Je regarderai avec attention cet amendement, mais je n'ai pas été saisi de ce dossier, sur lequel je ne suis pas compétent.
Je ne puis donner de chiffre sur le coût du Brexit puisque les discussions sont en cours. En revanche, il n'est pas question que les discussions durent deux ans : le 29 mars 2019 à minuit, le Royaume-Uni ne sera plus membre de l'Union européenne. Les négociations doivent donc se conclure bien avant, afin de laisser le temps aux pays membres de ratifier les accords de sortie. Les négociations devront donc s'achever en octobre 2018 à la fois sur le solde de nos relations mais aussi sur nos relations futures. D'ici la fin de cette année, des progrès décisifs doivent être réalisés sur la question financière, le sort des citoyens et la frontière avec l'Irlande pour laquelle il faudra éviter un excès de rigidité.
Je vous invite à lire le rapport de Mario Monti qui a présidé le groupe de Haut niveau sur les ressources propres. Il décline des propositions sur l'impôt sur les sociétés, la TVA, la taxe carbone. Je regrette que nous n'ayons pas encore fait de proposition sur la taxation de l'énergie. Nous devrions y parvenir au printemps prochain. En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, les dix États membres, dont la France, pourraient la mettre en oeuvre très rapidement. Je les incite à sortir de l'ambiguïté.
Le TSCG doit être intégré dans les traités : nous évoquerons cette question dans le paquet « Union économique et monétaire » du 6 décembre prochain. Ce sujet n'est politiquement pas neutre, car cela signifie qu'il faut aussi introduire de la flexibilité, ce que certains refusent.
Je partage votre point de vue, Michel Raison, la TVA doit être modernisée. Pour ce qui concerne la liste noire, nous avons fixé les critères que j'ai déjà donnés. Le groupe « Code de conduite » est en train de travailler sur les propositions de la Commission. Il examine de façon précise et détaillée les différents systèmes fiscaux des États qui pourraient figurer dans la liste. Les États qui n'auront pas répondu aux demandes d'informations seront sur la liste, les États qui auront satisfait à nos critères n'y seront pas. De nombreux pays doivent encore répondre à diverses questions.
Emmanuel Capus m'a interrogé sur le contrôle démocratique : les assemblées nationales ont tout leur rôle à jouer. Mais, pour l'essentiel, ce sera au Parlement européen ou à un Parlement dérivé de ce dernier de contrôler le budget de la zone euro. À mon sens, le Parlement européen est l'assemblée idoine pour y procéder. Mais libre aux parlementaires européens de s'organiser entre eux pour créer une commission ou un comité.
À partir du moment où le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne, ce sera un État tiers qui définira de façon souveraine sa politique fiscale. Certains évoquent une sorte de Singapour à nos frontières, mais Singapour n'est pas un paradis fiscal. En outre, rien n'interdirait au Royaume-Uni de proposer une fiscalité avantageuse dans le cadre de l'Union : il pourrait réduire son taux d'imposition de dix points mais, ensuite, il lui faudrait compenser les pertes de recettes. Pour moi, cette éventualité n'est économiquement pas viable et elle ne permettrait pas au Royaume-Uni de s'affranchir de toutes les règles, car c'est un pays membre du G20 et du G7. Enfin, depuis cinq ans, les gouvernements britanniques successifs ont été proactifs en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Il est encore trop tôt pour parler de l'avenir de la politique agricole commune (PAC). Mais les prochaines perspectives financières vont être compliquées, car il y aura moins de ressources tandis que de nouvelles politiques publiques devront être financées : défense, investissement, innovation, éducation, économie du futur... Pour la PAC, la vigilance s'imposera donc.
Enfin, l'Allemagne et les Pays-Bas connaissent des excédents qui pèsent sur la croissance de la zone euro. Ces déséquilibres doivent se réduire grâce, notamment, à un effort supplémentaire d'investissement dans les infrastructures.
La réunion est close à 19 h 05.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
La réunion est ouverte à 19 h 10.
