Je suis conscient du délai imposé au Parlement pour examiner ce projet de loi de finances rectificative pour 2017. Vous disposez en effet de très peu de temps pour prendre connaissance de ce texte, dont l'urgence est due à la récente décision du Conseil constitutionnel. Toutefois, je tiens à vous assurer que le caractère exceptionnel de ce calendrier ne remet pas en cause la volonté du Gouvernement de dialoguer avec le Parlement.
Ce projet de loi de finances rectificative est essentiel pour permettre une bonne gestion budgétaire pour l'année 2017.
Le 17 mai 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la contribution de 3 % sur les montants distribués était incompatible avec le régime fiscal commun appliqué aux sociétés mères et filiales. Dans sa décision du 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a censuré ce même dispositif et a demandé à l'État de restituer aux entreprises, de manière rétroactive, la totalité des sommes perçues.
L'article 13 du projet de loi de finances pour 2018 supprime la taxe de 3 % sur les dividendes en tirant les conséquences du contentieux européen. Nous avions en outre provisionné - sur la période 2018 à 2021 - les sommes nécessaires au remboursement. La censure intégrale du dispositif par le Conseil constitutionnel conduit à une augmentation du montant total des remboursements dus par l'État, ainsi qu'à une simplification du traitement des dossiers par rapport au schéma imaginé. Les décaissements se feront finalement sur deux ans, à hauteur de 5 milliards d'euros en 2017 et 5 milliards d'euros en 2018. Au total ce sont donc 10 milliards d'euros, et non les 5,7 milliards d'euros que nous avions initialement imaginés, que nous devons rembourser, dont 1 milliard d'euros au titre des intérêts moratoires.
Cette somme est susceptible de remettre en jeu notre équilibre des comptes publics et nos engagements européens. En effet, si aucune mesure n'est prise, la charge imprévue pourrait conduire à une remise en cause de la sortie de la France de la procédure pour déficit public excessif. À titre de rappel, il n'y a plus que deux pays concernés par celle-ci. Nous avons pris l'engagement d'une sortie de cette procédure dès l'année prochaine, avec un déficit projeté de 2,9 % en 2017, et 2,6 % en 2018. À défaut de mesure exceptionnelle, cette trajectoire serait remise en cause.
Au vu des efforts demandés aux concitoyens depuis la nomination du Gouvernement, nous présentons ce projet de loi de finances rectificative distinct, avec un dispositif qui n'a vocation à s'appliquer qu'une seule fois. Il n'est ainsi pas question de rééditer ce type de dispositif par la suite.
Il repose sur deux surtaxes dont le taux est conditionné au chiffre d'affaires des entreprises. Une contribution exceptionnelle est instaurée pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros. Elle représentera environ 15 % du montant de l'impôt sur les sociétés, ce qui mettra leur taux d'impôt sur les sociétés à 38,33 %. Par un amendement voté hier à l'Assemblée nationale, un lissage a été mis en place pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 milliard d'euros et 1,1 milliard d'euros, afin de minimiser les effets de seuil.
Une contribution additionnelle est également mise en place pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 3 milliards, qui représentera 15 % de leur impôt sur les sociétés. Elle s'ajoutera à la contribution exceptionnelle précédemment évoquée. Au total, leur taux d'impôt sur les sociétés sera de 43,3 %. Un lissage est également prévu pour les entreprises qui ont un chiffre d'affaires compris entre 3 milliards d'euros et 3,1 milliards d'euros.
Par ces deux contributions, nous évaluons les rentrées fiscales à 4,8 milliards d'euros en 2017, qui seront payées avant le 20 décembre de cette année, et à 600 millions d'euros supplémentaires en 2018. Grâce à ces contributions, le déficit - à 2,9 % - restera inchangé. Le Haut Conseil des finances publiques a d'ailleurs jugé cette hypothèse crédible, indiquant que « les informations communiquées à sa demande au Haut Conseil sur les modalités pratiques retenues pour le règlement des sommes dues - et en particulier le choix de traiter prioritairement d'ici fin décembre les dossiers correspondant aux montants les plus importants - rendent plausible l'hypothèse d'un montant total voisin de 5 milliards d'euros sur l'année 2017 ».
Il restera à la charge de l'État 4,6 milliards d'euros, imputés sur le budget 2018. Ce surcoût ne devrait toutefois pas dégrader le déficit au-delà de la limite des 3 %. En effet, dans la version actualisée, cette dépense supplémentaire devrait faire passer le déficit de 2,6 % à 2,8 % du PIB. Ce n'est pas une décision politique agréable à porter, d'autant plus que de nombreux efforts budgétaires ont été consentis. Toutefois, cela n'est nullement une remise en cause de notre trajectoire budgétaire, ni de notre volonté de baisser l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % d'ici la fin du quinquennat, avec un taux à 28 % dès 2020. Il n'est ainsi pas question d'augmenter durablement la pression fiscale sur nos entreprises.