Intervention de Abdoulaye Diarra

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 6 décembre 2017 à 14h30
Projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants — Audition conjointe des organisations d'étudiants

Abdoulaye Diarra, vice-président de l'UNEF :

Ce projet de loi suscite dans notre organisation une grande inquiétude et une opposition résolue. À nos yeux, il ne pourra pas régler les problématiques rencontrées par l'enseignement supérieur : taux de réussite inquiétant, nombreux étudiants sans affectation, etc. Cette réforme va aggraver la situation et peser sur le quotidien de milliers de jeunes.

Si le projet de loi ne parle pas directement de mise en place de la sélection, valorisant plutôt le « dernier mot au bachelier », ce principe n'est pas valable si, par exemple, un étudiant n'est sélectionné par une université que s'il accepte un dispositif pédagogique imposé. Il pourra le refuser, mais alors ses possibilités d'action diminuent manifestement. C'est problématique.

Toutes les organisations étudiantes ont dénoncé le tirage au sort, nous sommes d'accord pour dire que le statu quo n'est pas tenable, mais cette réforme va généraliser la sélection en autorisant toutes les universités qui reçoivent plus de candidatures qu'elles n'ont de places disponibles à la pratiquer. Le contrôle du recteur apparaît très mince à ce sujet. Si une université souhaite diminuer ses capacités d'accueil, le pouvoir dont celui-ci dispose pour s'y opposer est en effet limité.

Or nous voyons déjà certaines universités connaissant des difficultés financières baisser leurs capacités, alors que l'augmentation démographique va continuer. Cela va mettre de plus en plus de filières en tension et donc contribuer au développement de la sélection.

En outre, cette réforme supprime le caractère géographique de l'orientation. Les filières des universités de région parisienne sont aujourd'hui très demandées ; sans préférence géographique, elles vont toutes se retrouver en tension et pourront sélectionner leurs candidats. Les étudiants qui vivent en région parisienne risquent donc de rencontrer des difficultés pour avoir accès à des formations proches de leur lieu de résidence.

Notre deuxième inquiétude porte sur les dispositifs pédagogiques. Les taux de réussite à l'université ne sont pas satisfaisants, avec plus de 50 % d'échec en fin de première année. Nous ne voyons pas comment ces dispositifs pédagogiques pourront faire face à l'afflux d'étudiants, d'autant que nous n'avons aucune indication sur leur contenu. Est-ce que la suppression d'un cours en amphi contre un DVD aux étudiants sera considérée comme un dispositif pédagogique ? Nous n'en savons rien. Comment voulez-vous que l'université de Limoges puisse mettre en oeuvre ces fameux dispositifs pédagogiques alors qu'elle manque de moyens et qu'elle envisage une éventuelle fermeture ?

De plus, nous craignons que ces dispositifs pédagogiques ne servent qu'à dissuader les jeunes de s'engager dans des études : comme il faudra quatre ans pour passer une licence d'histoire et seulement trois ans pour une licence en langues étrangères appliquées (LEA), les jeunes les plus précaires se dirigeront vers une autre licence ou un autre parcours.

Cette réforme est une sorte d'usine à gaz. La hiérarchie des voeux et la zone géographique sont supprimées. Les établissements universitaires ne sont pas prêts à accueillir toutes ces demandes. D'après l'étude d'impact, les établissements recevront environ 1 000 dossiers par filières. Mais aujourd'hui quatre filières regroupent à elles seules plus de 50 % des demandes : les filières de STAPS, de psychologie et de PACES vont devoir traiter une avalanche de dossiers. Comment feront-elles pour gérer cet afflux ?

En outre, les lycées vont devoir accompagner les jeunes avant leur baccalauréat. Les conseils de classe devront se prononcer pour savoir si le projet d'étude des jeunes est cohérent avec la réforme, sauf qu'ils ne disposent toujours pas des critères d'appréciation ! Les conseils de classe vont donc appliquer une réforme qui n'est pas aboutie.

En définitive, le choix échappera aux jeunes puisque c'est le conseil de classe et les universités qui décideront pour eux et qui ajouteront des années d'études sans s'interroger sur la pertinence de leurs enseignements.

Enfin, l'UNEF est opposée à la suppression du régime étudiant de la sécurité sociale car la cotisation étudiante permet d'obtenir des services de qualité.

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