Mes chers collègues, nous entendons ce soir Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances sur le projet de loi de finances rectificative tirant les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution de 3 % sur les dividendes.
Je suis conscient du délai imposé au Parlement pour examiner ce projet de loi de finances rectificative pour 2017. Vous disposez en effet de très peu de temps pour prendre connaissance de ce texte, dont l'urgence est due à la récente décision du Conseil constitutionnel. Toutefois, je tiens à vous assurer que le caractère exceptionnel de ce calendrier ne remet pas en cause la volonté du Gouvernement de dialoguer avec le Parlement.
Ce projet de loi de finances rectificative est essentiel pour permettre une bonne gestion budgétaire pour l'année 2017.
Le 17 mai 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la contribution de 3 % sur les montants distribués était incompatible avec le régime fiscal commun appliqué aux sociétés mères et filiales. Dans sa décision du 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a censuré ce même dispositif et a demandé à l'État de restituer aux entreprises, de manière rétroactive, la totalité des sommes perçues.
L'article 13 du projet de loi de finances pour 2018 supprime la taxe de 3 % sur les dividendes en tirant les conséquences du contentieux européen. Nous avions en outre provisionné - sur la période 2018 à 2021 - les sommes nécessaires au remboursement. La censure intégrale du dispositif par le Conseil constitutionnel conduit à une augmentation du montant total des remboursements dus par l'État, ainsi qu'à une simplification du traitement des dossiers par rapport au schéma imaginé. Les décaissements se feront finalement sur deux ans, à hauteur de 5 milliards d'euros en 2017 et 5 milliards d'euros en 2018. Au total ce sont donc 10 milliards d'euros, et non les 5,7 milliards d'euros que nous avions initialement imaginés, que nous devons rembourser, dont 1 milliard d'euros au titre des intérêts moratoires.
Cette somme est susceptible de remettre en jeu notre équilibre des comptes publics et nos engagements européens. En effet, si aucune mesure n'est prise, la charge imprévue pourrait conduire à une remise en cause de la sortie de la France de la procédure pour déficit public excessif. À titre de rappel, il n'y a plus que deux pays concernés par celle-ci. Nous avons pris l'engagement d'une sortie de cette procédure dès l'année prochaine, avec un déficit projeté de 2,9 % en 2017, et 2,6 % en 2018. À défaut de mesure exceptionnelle, cette trajectoire serait remise en cause.
Au vu des efforts demandés aux concitoyens depuis la nomination du Gouvernement, nous présentons ce projet de loi de finances rectificative distinct, avec un dispositif qui n'a vocation à s'appliquer qu'une seule fois. Il n'est ainsi pas question de rééditer ce type de dispositif par la suite.
Il repose sur deux surtaxes dont le taux est conditionné au chiffre d'affaires des entreprises. Une contribution exceptionnelle est instaurée pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros. Elle représentera environ 15 % du montant de l'impôt sur les sociétés, ce qui mettra leur taux d'impôt sur les sociétés à 38,33 %. Par un amendement voté hier à l'Assemblée nationale, un lissage a été mis en place pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 milliard d'euros et 1,1 milliard d'euros, afin de minimiser les effets de seuil.
Une contribution additionnelle est également mise en place pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 3 milliards, qui représentera 15 % de leur impôt sur les sociétés. Elle s'ajoutera à la contribution exceptionnelle précédemment évoquée. Au total, leur taux d'impôt sur les sociétés sera de 43,3 %. Un lissage est également prévu pour les entreprises qui ont un chiffre d'affaires compris entre 3 milliards d'euros et 3,1 milliards d'euros.
Par ces deux contributions, nous évaluons les rentrées fiscales à 4,8 milliards d'euros en 2017, qui seront payées avant le 20 décembre de cette année, et à 600 millions d'euros supplémentaires en 2018. Grâce à ces contributions, le déficit - à 2,9 % - restera inchangé. Le Haut Conseil des finances publiques a d'ailleurs jugé cette hypothèse crédible, indiquant que « les informations communiquées à sa demande au Haut Conseil sur les modalités pratiques retenues pour le règlement des sommes dues - et en particulier le choix de traiter prioritairement d'ici fin décembre les dossiers correspondant aux montants les plus importants - rendent plausible l'hypothèse d'un montant total voisin de 5 milliards d'euros sur l'année 2017 ».
