Séance en hémicycle du 4 mai 2010 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • licenciement
  • l’employeur
  • l’entreprise
  • l’étranger
  • questionnaire
  • reclassement

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement (proposition de loi n° 504 rectifié, texte de la commission n° 413, rapport n° 412).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise économique mondiale a de graves conséquences sur la vie des citoyens et de nos entreprises. Toute l'action du Gouvernement vise à en préserver les Français. En tant que ministre du travail, mon souci est d’abord de tout mettre en œuvre pour protéger les salariés, tout en donnant aux entreprises les moyens de renouer durablement avec la croissance. C’est le sens de l’intervention du Président de la République devant l'Organisation internationale du travail, le 15 juin dernier, quand il a plaidé en faveur d'une meilleure régulation de la mondialisation afin d’allier progrès économique et progrès social.

Dans ce contexte, je suis heureux d'examiner avec vous ce soir un texte dont chacun reconnaît à la fois la nécessité et l'urgence.

La nécessité, parce que, aujourd'hui, les dispositions relatives aux propositions de reclassement à l'étranger d'un salarié faisant l'objet d'un projet de licenciement pour motif économique ne sont en fait satisfaisantes ni pour le salarié ni pour l'entreprise. L'urgence, parce que, chaque mois, des entreprises et des salariés se trouvent, faute de solution, dans une impasse à la fois sur le plan juridique et sur le plan humain. Je reviendrai brièvement sur ces situations.

Pour remédier à ces difficultés, la proposition de loi élaborée par le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale apporte une réponse claire et efficace, qui recueillera ici, je l'espère, une unanimité similaire à celle qu'elle a suscitée à l'Assemblée nationale.

Cependant, je n’ignore pas un certain nombre d’interrogations, dont nous parlerons évidemment.

J’évoquerai successivement ces trois points.

En premier lieu, les conditions de reclassement d'un salarié à l'étranger en cas de licenciement pour motif économique ne sont satisfaisantes ni pour le salarié ni pour l'entreprise.

Concernant d’abord le salarié, nous avons tous en mémoire des exemples entendus le matin à la radio et mis en lumière par des commentaires qui nous semblent un peu absurdes et très décalés. Je pense à des propositions d'emploi en Tunisie à 137 euros par mois faites aux salariés licenciés du site Continental. Quand on propose à un salarié de le reclasser dans des conditions objectivement indignes, c'est, d'un point de vue éthique ou humain – le champ lexical est vaste – absolument inacceptable. Ces propositions émeuvent évidemment à la fois le salarié lui-même, sa famille et, d’une certaine façon, toute la population qui en est informée.

Mais, il ne faut pas se leurrer, ces situations ne sont pas non plus satisfaisantes pour l'entreprise. Depuis plus de quinze ans, la chambre sociale de la Cour de cassation a construit une jurisprudence qui impose à l'employeur de reclasser les salariés, dans toute la mesure possible, quelles que soient la nature du poste et sa situation géographique.

Une entreprise qui est membre d’un groupe ayant des filiales à l'étranger et qui envisage de licencier des salariés pour motif économique doit donc respecter cette exigence. Il lui incombe de proposer des postes de reclassement, que ces postes se situent en France ou à l’étranger, en Inde, en Tunisie, en Bulgarie ou en Roumanie, quel que soit le secteur d’activité d’origine et il n’est par ailleurs nullement exigé d’offrir un salaire comparable.

Pour une entreprise qui ne respecte pas cette obligation, et ce point est peu connu, le coût est considérable. Je citerai l’exemple du fabricant de chaussettes Olympia – que vous connaissez certainement – qui n'a pas voulu placer ses salariés dans cette situation. Cette société avait même averti son comité d'entreprise qu'elle ne proposerait pas de postes situés dans une filiale en Roumanie et rémunérés 110 euros par mois, au motif que de telles conditions seraient indignes. Mais ce refus a amené la cour d'appel de Reims à la condamner, le 13 mai 2009, à une amende d’un montant de 2, 5 millions d'euros. Cela a bien sûr aggravé la situation financière de l’entreprise, qui était déjà fragile. Si une entreprise ne fait pas de telles propositions, elle est condamnée par la justice, et si elle fait ces propositions, elle est également condamnée, par la rumeur publique.

On comprend le bien-fondé de cette jurisprudence : il s'agit, nous en sommes bien d’accord, de faire du licenciement la mesure de dernier recours. Mais, dans la plupart des cas, cela conduit les entreprises à adresser aux salariés des propositions de reclassement déraisonnables, pour ne pas dire absurdes et inqualifiables. Quand la loi conduit à de telles situations, il faut à l’évidence y remédier sans délai. C'est l'objet de la présente proposition de loi.

En deuxième lieu, ce texte apporte une solution équilibrée en protégeant à la fois le salarié et l'entreprise.

