Merci de nous accueillir. Cette réforme aurait dû venir après celle de notre système éducatif : l'université et l'enseignement supérieur en sont en effet l'aboutissement. Or, le Gouvernement nous propose de réformer d'abord le premier cycle.
L'échec estudiantin est dû en grande partie aux déficiences de notre système éducatif : nos jeunes accumulent des retards qui ne peuvent être rattrapés à l'université. Je vous renvoie à l'étude publiée hier sur la compréhension de la lecture des jeunes Français : une fois de plus, nous nous retrouvons en bas des classements internationaux.
Le plan étudiant rate sa cible : le mot « sélection » avait été lâché lors de la première réunion. Petit à petit, la chape de plomb est retombée pour aboutir à un filet d'eau tiède. On se retrouve dans un entre-deux.
Le plan étudiant va mettre en place un système plus bureaucratique et plus complexe pour les étudiants : ils devront valider dix choix non hiérarchisés. Chaque université devra examiner des milliers de dossiers. Une fois la réponse de l'université renvoyée, chaque étudiant devra affiner ses choix. Comment les services administratifs des universités vont-ils traiter entre fin juin et fin juillet tous ces dossiers, d'autant qu'elles ferment entre le 20 juillet et le 20 août ? Elles devront reprendre l'examen des dossiers à partir de fin août et jusqu'au 10 septembre. C'est impossible !
En Allemagne, en Autriche, l'orientation commence dès 12 ou 13 ans. En France, c'est à 17 ou 18 ans : il est un peu tard pour se demander ce que l'on souhaite faire. On se retrouve alors avec une orientation par défaut. La suppression de l'apprentissage à partir de 14 ans a été décidée par le précédent gouvernement. On continue à dénigrer les filières de l'artisanat ; les chiffres parlent d'eux-mêmes : 1,5 million d'apprentis en Allemagne, 400 000 chez nous. La France dénigre l'intelligence de la main. Il faut encourager nos jeunes à aller dans les filières technologiques et professionnelles.
Les jeunes étudiants arrivent souvent en L1 sans avoir rencontré un conseiller d'orientation. Les professeurs principaux ne sont pas forcément formés pour conseiller leurs élèves. Un deuxième professeur principal pour aider les lycéens ? Mais comment cette disposition sera-t-elle financée ? Embaucher plus de psychologues et de conseillers d'orientation ? Mais avec quels moyens ? Alors qu'on nous propose d'accroître le financement de L'ONISEP, cette dernière vient de mettre en ligne sa plateforme terminale 2017-2018 et son guide « J'explore les possibles » daté de 2013 !
Pourquoi ne pas avoir prévu une délégation de service public ? Des sociétés privées savent mettre en place des parcours personnalisés, des entretiens d'embauche, des tests psychotechniques qui permettent de cerner la personnalité des lycéens ce qui permettrait de les orienter au mieux.
J'en arrive à l'affectation dans les filières. Outre les dossiers qui vont être examinés, on nous propose de créer des postes de directeurs d'études. Or, leur fiche de poste n'a toujours pas été rédigée. On ne sait pas qui sera recruté et avec quels moyens. Vont-ils devoir examiner des milliers de dossiers et recevoir un par un tous les étudiants ?
Nous en arrivons au « oui mais si mais non ». Lorsqu'une filière commencera à être en tension, les dossiers devront être examinés. On dira au jeune qu'il est accepté, à la condition qu'il suive un parcours pédagogique renforcé. Si l'étudiant refuse ou si l'université le rejette, il devra se tourner vers la commission rectorale. Cette dernière devra travailler l'été, mais avec quels personnels ? Elle proposera aux étudiants une nouvelle affectation dans une filière qui pourra ne pas leur convenir. Au final, elle regardera où il reste de la place. La sélection se fera en fonction des mètres carrés disponibles. Si l'étudiant refuse, il pourra bénéficier d'une année de césure après le baccalauréat tout en conservant le bénéfice de son éventuelle bourse et il aura le droit de tenter de revenir l'année suivante. N'est-ce pas décourager totalement ces étudiants d'entreprendre des études ?
En matière de parcours pédagogiques, la question est toujours celle des moyens : quelles salles de cours, quels enseignants, quelles méthodes ? Le risque est que les universités proposent uniquement des MOOC en prétendant offrir un parcours renforcé.
Un milliard d'euros sur cinq ans ne suffira pas à réaliser toutes les promesses, ou alors ce ne sera que du saupoudrage, avec, en germe, l'échec ou l'inapplicabilité. Dans quelques années, on risque de voir refleurir le tirage au sort.
La contribution à la vie étudiante n'est pas une idée issue du groupe de travail chargé de la vie étudiante mais bien du ministère. Le Conseil d'État l'a dit, c'est un impôt. Il serait de 60 euros en licence, 150 euros en thèse, or plus l'étudiant vieillit, plus les aides familiales et étatiques se réduisent. On crée un vaste fonds administratif opaque et porteur de risques de clientélisme.