Il restera à la charge de l'État 4,6 milliards d'euros, imputés sur le budget 2018. Ce surcoût ne devrait toutefois pas dégrader le déficit au-delà de la limite des 3 %. En effet, dans la version actualisée, cette dépense supplémentaire devrait faire passer le déficit de 2,6 % à 2,8 % du PIB. Ce n'est pas une décision politique agréable à porter, d'autant plus que de nombreux efforts budgétaires ont été consentis. Toutefois, cela n'est nullement une remise en cause de notre trajectoire budgétaire, ni de notre volonté de baisser l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % d'ici la fin du quinquennat, avec un taux à 28 % dès 2020. Il n'est ainsi pas question d'augmenter durablement la pression fiscale sur nos entreprises.
Je souhaiterais avoir une explication sur le scénario macroéconomique retenu pour ce projet de loi de finances rectificative. En effet, l'exposé des motifs mentionne que « le scénario macroéconomique attaché au projet de loi de finances rectificative pour 2017 est identique à celui du projet de loi de finances pour 2018, qui retient une croissance du PIB de 1,7 % pour l'année 2017 ». L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) prévoit pour 2018 une croissance à 1,8 %, ce qui pourrait conduire à des recettes supérieures et une amélioration du solde public. Dès lors, pourquoi ne pas avoir intégré cette nouvelle évaluation de la croissance dans les calculs pour ce projet de loi de finances rectificative ? Cela permettrait en effet de limiter le prélèvement fait sur les entreprises.
Par ailleurs, la semaine prochaine, nous allons examiner le deuxième projet de loi de finances rectificative - le collectif budgétaire de fin d'année. Ce dernier confirmera-il l'hypothèse retenu par le Gouvernement de 1,7 % de croissance ? Ou bien, cette dernière serait-elle différente à celle utilisée pour ce premier projet de loi de finances rectificative ?
Enfin, je souhaite souligner que les entreprises qui vont être mises à contribution dans le cadre de la contribution exceptionnelle ne sont pas forcément celles qui vont bénéficier d'un remboursement de la contribution de 3 % sur les dividendes. C'est notamment le cas des banques mutualistes et des groupes fiscalement intégrés. Pour eux, il s'agit d'une augmentation brute de leur fiscalité, alors même qu'ils ont peut-être déjà investi leurs bénéfices. Avez-vous des informations sur les gagnants et les perdants de cette contribution exceptionnelle ?
Le Gouvernement a fait le choix de maintenir son hypothèse de croissance à 1,7 %. Bien évidemment, nous nous réjouissons qu'un institut renommé annonce une croissance supérieure. Toutefois, d'autres estiment que la croissance sera plus faible. Ainsi, le Fonds monétaire international (FMI) l'estime à 1,6 %, l'Organisation de coopération et de développement économiques à 1,7 % et l'Insee à 1,8 %. Nous avons choisi de retenir l'hypothèse médiane, qui nous paraît être la plus responsable. J'espère que nous aurons une bonne surprise l'année prochaine, avec une croissance qui sera au rendez-vous. Mais la prudence prévaut actuellement.
Une révision du montant prévisionnel des recettes, en lien uniquement avec une modification des hypothèses de croissance, nous a apparu peu opportune. En effet, à ce stade de l'année, ce n'est pas tant le cadrage macroéconomique qui va déterminer le niveau des recettes que l'on va inscrire au projet de loi de finances rectificative, mais plutôt la dynamique des encaissements constatés au vu des dernières remontées comptables.
