Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2018, je voudrais formuler quelques remarques préalables.
Tout d’abord, ce budget me semble insincère. La première chose qui saute aux yeux, à sa lecture, c’est qu’il n’est pas sérieux du point de vue financier et que les chiffres sont manifestement erronés.
Nous l’avons dit à maintes reprises en commission : cette mission est globalement très sous-budgétisée, même si elle l’est moins que l’année dernière, spécialement dans le contexte de crise migratoire que nous traversons depuis quelques années.
Ces chiffres sont non seulement fantaisistes, mais incohérents. Ainsi apprend-on que les crédits pour la lutte contre l’immigration irrégulière vont baisser de plus de 7 %, alors même que le Gouvernement nous annonce une hausse de plus de 10 % pour l’accueil des primo-arrivants. Peut-on m’expliquer par quel miracle nous pourrions accueillir davantage d’étrangers et que, dans ce contingent, il y aurait moins d’étrangers à reconduire à la frontière ?
Parmi les incohérences, je relève aussi que les demandes d’asile au titre de la procédure Dublin ne sont pas comptabilisées, alors même que ces demandes ont augmenté de 114 % en 2016. Excusez du peu !
Un dernier exemple : alors que le financement global de la mission est notoirement insuffisant, alors que l’on diminue le budget de la lutte contre l’immigration clandestine, on augmente de 62 % – je dis bien de 62 % ! – les crédits dédiés au financement des centres provisoires d’hébergement.
Le nom même de la mission est mensonger. Cette mission s’intitule « Immigration, asile et intégration ». La réalité, c’est que bien peu de choses y sont faites pour l’intégration : à peine 14 % du budget de la mission.
Pratiquement rien non plus n’est prévu pour bâtir une politique migratoire digne de ce nom. Savez-vous quelle part du budget de cette mission est consacrée à la lutte contre l’immigration clandestine ? 6 % seulement ! Le gros de la mission, c’est l’asile, avec 71 % des crédits.
Ne faisons pas semblant de discuter d’une politique de l’immigration, de l’asile et de l’intégration. Nous nous contentons de gérer, assez mal d’ailleurs, la crise des demandes d’asile, sans réfléchir à ce que nous souhaitons pour notre pays et pour son avenir.
Toutefois, même la politique de l’asile, qui se taille la part du lion dans cette mission, est dans un état calamiteux : en 2017, le délai moyen affiché de traitement d’un dossier s’élevait à 449 jours, soit deux fois plus que l’objectif affiché de 209 jours ! Et cela, en particulier, parce que l’asile a été presque totalement détourné de son objet naturel, pour devenir, nous le savons, une nouvelle filière d’immigration clandestine.
Nous n’avons pas de politique d’immigration digne de ce nom, et ce n’est pas nouveau, monsieur le ministre d’État, je vous le concède. Aujourd’hui, l’immigration clandestine n’est pas une façon de venir en aide aux persécutés, contraints de fuir leur pays ; cela seul aurait dû suffire à invalider totalement les chiffres du Gouvernement.
On estime en effet que le coût de reconduite à la frontière est de l’ordre de 4 200 euros par personne. Même en estimant, en fourchette basse, que seulement 30 000 personnes sont déboutées chaque année du droit d’asile, cela devrait entraîner un budget de reconduite à la frontière d’au moins 126 millions d’euros, au lieu de quoi, on nous propose un peu moins de 83 millions d’euros.
Cette politique est dangereuse pour la France, pour les Français et pour les étrangers.
Elle est dangereuse pour la France, qui se voit ainsi priver de ce choix élémentaire des nations souveraines : choisir qui nous voulons accueillir chez nous. Notre collègue Georges Patient évoquait le 17 octobre dernier la question de l’immigration clandestine, particulièrement dramatique en Guyane, et signalait même que certains, là-bas, parlaient de « génocide de substitution ». Le terme est fort, sans doute exagéré, mais qui peut nier que, avec 11 000 demandes d’asile pour 250 000 habitants, la situation soit difficilement supportable ?
Cette absence de politique est aussi dangereuse pour les Français.