Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je rappellerai d'entrée de jeu que le sujet que vient d'aborder Jean Puech est d'une actualité permanente ; peut-être peut-on regretter qu'avant chaque élection le débat sur le statut de l'élu local soit relancé sans que rien n'avance jamais beaucoup...
Non seulement, comme l'a dit avec beaucoup de talent Jean Puech, nous avons dans ce domaine « une République de retard », mais nous ne parvenons pas à modifier les choses en profondeur.
Songeons en effet qu'il est encore affirmé que les fonctions des élus locaux sont « gratuites », un peu comme si ces derniers étaient tous des bénévoles ! Je crois que l'on se trompe complètement et qu'il faut, au nom de la transparence, décrire la réalité telle qu'elle est. Nos électeurs savent d'ailleurs bien que ces fonctions ne sont pas tout à fait « gratuites », s'agissant notamment des maires et des responsables des départements ou des régions.
Aussi le rapport remis par notre ami Jean Puech le 7 novembre 2007, au nom de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation, rapport qu'il a largement repris dans son exposé, est-il tout à fait admirable. Je conseille à chacun de s'y reporter, car l'on y trouve de nombreux éléments fort intéressants.
Premier élément, ce rapport contient une remarquable documentation sur le fonctionnement des collectivités locales dans plusieurs pays de l'Union européenne, documentation que je me permets, cher Jean Puech, de compléter en indiquant que la Roumanie et la Bulgarie, qui ne figurent pas au nombre des pays cités, entrent parfaitement dans le modèle décrit, notamment avec l'élection séparée de l'exécutif et du délibératif.
Deuxième élément, le rapport met en lumière le caractère hétérogène des situations des différents élus locaux et des règles qui leur sont applicables, dont certaines sont d'ailleurs mal ou peu connues des élus : je pense par exemple à celles qui concernent la formation pendant la durée du mandat.
Un troisième élément fort intéressant est constitué par les résultats de l'étude d'opinion réalisée sur le degré d'insatisfaction des élus locaux. Qu'il me soit permis, après avoir fait une étude dans treize pays européens, de souligner que la situation est la même dans les autres pays de l'Europe : l'élu local espagnol, italien, grec, allemand n'est pas satisfait de son sort.
C'est un phénomène général et, madame le ministre, je vous suggère d'entreprendre sur ce point une action avec l'ensemble de vos collègues européens pour faire en sorte que l'image des élus locaux soit valorisée, et non pas dévalorisée en permanence, ou du moins ressentie comme l'étant par un très grand nombre d'entre eux, tout cela parce leur statut, ou ce qui apparaît comme tel, manque de transparence.
Si l'on veut savoir quel est exactement le statut de l'élu local - savoir, par exemple, à quoi il a droit, notamment en matière de retraite, ou quelle est sa couverture sociale s'il a arrêté de travailler -, il est effectivement très difficile de s'y retrouver, et il me semble qu'un minimum de transparence permettrait de démythifier certains des comportements des élus locaux parfois décrits comme des errements dans la presse people...
Après ces remarques générales, qu'il me soit permis de revenir sur plusieurs des éléments que Jean Puech vient de brillamment développer.
Tout d'abord, il a souligné qu'une réforme du statut de l'élu local était impossible sans une réforme de nos structures territoriales, point de vue que la commission des lois partage et qui doit en somme nous conduire à repenser, à clarifier l'ensemble du problème de la décentralisation.
Un autre aspect de la réforme, qui apparaissait peut-être moins dans l'exposé de notre collègue, réside dans la nécessité d'effectuer des distinctions, dans le statut, en fonction de l'origine socioprofessionnelle, car, en définitive, nous ne sommes pas égaux face aux élections locales.
À l'évidence en effet, au regard de la possibilité de devenir un élu local et d'assumer la totalité des responsabilités du mandat, il n'y a pas égalité entre un fonctionnaire et un membre des professions libérales ou un agriculteur, un salarié et un retraité.
Un maire me disait récemment que, heureusement, il y avait dans son conseil municipal des femmes retraitées, car, sans elles, il ne pourrait pas trouver d'adjoints. C'est une question de disponibilité. Ainsi, il est extrêmement difficile à une jeune mère de famille d'être élue locale si elle ne peut prévoir la garde des enfants. Il s'agit, très simplement, d'un problème d'ordre matériel ; il n'est pas résolu, ce qui oblige parfois à jongler avec les emplois du temps et les horaires pour trouver des solutions.
Un des buts que nous devons nous assigner est donc de rechercher l'égalité entre les citoyens pour permettre à tous d'arriver à des fonctions et à des responsabilités locales.
Jean Puech a par ailleurs soulevé un très important problème qui doit être approfondi, celui de l'élection au suffrage universel direct des exécutifs locaux.
Comme il l'a très justement souligné, c'est le cas dans la quasi-totalité des pays européens. Il y a donc une séparation entre la fonction délibérative et la fonction exécutive, situation assez proche de celle que l'on a connue lorsque c'était le préfet qui, sous l'ancien statut, était l'exécutif dans le département.
Il faut cependant souligner deux éléments.
Premier élément, le statut du maire, ou celui du président de conseil général, n'est absolument pas comparable à ce qu'il était en 1947 ; les fonctions ne sont plus du tout les mêmes, les charges à assumer sont totalement différentes et beaucoup plus lourdes. Nous ne sommes plus dans l'esprit des lois de 1871 ou de 1884 : être maire en 2008, ce n'est pas être maire en 1884 !
Nous devons prendre en considération cette donnée et réfléchir à cette élection de l'exécutif au suffrage universel direct, mais en gardant en mémoire qu'il y a un effet pervers.
Lorsqu'ils seront élus, les chefs des exécutifs départementaux ou régionaux, à qui il faudra d'ailleurs trouver une autre appellation - pourquoi pas la formule, un peu galvaudée, de « gouverneur » utilisée dans certains pays ? - puisqu'il faudra les distinguer des présidents des assemblées, auront besoin, comme les maires, d'une équipe. Il faut savoir que cette équipe sera constituée non d'élus mais de professionnels qui, un peu à l'image de nos assistants parlementaires, seront choisis pour aider l'élu. Ainsi, dans la plupart des pays, ce sont des fonctionnaires ou des collaborateurs recrutés à cet effet qui assistent le chef de l'exécutif. On peut évidemment penser que quelques-uns des élus du conseil quitteront leurs fonctions pour venir assister ce dernier, mais il n'en reste pas moins que c'est un élément très complexe auquel il faut réfléchir.
Deuxième élément, tout aussi complexe et que n'a pas abordé Jean Puech, je veux parler de l'intercommunalité et du statut de ses responsables, dont on dit souvent - c'est un autre « serpent de mer » - qu'ils devraient être élus au suffrage universel direct, mais sans aller plus loin, car les obstacles sont tels que nous ne sommes pas encore parvenus à les surmonter.
Que l'on me permette d'aborder aussi la question du changement d'exécutif.
Certes, il est envisageable de prévoir que le suivant sur la liste prendra la place du précédent si celui-ci s'en va, par exemple pour devenir ministre ; mais il y a un petit problème qui tient au fait qu'à l'heure actuelle nous appliquons la règle de l'alternance homme/femme. Peut-être le premier de liste ne souhaitera-t-il pas nécessairement que son second de liste, qui n'est d'ailleurs pas forcément son premier adjoint, devienne son éventuel remplaçant...