La question des gagnants et des perdants est inextricable. Tout d'abord, toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 milliard d'euros sont gagnantes. Certes, la contribution exceptionnelle vise à faire face à la censure de l'imposition à 3 % sur les dividendes. Toutefois, il n'y a aucun lien juridique entre l'assujettissement à cette contribution exceptionnelle et la perception d'un remboursement du fait de la censure du dispositif précédent. Un tel lien serait contraire à la Constitution et risquerait une nouvelle annulation.
Sur la base de l'impôt sur les sociétés payé en 2016, nous estimons que 319 entreprises sont redevables à cette contribution exceptionnelle - 223 d'entre elles payeront un montant supérieur aux restitutions demandées, 95 d'entre elles payeront un montant inférieur au remboursement accordé, soit un ratio de deux tiers un tiers.
Je sais que les banques mutualistes ont alerté de nombreux parlementaires sur leur assujettissement à ces contributions, alors même qu'elles n'étaient pas assujetties à la taxe de 3 % sur les dividendes. Toutefois, si elles sont concernées par ce dispositif, cela signifie que leur chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros. Par ailleurs, ne pas les considérer de la même manière que d'autres entreprises constituées par des entités fiscales intégrées fait courir le risque d'une nouvelle censure pour rupture d'égalité devant les charges publiques. Leurs résultats fiscaux sont ainsi déterminés de la même manière que les autres groupes fiscaux intégrés soumis à cette contribution exceptionnelle.
Les banques mutualistes font partie de ces entités qui vont être des contributeurs bruts, c'est-à-dire qui vont devoir payer ces contributions exceptionnelles, sans recevoir un quelconque remboursement de la part de l'État. Combien de sociétés contributrices ne recevront aucun remboursement au titre de la taxe à 3 % ?
Par ailleurs, j'ai mal vécu l'explication du ministre de l'économie et des finances expliquant que cette censure était un scandale d'État. Ce sont des termes très violents. À ce titre, je tiens à vous remercier pour votre exposé sobre. J'ai ainsi l'impression, qu'en fonction des publics, la terminologie employée par le Gouvernement n'est pas la même.
Il ne faut pas oublier les circonstances dans laquelle a été créée cette taxe des 3 % sur les dividendes. Elle succède à un contentieux ancien, portant sur les OPCVM. L'ancien Gouvernement avait dû - tout comme vous - trouver une solution en urgence à la suite d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne. C'est l'administration qui doit à chaque fois trouver des solutions en urgence, en pesant le pour et le contre et estimant les risques.
Pour moi, il ne s'agit pas d'un scandale d'État, mais d'une solution technique, mais fragile, proposée en urgence par une administration de qualité. Il est en effet toujours difficile d'anticiper les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ou du Conseil constitutionnel.
On pourrait très bien imaginer que dans quelque temps, le système que vous proposez soit également remis en cause. Vous avez parlé de rupture d'égalité devant les charges publiques. Or, votre projet cible très peu d'entreprises. Un nouveau contentieux porté par les entreprises concernées devant le Conseil constitutionnel n'est pas à exclure.
Nous devons trouver collectivement une solution. Je me permettrai d'en proposer une. On pourrait, par exemple, reporter d'un an la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU). On trouverait ainsi les 5 milliards d'euros manquants, tout en enlevant ce poids financier pesant sur les entreprises et l'inquiétude qui peut exister chez nos concitoyens concernant la réforme de l'ISF et du PFU. Par ailleurs, cette solution ne risque pas d'être censurée par le Conseil constitutionnel.
À l'Assemblée nationale, Bruno Le Maire a annoncé vouloir réfléchir à un taux d'intérêt moratoire plus faible. En effet, un taux de 4,8 % est très élevé. Quels seraient les critères et conditions pour pouvoir abaisser ce taux ?
Plus largement, comment peut-on éviter collectivement à l'avenir de reproduire ces erreurs ? Je suis un nouveau parlementaire. Peut-on renforcer les moyens d'évaluation ex post et ex ante de la loi, ainsi que la façon de suivre les contentieux fiscaux ? Faut-il mettre en place une mission de suivi des contentieux fiscaux européens et surtout ceux faisant l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ? Les inscrire sur une liste ? Faut-il prévoir une étude d'impact systématique sur les amendements parlementaires et gouvernementaux ?