Je voudrais saluer le travail du groupe Nouveau Centre, à l’origine de cette proposition de loi. Je tiens à remercier le député M. Folliot pour son excellent rapport. Merci également à vous-même, monsieur le rapporteur, pour les travaux que vous avez conduits dans le cadre de la préparation, très minutieuse, de ce texte, afin que le droit positif apporte une réponse pertinente à ces situations. Ce texte apporte en effet la solution qui était attendue depuis longtemps. Elle présente plusieurs avantages.

D’abord, elle ne change rien à l'impératif de reclassement qui pèse sur l'entreprise : quand le reclassement du salarié est possible, aucun licenciement ne peut avoir lieu et l'employeur doit lui faire des propositions précises et écrites.

Ensuite, et là est l’essentiel, on interroge désormais le salarié, on lui demande en quelque sorte son avis, dès lors que l’entreprise ou le groupe dont elle fait partie est implanté hors du territoire national, sur une question centrale, celle des périmètres du reclassement pour les postes situés à l'étranger. Il appartient au salarié, principal intéressé, de dire où il souhaite être reclassé, les destinations géographiques qu’il refuse, le salaire qu’il est prêt à accepter et la nature du poste pour lequel, d’un point de vue professionnel, il peut avoir de l’intérêt. En effet, chacun n’est pas forcément disposé à changer totalement de métier. Ce questionnaire permettra à l’entreprise de clarifier ses propositions de reclassement.

Ainsi, les individus concernés devront indiquer s'ils souhaitent se voir proposés des postes en Inde, en Chine, en Roumanie ou en Belgique, et leurs conditions pour les accepter. Par exemple, il peut être intéressant, pour un jeune en début de carrière, de vivre une expérience à l'international. Ces questions doivent être posées, quel que soit le salarié, car la réponse est personnelle.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Ils demeureront libres ensuite de les accepter ou non.

C’est tout l'intérêt du questionnaire adressé par l’employeur aux salariés concernés : il leur sera demandé de définir eux-mêmes le champ raisonnable du poste de reclassement à l’étranger. C’est une procédure simple et lisible, qui protège non seulement les salariés de propositions vécues comme humiliantes, mais aussi les entreprises de l'insécurité juridique afin d’éviter une répétition de la « jurisprudence Olympia ».

En outre, cette solution du « questionnaire préalable » a été validée par le Conseil d'État, notamment dans sa décision en date du 4 février 2004. L’inscrire dans notre droit positif permettra d’unifier la dimension civile et la dimension administrative de notre ordre juridique : ce sont des cohérences dont il faut se réjouir.

En troisième lieu, je souhaite, monsieur le rapporteur, apporter quelques réponses aux interrogations qui subsistent et qui font l’objet d’un certain nombre d’amendements.

Première question : ce texte sera-t-il, ou non, une source importante de contentieux à venir ? Je ne sais pas ! Tous les textes sont sources de contentieux, notamment lorsqu’ils traitent de situations aussi personnelles. Néanmoins, je ne le pense pas, même si, j’en suis conscient, il est difficile de le dire à ce stade.

Deuxième question : faut-il entrer dans les détails et instaurer des références françaises, à l’instar de notre SMIC, quand il s’agit de postes à l'étranger ? C’est une question difficile, dans la mesure où, à l’étranger, il n’y a pas nécessairement d’élément comparable au SMIC…

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… et il faut donc recalculer les rémunérations. À mon sens, la référence à un niveau de salaire précis, comme le SMIC, est intégrée au questionnaire. Ce que le salarié est prêt à accepter correspond en général à son niveau de rémunération au moment de l’offre de reclassement. Ainsi, payé au SMIC, il refusera de percevoir un montant inférieur. Mieux rétribué, il précisera son niveau d’exigence. De même, il pourra indiquer être disposé à accepter un salaire inférieur au SMIC dans tel pays, si tel est son choix.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il est important que le salarié puisse le préciser.

Enfin, ne l’oublions pas, il faut parler de reclassement de personnes. En ce sens, si le lieu et le niveau de rémunération sont des questions légitimes, celle du métier doit également être prise en compte.

Troisième question : la souplesse du dispositif ne risque-t-elle pas d'avoir des effets pervers ? Peut-être. On peut craindre en effet que des entreprises sans scrupule ne détournent les questions posées afin de priver le salarié de son droit au reclassement. Soyons clairs : ces cas illustreraient un manquement manifeste à l'obligation d'exécution de bonne foi, qui constitue pourtant le cœur du contrat de travail. Le juge judiciaire devra alors jouer son rôle et en tirer toutes les conséquences. Selon moi, il n’y a pas de risque majeur à privilégier la souplesse, en laissant d’abord le salarié s’exprimer sur la base des propositions de l’entreprise, donner son opinion d’une manière générale.

