Intervention de Quentin Pannissod

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 6 décembre 2017 à 14h30
Projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants — Audition conjointe des organisations d'étudiants

Quentin Pannissod, président de Promotion et défense des étudiants (PDE) :

En 1960, la France comptait 300 000 étudiants. Nous en sommes à 2,6 millions. Dans les années 1980, des établissements ont été construits pour accueillir les nouveaux étudiants, mais sans doute pas assez, et nous en sommes arrivés aux tirages au sort dans certaines filières. Nous nous sommes opposés au précédent gouvernement qui a instauré ce tirage au sort comme une règle intangible.

Comment accueillir dans les années à venir 300 000 étudiants supplémentaires ? Mme Vidal a estimé que l'enseignement supérieur disposait de 130 000 places. Que va-t-on faire des 170 000 jeunes qui ne pourront être inscrits ?

La concertation du gouvernement est bienvenue et elle a permis de poser tous les sujets, tout en prenant du recul par rapport à la problématique de la sélection qui, d'une façon ou d'une autre, à lieu à l'université.

Le plan étudiant a lancé une réflexion sur les notions d'attendu et de prérequis. Ces derniers aboutissaient à refuser les étudiants qui n'avaient pas le niveau alors que les attendus prévoyaient un accompagnement pédagogique pour permettre aux jeunes de réussir.

Le projet de loi n'accorde pas aux bacheliers le droit d'aller dans la filière de leur choix. Des jeunes qui voudront s'inscrire dans une filière sous tension pourront être refusés et orientés vers une autre filière. Le projet de loi évoque les capacités d'accueil et une sélection sur dossier, ce qui est loin de la logique d'accompagnement pédagogique.

La sélection ne peut se résumer à un tirage au sort ou à un dossier. D'autres critères existent. Il serait possible de répartir les étudiants en fonction de leurs besoins pédagogiques : certains sont autonomes dans leurs apprentissages, d'autres ont besoin d'être plus encadrés. Au sein d'une même filière, pourquoi ne pas proposer plusieurs approches pédagogiques en les individualisant ? Un algorithme reposant sur les critères pédagogiques pourrait remplacer le tirage au sort. Cette solution permettrait d'éviter les sélections sur dossiers ou le tirage au sort. Il faut que les jeunes puissent s'épanouir dans les filières de leur choix.

J'en viens aux moyens alloués au plan étudiant : 500 millions d'euros pour l'enseignement supérieur et 450 millions d'euros pour les investissements. En revanche, ces crédits ne couvriront pas tous les besoins. Rien que pour accueillir les 40 000 étudiants supplémentaires chaque année, il faudrait plusieurs centaines de millions, sans oublier le recrutement de professeurs supplémentaires et de personnels administratifs.

Les dispositifs pédagogiques vont devoir être pilotés et il faudra anticiper la démographie étudiante. Nous déplorons que la centralisation des données disponibles ne soit toujours pas effectuée. La création d'un observatoire de la démographie et de l'orientation étudiante est indispensable.

Nous nous réjouissons que ce plan permette une hausse du pouvoir d'achat des étudiants. Nous regrettons en revanche que la question de l'emploi étudiant qui concurrence les études n'ait pas été posée. Il est faux de prétendre qu'un étudiant sur deux est salarié pour financer ses études. Si 49 % des étudiants travaillent, il s'agit souvent de temps très partiels. En revanche, les 10 % des étudiants qui travaillent plus d'un mi-temps ont deux fois moins de chance de réussir. Il faudrait leur permettre de travailler moins, grâce au versement d'un complément d'activité. Évidemment, je ne parle pas de l'apprentissage ni des stages. N'oublions pas d'autres enjeux de précarité, tel le drame de la prostitution étudiante.

Le rejet d'étudiants du fait d'une capacité d'accueil limitée n'est pas acceptable. Ce projet de loi ne répond pas aux enjeux du plan étudiant.

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