Mon intervention me permettra de marquer un anniversaire : voila sept ans, presque jour pour jour, puisque c'était le 18 janvier 2001, étaient examinées dans cet hémicycle différentes propositions de loi, dont l'une émanait de notre éminent collègue Alain Vasselle et une autre de Jean Arthuis, sur un excellent rapport de Jean-Paul Delevoye, alors président de l'Association des maires de France. La discussion portait sur le statut de l'élu.
Qu'avons-nous réglé depuis lors ? Je ne le sais pas avec précision, mais, si j'en juge par la désaffection de nos compatriotes pour le prochain scrutin municipal, il est grand temps de redorer le statut de l'élu local.
Il n'est pas étonnant que dans le département dont je suis l'élue, c'est-à-dire l'Orne, qui compte 293 000 habitants et 505 communes, on trouve peu de candidats pour les prochaines élections municipales et que, d'ores et déjà, d'après les annonces qui sont intervenues, presque 30 % des maires ne brigueront pas un nouveau mandat en mars prochain. On peut d'ailleurs les comprendre !
Mes chers collègues, je vous livrerai en vrac quelques pistes, que vous pourrez retrouver dans l'excellent Journal officiel du 18 janvier 2001. Certaines mesures, qui figuraient dans des amendements proposés par Daniel Goulet - comme vous le voyez, dans la famille, nous avons de la suite dans les idées ! -, avaient d'ailleurs été adoptées par le Sénat.
Tout d'abord, organisons la protection des candidats. M. Gélard a très justement souligné tout à l'heure que tous n'étaient pas égaux devant l'élection. En 2001, Daniel Goulet avait défendu un amendement, qui avait d'ailleurs été adopté par le Sénat, visant à assurer aux candidats aux élections locales, afin d'éviter qu'ils ne soient pénalisés par leurs employeurs, une protection similaire à celle dont bénéficient les candidats aux élections professionnelles. Avec une telle mesure, on aurait favorisé la diversification des candidats, et donc l'ouverture des élus à la société civile ; cette mesure serait allée dans le sens de plus de démocratie et de moins de cumuls de mandats.
J'insisterai ensuite sur la formation des élus. En effet, compte tenu du nombre et de la complexité des procédures et des instances, le Centre de formation des élus, qui existe sur le papier, semble inaccessible dans les faits.
Il y a sept ans, Daniel Goulet avait proposé une formation « volante » au sein des intercommunalités, car il lui semblait évident que c'était à la formation d'aller au devant de l'élu, et non à l'élu de se déplacer vers les centres de formation.
Comment les maires ruraux pourraient-ils suivre l'actualité juridique ? Ces dernières années - depuis les dernières élections municipales environ -, 133 décrets ont été adoptés, opérant 2 399 mouvements sur la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales. Dans le même temps, 163 textes législatifs ont été votés, réalisant 3 210 modifications sur la partie législative du même code, dont 778 articles organiques ont été affectés.
Comment voulez-vous que les élus ruraux se retrouvent dans ce maquis réglementaire et législatif, qui se complexifie chaque jour davantage en raison de ce mille-feuille des compétences que nous dénonçons tous ?
Cette question est de toute première importance, car une meilleure formation éviterait aux jeunes élus des angoisses bien compréhensibles, favoriserait sans doute les vocations et limiterait les dépendances des élus à l'égard d'une administration certes extrêmement compétente, mais souvent surchargée.
Madame le ministre, la réflexion à venir devra aussi porter sur la question des couvertures de risques.
Là encore, l'évolution législative et réglementaire suscite un strabisme divergeant - le contraire eût été étonnant - entre les compétences et les responsabilités, car, si les premières sont souvent déléguées aux intercommunalités, les secondes demeurent aux maires.
C'est pourquoi, à titre personnel, j'ai toujours été hostile à l'attribution de la compétence scolaire aux intercommunalités ; en effet, si un accident survient dans une école, c'est le maire qui sera responsable, alors que les mesures à prendre, qu'elles relèvent de la prévention ou de la réparation, reviennent à l'intercommunalité.
Les élus exercent donc de plus en plus de responsabilités, y compris pénales, mais les polices d'assurance sont mal adaptées, tant pour les maires que pour leurs adjoints.
Madame le ministre, depuis les travaux de la commission Mauroy sur la décentralisation et le livre blanc de l'Association des petites villes de France, nous souhaitons redynamiser la démocratie locale et laisser à tous une chance de s'exprimer. Il me paraît donc extrêmement urgent de remettre en chantier le texte qui avait été adopté au Sénat en 2001.
À défaut, nous découragerons les courageux - de préférence des retraités et des célibataires, en raison du caractère chronophage des mandats et de la « réunionite » subséquente - et favoriserons le cumul des mandats, qui constitue, nous le savons, un frein aux réformes et un encouragement aux féodalités toujours bien vivaces, surtout dans nos territoires ruraux.
Quels sont les kamikazes qui, dans cette maison, applaudiront à la suppression des départements suggérée par le rapport Attali ? Seuls ceux qui ne cumulent pas de tels mandats pourront le faire, mais au risque de voir leur popularité écornée pour toujours.
Dans le mille-feuille des compétences que j'évoquais et qui est la cause de bien des problèmes, la question de l'échelon cantonal se pose tout particulièrement.
Voilà quelques années, Daniel Goulet avait réalisé une étude très simple, qui fut communiquée à l'actuel Président de la République, qui occupait alors vos fonctions, madame le ministre, puis à M. Thierry Breton. Il en résultait qu'en France 672 cantons élisent un conseiller général alors qu'ils comptent moins de 4 000 habitants.
Franchement, à l'heure de la rationalisation des politiques publiques, des économies financières, mais aussi des économies d'échelle, et alors que la France est couverte à près de 100 % par l'intercommunalité, ne peut-on envisager un redécoupage des cantons ?
Dans le beau département de l'Orne, qui compte 293 000 habitants, dont beaucoup de résidents secondaires, trente conseillers généraux pourraient sans doute travailler aussi bien que les quarante qui existent actuellement. Sur un mandat, cette mesure permettrait de réaliser une économie de 1 297 000 euros, car l'indemnité de chaque conseiller s'élève à 1 802 euros ; cette somme serait sûrement mieux employée pour rechercher des infirmières et assurer les soins à domicile d'une population qui, même si elle vit au bon air de la Normandie, n'en reste pas moins vieillissante.
Puisque nous supprimons des services publics et des tribunaux, pourquoi hésiter à revoir cette organisation pesante et dispendieuse, qui remonte, pour sa part, à 1790 ? La loi du 11 décembre 1990, qui prévoyait un redécoupage électoral des cantons, attend encore ses décrets d'application. Et je ne mentionnerai que pour mémoire la rupture d'égalité entre les candidats aux élections selon que le canton dans lequel ils se présentent dépasse ou non le seuil des 9000 habitants.
Il est donc grand temps de réfléchir sérieusement au statut de l'élu, et cela, comme le soulignait M. Gélard, dans le cadre d'une administration territoriale repensée ; mais ce serait là, mes chers collègues, une victoire de l'optimisme sur l'expérience, comme disait Henri VIII lors de son sixième mariage !