Une réponse a déjà été apportée à ma question portant sur les gagnants et perdants de cette contribution exceptionnelle. Cette censure ne témoigne peut-être pas d'un scandale d'État, mais à tout le moins d'un dysfonctionnement. Être condamné par plusieurs juridictions ne traduit pas une bonne façon de légiférer. Aussi, en dehors du rapport confié à l'inspection générale des finances sur ce sujet, y a-t-il une réflexion en cours avec vos services sur la façon de mieux légiférer en matière fiscale - sachant que pour moi, dans ce domaine, mieux légiférer signifie moins légiférer ?
Les banques mutualistes ne sont pas les seuls groupes d'entreprises à être des contributeurs bruts. Au total, entre 70 sociétés et 80 sociétés le sont. Je souhaite réaffirmer que cette surtaxe n'est pas une compensation du remboursement que certaines entreprises peuvent percevoir. Sinon on pourrait avoir l'impression que le Gouvernement cherche à contourner une décision de justice.
Le rapport de l'inspection générale des finances, commandé par le ministre de l'économie et des finances, doit permettre de faire la lumière sur le processus ayant amené à cette censure. Mais il doit aussi nous éclairer sur la manière dont on peut préparer plus efficacement les textes financiers. Nous devons travailler ensemble - administration, Parlement, Conseil constitutionnel - afin d'éviter à devoir refaire en urgence, ce que nous devons faire aujourd'hui. Enfin, si ce n'est pas un scandale d'État, c'est à tout le moins une faute extrêmement lourde de gestion, qui coûte 10 milliards d'euros. L'établissement des responsabilités est la moindre des choses que nous devons faire.
Le report d'une année de la réforme de l'ISF ne permettrait pas de répondre à notre volonté de passer en dessous des 3 % de déficit pour la fin décembre 2017. Je tiens également à rappeler que la fiscalité ne doit pas servir une clientèle, mais être au service d'un modèle économique, de l'intérêt général, afin d'accroître le potentiel de croissance.
Nous connaissons tous des patrons de petites et moyennes entreprises (PME) qui cherchent des financements de 3 millions à 6 millions d'euros, pour se développer mais ne les trouvent pas. Aujourd'hui, soit vous cherchez un financement plus petit et vous pouvez le trouver, soit vous cherchez un financement beaucoup plus important sur les marchés financiers. Mais pour cette tranche médiane d'investissement, nous avons la conviction que le capital productif est trop taxé. Le Gouvernement souhaite permettre aux entreprises et aux PME d'investir, de leur donner des leviers de croissance.
Certes, quelques fonds de grandes entreprises, ainsi que la Banque européenne d'investissement (BEI) commencent à s'intéresser à nos PME, mais cela n'est pas suffisant. Notre but est de permettre l'émergence de PME solides, de leur donner des leviers de croissance et de financement. Or, il faudra un certain délai pour que les mesures structurelles que nous mettons en place aujourd'hui aient un impact sur les territoires. C'est la raison pour laquelle il faut dès à présent les faire. Nous souhaitons par ailleurs évaluer l'impact des mesures prises dans deux ans.
Le niveau des intérêts moratoires fera l'objet d'un débat dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année. En effet, le taux de 4,8 % est fixé par la loi. Une modification législative est nécessaire pour le changer. Le ministre est ouvert aux différentes propositions sur ce point.
Sans doute avons-nous été insuffisamment vigilants dans l'élaboration du dispositif sanctionné. C'est la raison pour laquelle le double dispositif proposé a fait l'objet d'une sécurisation maximum. Lors du passage en Conseil d'État, une attention particulièrement importante a été apportée au regard du droit de l'Union européenne. C'est certainement sur ce point qu'il y a eu une défaillance en 2012.
