangé par rapport à l’estimation réalisée lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2018, à 2, 9 %. Au-delà de 2017, le coût lié au contentieux serait intégré à la trajectoire des finances publiques sans compromettre le respect par la France de ses engagements européens. La prévision de solde pour 2018, prévue dans le projet de loi de finances à 2, 6 %, serait réévaluée à 2, 8 %.
Le rapport de l’Inspection générale des finances, remis hier au ministre de l’économie et des finances, a établi la chronologie de l’adoption de la taxe sur les dividendes, de son maintien et, enfin, de son annulation.
Cette taxe était née de la volonté de couvrir un autre contentieux sur les OPCVM et de la mise en œuvre des engagements de campagne de l’ancien Président de la République. Sa constitutionnalité et sa compatibilité avec le droit européen n’avaient pas été mises en cause par l’administration, ni par le Conseil d’État, ni par les parlementaires auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi de 2012. En revanche, les signes d’incompatibilité avec le droit européen étaient apparus en 2015 avec une question préjudicielle sur une taxe belge similaire, mais surtout après la mise en demeure de la France par la Commission européenne sur l’incompatibilité avec la directive mère-fille et les principes de liberté d’établissement et de circulation des capitaux, et, enfin, avec la multiplication des contentieux à partir de cette même année.
Le rapport tire des leçons importantes pour l’avenir : renforcer la solidité de la loi fiscale, à l’image de bonnes pratiques existant dans d’autres pays européens, en associant davantage les acteurs publics, dont le Parlement, et les acteurs privés ; améliorer la transparence sur les risques de contentieux ; redéfinir le suivi administratif du contentieux fiscal et mettre en place une procédure d’alerte efficace.
Concernant le présent projet de loi, la position du groupe du RDSE reste identique à celle exprimée en première lecture : si le dispositif n’apparaît pas satisfaisant au regard du calendrier et de la méthode, qui fera nécessairement des gagnants et des perdants, et, à plus long terme, au regard du projet du Gouvernement de renforcer l’attractivité de la fiscalité des entreprises, nous pensons qu’il n’y a pas de solution alternative qui n’aurait lourdement pénalisé les finances publiques. Rappelons également que l’État prend à sa charge dans ce dossier pas moins de 5 milliards d’euros, soit environ la moitié du remboursement de la taxe sur les dividendes.
C’est pourquoi nous ne pourrons suivre la position du rapporteur général sur la motion tendant à opposer la question préalable. Majoritairement favorables à l’examen et à l’adoption du texte du Gouvernement, nous voterons donc contre cette motion.