Intervention de Éric Woerth

Réunion du 4 mai 2010 à 21h30
Rémunération des salariés reclassés — Adoption définitive d'une proposition de loi

Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise économique mondiale a de graves conséquences sur la vie des citoyens et de nos entreprises. Toute l'action du Gouvernement vise à en préserver les Français. En tant que ministre du travail, mon souci est d’abord de tout mettre en œuvre pour protéger les salariés, tout en donnant aux entreprises les moyens de renouer durablement avec la croissance. C’est le sens de l’intervention du Président de la République devant l'Organisation internationale du travail, le 15 juin dernier, quand il a plaidé en faveur d'une meilleure régulation de la mondialisation afin d’allier progrès économique et progrès social.

Dans ce contexte, je suis heureux d'examiner avec vous ce soir un texte dont chacun reconnaît à la fois la nécessité et l'urgence.

La nécessité, parce que, aujourd'hui, les dispositions relatives aux propositions de reclassement à l'étranger d'un salarié faisant l'objet d'un projet de licenciement pour motif économique ne sont en fait satisfaisantes ni pour le salarié ni pour l'entreprise. L'urgence, parce que, chaque mois, des entreprises et des salariés se trouvent, faute de solution, dans une impasse à la fois sur le plan juridique et sur le plan humain. Je reviendrai brièvement sur ces situations.

Pour remédier à ces difficultés, la proposition de loi élaborée par le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale apporte une réponse claire et efficace, qui recueillera ici, je l'espère, une unanimité similaire à celle qu'elle a suscitée à l'Assemblée nationale.

Cependant, je n’ignore pas un certain nombre d’interrogations, dont nous parlerons évidemment.

J’évoquerai successivement ces trois points.

En premier lieu, les conditions de reclassement d'un salarié à l'étranger en cas de licenciement pour motif économique ne sont satisfaisantes ni pour le salarié ni pour l'entreprise.

Concernant d’abord le salarié, nous avons tous en mémoire des exemples entendus le matin à la radio et mis en lumière par des commentaires qui nous semblent un peu absurdes et très décalés. Je pense à des propositions d'emploi en Tunisie à 137 euros par mois faites aux salariés licenciés du site Continental. Quand on propose à un salarié de le reclasser dans des conditions objectivement indignes, c'est, d'un point de vue éthique ou humain – le champ lexical est vaste – absolument inacceptable. Ces propositions émeuvent évidemment à la fois le salarié lui-même, sa famille et, d’une certaine façon, toute la population qui en est informée.

Mais, il ne faut pas se leurrer, ces situations ne sont pas non plus satisfaisantes pour l'entreprise. Depuis plus de quinze ans, la chambre sociale de la Cour de cassation a construit une jurisprudence qui impose à l'employeur de reclasser les salariés, dans toute la mesure possible, quelles que soient la nature du poste et sa situation géographique.

Une entreprise qui est membre d’un groupe ayant des filiales à l'étranger et qui envisage de licencier des salariés pour motif économique doit donc respecter cette exigence. Il lui incombe de proposer des postes de reclassement, que ces postes se situent en France ou à l’étranger, en Inde, en Tunisie, en Bulgarie ou en Roumanie, quel que soit le secteur d’activité d’origine et il n’est par ailleurs nullement exigé d’offrir un salaire comparable.

Pour une entreprise qui ne respecte pas cette obligation, et ce point est peu connu, le coût est considérable. Je citerai l’exemple du fabricant de chaussettes Olympia – que vous connaissez certainement – qui n'a pas voulu placer ses salariés dans cette situation. Cette société avait même averti son comité d'entreprise qu'elle ne proposerait pas de postes situés dans une filiale en Roumanie et rémunérés 110 euros par mois, au motif que de telles conditions seraient indignes. Mais ce refus a amené la cour d'appel de Reims à la condamner, le 13 mai 2009, à une amende d’un montant de 2, 5 millions d'euros. Cela a bien sûr aggravé la situation financière de l’entreprise, qui était déjà fragile. Si une entreprise ne fait pas de telles propositions, elle est condamnée par la justice, et si elle fait ces propositions, elle est également condamnée, par la rumeur publique.

On comprend le bien-fondé de cette jurisprudence : il s'agit, nous en sommes bien d’accord, de faire du licenciement la mesure de dernier recours. Mais, dans la plupart des cas, cela conduit les entreprises à adresser aux salariés des propositions de reclassement déraisonnables, pour ne pas dire absurdes et inqualifiables. Quand la loi conduit à de telles situations, il faut à l’évidence y remédier sans délai. C'est l'objet de la présente proposition de loi.

En deuxième lieu, ce texte apporte une solution équilibrée en protégeant à la fois le salarié et l'entreprise.

Je voudrais saluer le travail du groupe Nouveau Centre, à l’origine de cette proposition de loi. Je tiens à remercier le député M. Folliot pour son excellent rapport. Merci également à vous-même, monsieur le rapporteur, pour les travaux que vous avez conduits dans le cadre de la préparation, très minutieuse, de ce texte, afin que le droit positif apporte une réponse pertinente à ces situations. Ce texte apporte en effet la solution qui était attendue depuis longtemps. Elle présente plusieurs avantages.

D’abord, elle ne change rien à l'impératif de reclassement qui pèse sur l'entreprise : quand le reclassement du salarié est possible, aucun licenciement ne peut avoir lieu et l'employeur doit lui faire des propositions précises et écrites.

Ensuite, et là est l’essentiel, on interroge désormais le salarié, on lui demande en quelque sorte son avis, dès lors que l’entreprise ou le groupe dont elle fait partie est implanté hors du territoire national, sur une question centrale, celle des périmètres du reclassement pour les postes situés à l'étranger. Il appartient au salarié, principal intéressé, de dire où il souhaite être reclassé, les destinations géographiques qu’il refuse, le salaire qu’il est prêt à accepter et la nature du poste pour lequel, d’un point de vue professionnel, il peut avoir de l’intérêt. En effet, chacun n’est pas forcément disposé à changer totalement de métier. Ce questionnaire permettra à l’entreprise de clarifier ses propositions de reclassement.

Ainsi, les individus concernés devront indiquer s'ils souhaitent se voir proposés des postes en Inde, en Chine, en Roumanie ou en Belgique, et leurs conditions pour les accepter. Par exemple, il peut être intéressant, pour un jeune en début de carrière, de vivre une expérience à l'international. Ces questions doivent être posées, quel que soit le salarié, car la réponse est personnelle.

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