La FAGE est en phase avec la philosophie de cette réforme, qui nous semble être fondée sur le bon sens et cibler les bons éléments pour résoudre les difficultés que pose l'augmentation de la démographie étudiante ainsi que le taux d'échec ou d'abandon élevé en licence.
S'agissant de l'orientation, il ne faut pas se contenter d'accuser admission post-bac (APB). Le coeur du sujet, c'est d'abord l'orientation elle-même. Il s'agit de permettre aux lycéens de construire leur projet d'études et de leur donner la capacité de choisir leur orientation en toute connaissance de cause. Beaucoup d'étudiants réalisent trop tard qu'une formation n'est pas faite pour eux, parce qu'ils ont été livrés à eux-mêmes au moment du choix. Cela provoque l'échec, l'engorgement et le manque de places disponibles.
Sur ce sujet, les annonces des ministres Blanquer et Vidal sont intéressantes, mais le projet de loi ne porte pas directement dessus. Nous restons donc vigilants, en espérant que les mesures prévues seront cohérentes avec la réforme à venir du baccalauréat, qui va conditionner celle du lycée. Pour nous, il ne faut pas se concentrer seulement sur le baccalauréat lui-même, mais bien intégrer les études qui suivent à la réflexion.
La FAGE n'a pas tiré à boulets rouges sur APB, mais nous nous réjouissons que l'on aille vers un outil plus simple, plus lisible et plus clair. Comme APB, Parcoursup ne doit pas être une plateforme d'orientation. Si le lycéen se pose des questions sur son orientation au moment d'utiliser ce logiciel, cela signifie que le lycée n'a pas rempli sa mission.
Nous sommes attachés au principe du « dernier mot au bachelier ». Cette réforme ancre l'université dans la société et, dans le cas général, le bachelier aura bien le dernier mot. Je m'en réjouis. Le moment du choix est celui où les cartes sont rebattues et où un bachelier, quelle que soit sa filière, doit pouvoir choisir la formation qu'il souhaite. De ce point de vue, la volonté qui s'exprime dans ce projet de loi de définir le baccalauréat comme seul prérequis nous convient.
Nous serons vigilants sur un point plus technique que politique, relatif à la non-hiérarchisation des voeux. J'en comprends la nécessité, elle est concomitante au « oui, si » des universités. Un étudiant qui a choisi une licence de sciences en trois ans en premier et un BTS en second pourrait ainsi être amené à décider de s'engager dans le BTS si l'université estime que son niveau exige qu'il consacre quatre ans à sa licence plutôt que trois, par exemple. Cela repose toutefois sur des considérations techniques complexes liées aux algorithmes utilisés, dont il faudra s'assurer de la fiabilité.
S'agissant de la réussite - un autre sujet majeur -, il faut garder à l'esprit qu'une orientation peut échouer. Les formations de licence doivent donc être suffisamment souples pour permettre des réorientations précoces. Le point essentiel de ce dispositif, c'est la mise en place de parcours d'accompagnement personnalisé. On tient enfin compte du profil de l'étudiant pour lui garantir la réussite.
Pour nous, en effet, il n'est pas question de sélectionner, de refuser les bacheliers professionnels à l'université ou d'accepter le statu quo et des taux d'échec massif. Chaque année, 300 000 étudiants sortent de l'enseignement supérieur sans avoir acquis un diplôme, ce qui représente un taux d'échec de 20 %. En outre, 95 % des bacheliers professionnels en licence générale échouent. Il n'est pas acceptable pour autant de fermer la porte à ces derniers, non plus que de les laisser livrés à eux-mêmes.
La solution repose sur la prise en compte des différents profils, sur la mise en place de modules de méthodologie, sur le tutorat et sur la possibilité d'une année supplémentaire, laquelle ne doit pas être une « année garage » de propédeutique, mais bien une première année passée en deux ans. Il s'agit de construire des projets pédagogiques afin d'augmenter le taux de réussite et d'éviter l'engorgement.