Nous avons également supprimé le plafond initialement prévu, sur l'avis du Conseil d'État. Nous avons ensuite refusé toute exception, afin d'éviter une remise en cause du dispositif pour rupture d'égalité. Enfin, les deux contributions reprennent le principe de la surtaxe « Fillon » sur l'impôt sur les sociétés qui n'avait pas fait l'objet de contentieux.
Pour les futures dispositions budgétaires et fiscales, je suis en faveur d'un renforcement d'un travail conjoint entre les deux chambres et les services administratifs, afin d'éviter d'avoir à travailler dans l'urgence, porteuse de risques. Nous sommes en effet responsables envers nos concitoyens des lois que nous votons. Par ailleurs, nous devons, à mon sens, porter une attention accrue aux textes communautaires.
Permettez-moi de faire une remarque. Dans cette optique, il serait bien que le Gouvernement ne dépose plus en séance des amendements de fond, notamment lors des projets de loi de finances rectificative. Nous avons plusieurs exemples, notamment dans le cadre de collectifs budgétaires où le Gouvernement dépose en séance un amendement, sans avis du Conseil d'État, et pour lequel la commission des finances ne dispose que de quelques minutes pour l'étudier et se prononcer. Cela a été le cas de la réforme du régime fiscal applicable aux zones de revitalisation rurale (ZRR). J'ai également le souvenir de la réforme du tabac, dont l'amendement de séance, comprenant de nombreuses pages, a été déposé par le Gouvernement à 22 heures, et sur lequel nous avons voté cinq minutes plus tard. Une telle façon de procéder est source de contentieux éventuels. Un effort de la part du Gouvernement est nécessaire sur ce point. Par ailleurs, les avis du Conseil d'État pourraient être rendus publics.
Vous avez déjà répondu à plusieurs de mes questions, de manière pragmatique, notamment sur le risque constitutionnel du nouveau dispositif proposé, les intérêts moratoires ainsi que les solutions à trouver pour éviter qu'un tel scénario ne se répète. Comment ont été évalués les 10 milliards d'euros qui doivent être remboursés aux entreprises ?
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il n'est jamais bon de voter des lois dans l'urgence. À ce sujet, Bruno Le Maire a annoncé que le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) sera remis le 10 novembre prochain. Or, nous voterons sur ce texte la veille. Je comprends qu'il faille rapidement trouver une solution législative après la censure du dispositif existant. Toutefois, n'aurait-on pas pu attendre une semaine de plus, ce qui nous aurait permis d'avoir les conclusions du rapport de l'IGF ?
Par ailleurs, je trouve que la politique du Gouvernement manque de logique, voire est contradictoire. En effet, alors que vous annoncez une baisse de l'impôt sur les sociétés, celui-ci va augmenter dans un premier temps pour un certain nombre d'entreprises. De même, le président de la République s'était engagé en faveur du secteur mutualiste et de la prévoyance. Or les banques mutualistes sont imposées au titre de ces contributions exceptionnelles. Ce sont bien les entreprises, certes pas forcément les mêmes, qui sont taxées.
Enfin, et il en est de même pour les collectivités territoriales, les entreprises ont besoin d'un cadre stable. Quelles lisibilité et logique trouver dans la mesure proposée ?
Certes, on connait la complexité des finances publiques, mais on a du mal à imaginer comment on a pu arriver à la situation actuelle. Comment trouver 10 milliards d'euros, alors que les entreprises rencontrent aussi des difficultés ?
Le dispositif en lui-même est un bricolage, mais on ne peut pas faire autrement. Il ne doit pas être compris comme une ligne politique, mais comme une opération comptable.
J'ai deux questions techniques. Le vocable « des créances fiscales de toute nature, réduction et crédit d'impôt » concerne-t-il uniquement l'impôt sur les sociétés dû ou inclut-il également les réductions de la base imposable ? Le suramortissement est-il concerné ? En effet, un certain nombre d'entreprises bénéficient encore du suramortissement, qui a été prolongé de manière restrictive en 2017.
