Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais commencer mon propos en évoquant une séquence de toute première importance pour l’équilibre international : je veux parler de la surenchère balistique et nucléaire à laquelle se livrent Pyongyang et Washington, et dont nous sommes spectateurs jour après jour. C’est bien ce qui m’interpelle : nous regardons. Certes, nous condamnons.
La France est un membre du Conseil de sécurité, elle est l’un des pays détenteurs de l’arme nucléaire, dès lors il est regrettable que sa voix reste ainsi inaudible. Mes chers collègues, il est des moments diplomatiques où la singularité française est nécessaire à la scène diplomatique, il est des moments où elle manque.
Nous savons que les politiques diplomatiques fondées sur l’isolement et/ou le mépris tendent à cristalliser les tensions et renforcent l’autorité de ceux que l’on se plaît à faire passer pour « fous ».
La situation est telle qu’il conviendrait de s’interroger, sans préjugés, sur les moyens à mettre en œuvre pour la faire évoluer en profondeur.
Pour ma part, je continue à penser que nous devrions favoriser le choix du dialogue avec Kim Jong-un. De la même façon, il importerait de rappeler à nos alliés Américains l’importance et la valeur, en termes de sécurité, des traités relatifs à la non-prolifération des armes nucléaires, qu’ils aient été contractés avec l’Iran ou la Russie.
Pour conclure sur ce point, nous devrions être lucides : les sanctions économiques et financières n’apportent pas les résultats attendus.
Ces considérations sur l’importance du multilatéralisme dans le monde étant rappelées, j’en viens maintenant au sujet qui nous préoccupe tous ce soir.
Monsieur le ministre, avons-nous une raison d’être rassurés, comme vous l’affirmez, par le nouveau dispositif de compensation appelé à remplacer la réserve parlementaire à destination de projets à l’étranger ? Avons-nous également des raisons d’avoir confiance en l’avenir de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE ?
Pour ma part, je rappellerai simplement que, par un décret de régulation du 21 juillet dernier, le budget de la mission « Action extérieure de l’État » a été amputé de 163 millions d’euros en autorisations d’engagement, que la participation financière complémentaire des établissements en gestion directe, les EGD, et conventionnés passera de 6 % à 9 % en 2018, que l’AEFE voit son budget diminuer de 10 %, que l’on évoque la suppression de 500 postes à l’échéance de septembre 2020.
Pourtant, vous avez déclaré que « la diminution de la subvention a été gérée de manière à être sans effet pour la rentrée scolaire 2017 ». Et après 2017 ?
La diminution est tellement « sans effet » que les lycées français à l’étranger se sont largement mobilisés, le 27 novembre dernier, contre la baisse de la dotation de l’État à l’AEFE et les suppressions de postes. Elle est tellement « sans effet » que l’ensemble des groupes politiques de l’Assemblée des Français de l’étranger, ainsi que les associations UFE et ADFE, plusieurs syndicats, les associations de parents d’élèves à travers le monde, les enseignants des lycées eux-mêmes vous ont alerté sur les conséquences de ce désengagement pour les familles et la qualité de l’enseignement.
Alors, soit nous n’avons pas compris vos explications apaisantes, soit il y a un problème. Mais, au-delà, le moment n’est-il pas enfin venu d’ouvrir les yeux ? Sérieusement, monsieur le ministre, depuis combien d’années avons-nous ce débat sur l’AEFE, son fonctionnement, ses crédits sans cesse rognés, l’absence d’un véritable rectorat pour garantir la bonne gestion de son corps enseignant ? N’est-il pas temps d’avoir le courage d’avouer que cela ne fonctionne plus ? N’est-ce pas d’ailleurs le sens des conclusions du dernier rapport de la Cour des comptes, qui déplore n’avoir vu aucune évolution depuis celui de 2013, lequel pointait déjà les dysfonctionnements d’aujourd’hui.
Ce qui est en cause, c’est le modèle économique de l’AEFE qui, vingt-sept ans après sa création, est comme un malade en fin de vie. Ne sachant plus où chercher de l’argent, elle en est au point d’en extorquer aux lycées et aux autres établissements scolaires qui, eux, ont constitué des réserves.
Il n’y a pas de vision à long terme pour l’enseignement scolaire à l’étranger. Celui-ci doit pouvoir se financer autrement qu’en prélevant toujours de l’argent sur les familles, lesquelles supportent aujourd’hui des coûts de plus en plus élevés. En rognant toujours un peu plus sur la dotation d’État, on fait, certes, quelques économies, mais ce sont les familles qui en paient le prix !
Rien ne changera vraiment tant qu’une authentique réflexion ne sera pas menée sur l’enseignement scolaire à l’étranger. Les dernières phrases que je viens de prononcer sont tirées presque mot pour mot de mon intervention du 2 décembre 2015 : cela illustre à quel point rien n’a changé !