Nous devons également être vigilants sur la définition des attendus, de manière à discerner les étudiants qui ont besoin d'un accompagnement spécifique, de soutien méthodologique et de tutorat.
Enfin, il est nécessaire de mettre en place un cadrage fin sur tout le territoire national, car les disciplines n'y sont pas conçues partout de la même manière. La psychologie, par exemple, est ici plus proche des neurosciences, ailleurs plus proche des sciences sociales. Prenons garde aux définitions trop différentes, qui polariseraient les établissements.
S'agissant des formations en tension, comme les sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), la première année commune aux études de santé (PACES), le droit ou la psychologie, le projet de loi doit définir le scénario approprié lorsqu'il y a plus de candidats que de places disponibles, ce qui impose des contraintes tangibles en termes de sécurité des bâtiments et de taux d'encadrement.
Nous ne nous satisferons pas de la mise en place d'une forme de sélection. À nos yeux, la solution n'est pas juridique, elle est politique : il faut augmenter le nombre de places, en particulier dans les formations qui débouchent sur une réelle insertion professionnelle, comme les STAPS. Les métiers du management du sport sont très demandés. L'outil doit donc être à la mesure des ambitions des étudiants et des besoins de la société.
L'élément central doit être la définition des capacités d'accueil. Comment décide-t-on du nombre de places disponibles ? Les recteurs ont le dernier mot sur le sujet, sur proposition des établissements. Aujourd'hui, cela se passe de manière un peu incantatoire, sans que soit apportée une véritable justification des disponibilités annoncées. Nous souhaitons cadrer le processus afin que les capacités alléguées soient tangibles et justifiées, tant du point de vue de la sécurité des bâtiments que du taux d'encadrement, en prenant en compte les évolutions pédagogiques possibles. À Grenoble, par exemple, la mise en place de la pédagogie inversée a permis d'augmenter les capacités grâce à la suppression des cours magistraux au profit des MOOC, les Massive Open Online Courses. Résultat, la formation en STAPS de cette université est la seule de France pour laquelle il n'a pas été nécessaire de tirer les candidats au sort.
Sur le volet relatif à la vie étudiante, nous nous réjouissons des annonces concernant le logement et la réforme des aides sociales, bien qu'elle ne soit énoncée que très rapidement et nous partageons la volonté d'aller vers un guichet unique. Nous nous interrogeons toutefois sur la traduction réglementaire que connaîtront ces intentions.
En matière de sécurité sociale, la fin du régime étudiant, le RSSE, est une bonne nouvelle. Nous militions en ce sens depuis longtemps, car ce régime était défaillant et ne répondait pas aux besoins, en raison de délais de remboursement ou d'émission de carte Vitale trop importants. Les étudiants vont enfin bénéficier du droit commun et la cotisation sera supprimée, ce qui représente une augmentation non négligeable du pouvoir d'achat au mois de septembre, traditionnellement le plus difficile.
Toutefois, la suppression du RSSE n'est pas une fin en soi. Il ne suffit pas d'améliorer les délais, il faut également mettre l'accent sur la prévention et sur l'accès aux soins. Pour cela, le simple rattachement ne suffira pas ; la CNAM doit définir, avec les organisations représentatives des étudiants, des politiques nationales de prévention et les décliner par établissement, par centres universitaires et - pourquoi pas ? - par ARS. Les organisations étudiantes doivent y être associées, car la prévention sera plus efficace si elle est conçue par et pour les étudiants. Nous serons donc très vigilants sur les questions relatives à la gouvernance.
Nous nous réjouissons de l'investissement que permet la contribution à la vie étudiante, mais il faut faire attention aux angles morts provoqués par la suppression de la cotisation au RSSE d'un côté et l'augmentation de cette contribution de l'autre. Certaines catégories d'étudiants - moins de vingt ans, salariés, réfugiés, étudiants en médecine, par exemple - ne payaient pas de cotisation au RSSE et risquent de subir une dépense supplémentaire. Attention à ne pas les léser.