L’applicabilité du texte lors des procédures de liquidation judiciaire a été également évoquée. À mon avis, exclure les procédures judiciaires serait une erreur. D’abord, elles ne sont pas si nombreuses. On compte une vingtaine de cas sur les 20 000 liquidations judiciaires que notre pays connaît chaque année. Ensuite, en n’appliquant pas ce droit aux liquidations judiciaires, on créerait deux catégories de salariés : ceux qui seraient interrogés et ceux qui ne le seraient pas. Il me semble assez logique de permettre à toutes les entreprises, même celles qui sont en liquidation judicaire, de suivre cette procédure.

Par ailleurs, une telle distinction pourrait éventuellement favoriser le développement d’abus de procédure. Nous nous exposerions alors à des risques de fraude si, en effet, des dirigeants malhonnêtes, afin d’échapper à leurs obligations, organisaient la faillite de leurs filiales à l’étranger. Or si celles-ci se portent bien, pourquoi les exclure du champ du reclassement ? Cette question mérite d’être posée.

Sans doute tel ou tel point demeure-t-il, bien sûr, perfectible. À mes yeux, nous sommes toutefois parvenus à un équilibre. Le Sénat est libre de le remettre en cause, c’est sa responsabilité. Nous pourrions entrer plus dans le détail. À ce stade, je n’ai pas d’avis plus précis sur la question. Il me paraît cependant sage de nous en tenir là, pour des questions de délais. En effet, éviter la poursuite de la navette permettrait d’assurer la sécurité des salariés le plus rapidement possible. Peut-être souhaiterez-vous au contraire détailler davantage certaines dispositions ?

Quoi qu’il en soit, nous partageons le même souci : en finir avec les offres de reclassement aberrantes qui sont proposées aux salariés français. Essayons de trouver ensemble la meilleure voie pour y parvenir. J’ai évidemment confiance dans notre discussion pour atteindre cet objectif. Nous y arriverons, je n’en doute pas.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir vise à mettre fin aux « scandales sociaux » des offres d’emploi indécentes qui naissent à l’occasion de licenciements économiques dans des grands groupes.

En l’état actuel du droit, je le rappelle, les entreprises appartenant à des groupes ayant des établissements à l’étranger doivent, au moment où elles envisagent des licenciements pour motif économique, proposer aux salariés concernés d’être reclassés et leur présenter, à ce titre, la totalité des postes disponibles dans tous les établissements du groupe. Ces entreprises ont donc l’obligation légale de proposer, si elles en disposent, des offres d’emploi aux salariés que ceux-ci estiment légitimement choquantes. Ce fut le cas, par exemple, de l’entreprise de textile Carreman située à Castres, qui a présenté à ses ouvriers des postes rémunérés 69 euros mensuels en Inde, ce qui a conduit notre collègue député Philippe Folliot à déposer cette proposition de loi.

Pour tenter de mettre un terme à ces situations inacceptables aussi bien pour les salariés que pour les entreprises, ce texte vise à légaliser, dans la procédure de licenciement, le recours au questionnaire préalable. Ce dispositif, censuré par la Cour de cassation en 2009, permet à l’employeur d’interroger les salariés sur leurs souhaits de reclassement avant de leur faire parvenir les offres. L’employeur n’est alors tenu de n’adresser aux salariés que les offres qui correspondent à leurs aspirations.

Théoriquement, le texte évite par conséquent à l’employeur de proposer des offres déplacées, puisque l’on peut raisonnablement supposer que le salarié déclarera, le plus souvent – pour ne pas dire, à chaque fois –, dans son questionnaire, qu’il ne souhaite pas partir à l’étranger – c’est ce que l’on constate aujourd'hui ! – ou être reclassé sur un poste dont la rémunération est inférieure à celle de son poste actuel.

L’idée est donc particulièrement pertinente. Pourtant, – croyez-le bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aurais préféré qu’il n’en soit pas ainsi – les différentes auditions auxquelles j’ai procédé, et que le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale n’avait pas eu le temps d’entreprendre, notamment celles de la Cour de cassation et de professeurs de droit du travail, ont révélé que le texte, dans sa rédaction actuelle, présente quatre difficultés majeures.

D’abord, et il s’agit, à mon sens, du point le plus embarrassant, il est loin d’être évident que le texte mette un terme aux scandales, car il ne prévoit aucun plancher salarial légal s’appliquant aux offres de reclassement, contrairement, d’ailleurs, à la version initiale du texte proposé par Philippe Folliot.

Aux termes de la rédaction résultant des travaux de l’Assemblée nationale, si l’employeur envoie au salarié un questionnaire lui demandant s’il accepterait, en partant à l’étranger, une baisse de rémunération, il suffit que le salarié donne son accord de principe pour que l’employeur soit toujours obligé, par la loi, de lui faire parvenir la totalité des offres disponibles, dont celle que j’ai évoquée tout à l'heure : un emploi à 69 euros en Inde. Le salarié aura donné son accord de principe pour une baisse de rémunération, mais ne s’attendra pas pour autant, vous le comprendrez, mes chers collègues, à recevoir de telles offres, qu’il continuera de juger humiliantes. Nous n’aurons donc pas réglé le problème.