Par ailleurs, la définition retenue pour le chiffre d'affaires, dans le cadre des groupes, est la somme des chiffres d'affaires, et non le chiffre d'affaires consolidé. Pourquoi cette définition a-t-elle été choisie ? Traditionnellement, c'est le chiffre d'affaires consolidé qui est utilisé dans le déclenchement de certains seuils fiscaux. C'est notamment le cas pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Or le chiffre d'affaires consolidé neutralise le chiffre d'affaires interentreprises de sociétés d'un même groupe. Pour certaines entreprises, le choix du mode de calcul peut déclencher le passage du seuil d'un milliard ou de trois milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Est-il prévu de rétrocéder en 2018 l'argent prélevé en 2017 aux entreprises au titre de ces contributions ? En effet, cette ponction exceptionnelle modifie leur potentiel de croissance. Par ailleurs, comment le Gouvernement aurait-il fait s'il avait fallu rembourser 10 milliards d'euros de plus ? Aurait-il mis un taux de contribution exceptionnelle plus fort ou l'État aurait-il augmenté sa part ? Quel a été le cheminement à Bercy pour arriver à la solution proposée ?
L'évaluation de 10 milliards d'euros est le fruit des réclamations déjà enregistrées au tribunal de Montreuil et auprès de l'administration, auxquelles nous avons ajouté les intérêts moratoires, ainsi que les versements indus non prescrits et donc réclamables.
La hausse de l'impôt sur les sociétés, alors que nous nous sommes engagés sur une baisse de ce dernier, reflète une réalité budgétaire. Tout comme vous, le Gouvernement est attaché à la stabilité et à la lisibilité fiscales. C'est la raison pour laquelle nous avons pris la décision de régler le problème en une fois. D'ailleurs, les marchés, les entreprises et nos partenaires étrangers, de manière générale, saluent la clarté et la simplicité du dispositif.
Le rapport de l'inspection générale des finances n'apportera pas d'éléments sur la façon de partager cette dépense de 10 milliards d'euros, car il s'intéresse au processus ayant mené à l'élaboration du dispositif censuré.
L'État va prendre en charge la moitié de ce surcoût ; les grands groupes prennent en charge l'autre moitié. Par contre, l'État ne prendra pas en charge l'intégralité de ce dernier, car cela toucherait d'autres politiques publiques, par exemple la baisse de la fiscalité des ménages. Ce n'est pas de gaîté de coeur que nous mettons en place ces contributions qui vont toucher 319 entreprises, au moment où nous efforçons de convaincre nos partenaires de la volonté de faire baisser la pression fiscale sur les entreprises, de mieux valoriser les bénéfices afin de les orienter vers l'investissement dans l'appareil productif.
Mais nous assumons cette mesure. En outre, seules les entreprises réalisant des bénéfices et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros et supérieur ou égal à 3 milliards d'euros seront assujetties respectivement à la contribution exceptionnelle et à la contribution additionnelle.
Le suramortissement diminue le résultat fiscal imposé à l'impôt sur les sociétés. Les surtaxes seront assises sur un impôt après la prise en compte du suramortissement. Par ailleurs, nous avons fait le choix de prendre la somme des chiffres d'affaires, car c'est toujours cette dernière qui est utilisée pour les mesures fiscales. Nous avons ainsi utilisé la même définition que celle habituellement retenue.
Il n'est pas prévu de rendre aux entreprises en 2018 les montants versés au titre des deux contributions. L'État fait beaucoup pour les entreprises dans cadre du projet de loi de finances pour 2018, nous nous sommes en particulier engagés sur une baisse importante du taux de l'impôt sur les sociétés, qui atteindra un niveau historiquement bas. Nous allons continuer à prendre des mesures en faveur du capital, de l'activité, de l'investissement et de l'emploi. À terme, les gains pour les entreprises via la seule baisse de l'impôt sur les sociétés seront supérieurs aux sommes qu'elles auront déboursées, en une fois, pour ces deux contributions.
La réunion est close à 20h10.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat