Intervention de Laurent Duplomb

Réunion du 7 décembre 2017 à 10h45
Loi de finances pour 2018 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons avoir conscience que le monde agricole est de plus en plus déboussolé, désabusé face aux demandes contradictoires qui lui sont faites : d’un côté, nos agriculteurs doivent être encore plus performants dans une économie mondialisée, et avec toujours plus de contraintes ; de l’autre côté, on ouvre nos marchés à des concurrents qui n’ont absolument pas les mêmes conditions de production.

Crise économique, crise morale profonde, voilà ce que vit notre monde agricole.

Dans ce contexte, le budget pour 2018 de l’agriculture nage en plein paradoxe. Il « vit de ses charmes aux dépens de la vérité ».

Avec 3, 4 milliards d’euros, il est stable par rapport à 2017. Mais cette stabilité cache un premier paradoxe : des mouvements internes importants.

La fin de la prise en charge de la réduction de cotisations maladie des agriculteurs est remplacée par des crédits de paiement de 82 millions d’euros pour éponger les retards concernant les aides MAEC – mesures agroenvironnementales et climatiques – et aides au bio.

Elle est aussi remplacée par une « réserve pour dépenses imprévues » de 300 millions d’euros, qui peut se révéler être un véritable piège.

La stabilité du budget n’est donc pas une stabilité rassurante !

Deuxième paradoxe : alors que la situation économique des agriculteurs est catastrophique, le premier budget du quinquennat met un coup fatal à l’objectif d’amélioration de la compétitivité.

La réduction du taux de l’assurance maladie des exploitants agricoles, l’AMEXA, avait apporté une bouffée d’oxygène. Elle est malheureusement remplacée par une cotisation progressive, qui coûtera la bagatelle de 120 millions d’euros aux agriculteurs !

Par ailleurs, si la compétitivité passe par l’investissement, pourtant, là aussi, les crédits diminuent de 84 à 56 millions d’euros.

Troisième paradoxe : alors que les aléas climatiques et économiques s’intensifient, il serait judicieux de mettre en place une gestion efficace des risques. Or, dans le budget pour 2018, il n’y a aucune proposition pour moderniser la déduction pour aléas, alors qu’il suffirait d’encourager fiscalement l’épargne de précaution. Il n’y a aucune politique favorisant les projets de développement des retenues d’eau. Enfin, il faudrait des crédits européens à la hauteur sur l’assurance multirisque climatique.

Quatrième paradoxe : le nombre d’agriculteurs baisse, et ceux-ci doivent de plus en plus rendre des comptes en contrepartie des aides versées au titre de la PAC. Dans le même temps, notre administration, qui compte 17 000 fonctionnaires, est sanctionnée par des refus d’apurement communautaires de 2 milliards d’euros en cinq ans, et des retards de paiement jamais égalés.

Comment sortir de ces paradoxes ? Le Gouvernement a lancé les États généraux de l’alimentation. Cela peut susciter des espoirs, mais nous doutons du résultat. Les contrats de filière seront des vœux pieux s’ils ne changent rien au déséquilibre du rapport de force entre 500 000 agriculteurs, 3 000 entreprises de l’agroalimentaire et – seulement ! – 4 centrales d’achat.

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