De plus, si l’employeur essaie de contourner la difficulté en demandant au salarié le niveau de salaire qu’il est prêt à accepter pour être reclassé, le scandale des offres risque de se reporter sur le questionnaire lui-même. L’employeur se verra reprocher d’exercer une sorte de chantage sur les salariés, qui auront le sentiment que plus la baisse de salaire qu’ils acceptent dans le questionnaire est importante, plus grandes seront leurs chances d’être reclassés.

A également été évoquée la possibilité de publier une circulaire dans laquelle serait proposé aux entreprises un modèle de questionnaire-type, leur permettant de se prémunir contre ce risque. Toutefois, je crains qu’il ne s’agisse là d’une fausse bonne idée. En effet, quelle que soit la rédaction du questionnaire, comment éviter alors que le Gouvernement ne soit accusé d’accompagner les entreprises pratiquant le dumping social ?

La deuxième difficulté tient au caractère assez flou de la rédaction actuelle. Le texte évoque, s’agissant des souhaits de reclassement des salariés, les « restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation ». Le terme « éventuel », assez inattendu, vous l’avouerez, dans un texte de loi, laisse le champ libre à toutes les restrictions possibles, y compris les plus difficiles à interpréter juridiquement.

Par exemple, comment interpréter la réponse d’un salarié qui souhaite être reclassé « dans une grande ville » ou sur « un type d’emploi appelé à se développer dans l’avenir » ? Il s’agit, pour reprendre l’expression d’un professeur de droit que nous avons auditionné, d’un « nid à contentieux » créé par le législateur.

Le texte comporte d’autres imprécisions, telles que le silence sur le moment où l’employeur doit transmettre au salarié le questionnaire. Je pense également au recours énigmatique au terme « implantation ». Je suppose que vous nous direz, monsieur le ministre, que vous visez ici le « pays ». Mais, vous l’admettrez, employer un mot pour un autre et expliquer ensuite que celui-ci ne doit pas être compris dans son sens habituel est une curieuse façon de légiférer. Franchement, ne serait-il pas plus simple de modifier le texte en utilisant le terme adéquat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Loin de clarifier et de simplifier la procédure, le texte risque donc de conduire, à cause de ces imprécisions, à une multiplication du nombre de contentieux.

Le troisième écueil tient, de l’avis formel du président du CNAJMJ, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, à l’inapplicabilité du texte aux cas de liquidation judiciaire.

Dans ces situations, qui représentent entre 15 % et 25 % de la totalité des licenciements économiques, le mandataire liquidateur dispose de quinze jours, ce qui est déjà peu, pour satisfaire à l’ensemble des obligations légales de l’employeur à l’égard des salariés licenciés.

Or le délai de six jours donné au salarié pour répondre au questionnaire empêchera, de fait, le liquidateur d’accomplir la totalité des démarches. Cela conduira presque systématiquement les salariés à contester juridiquement, et avec succès, la validité de la procédure suivie. L’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, devra alors payer les indemnités accordées, à ce titre, aux salariés.

Au moment où le Gouvernement cherche, à juste titre, – vous êtes d’ailleurs mieux placé que personne pour le savoir, monsieur le ministre ! – à mieux dépenser l’argent public pour contenir la dette, l’adoption de ce texte en l’état conduirait au gaspillage de plusieurs millions d’euros, voire de dizaines de millions d’euros, en raison de l’accroissement du nombre de licenciements économiques en ces temps de crise.

Le quatrième problème nous a été signalé par les syndicats de salariés, et je n’y suis pas insensible.

Ceux-ci ont fait valoir qu’un questionnaire dont les caractéristiques et le champ ne sont pas définis, comme c’est actuellement le cas avec la rédaction qui nous est proposée, pourrait permettre à un employeur de se dédouaner de son obligation de reclassement, en orientant le questionnaire de manière à limiter le plus possible les éventuels reclassements. Rien ne lui interdirait, par exemple, de poser au salarié la question suivante : « Accepteriez-vous un poste qui ne garantisse pas vos avantages actuels ? » On devine aisément les conséquences pour un salarié qui répondrait par la négative à cette question, alors que ce dernier n’aura sans doute pas pris conscience, à ce stade du processus, des enjeux de la situation.

Mes chers collègues, ces quatre difficultés ne me semblent pas mineures. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur les amendements tendant à remédier aux difficultés évoquées.

D’abord, si l’on veut vraiment mettre un terme aux scandales des offres indécentes largement relayées par les médias, il apparaît indispensable d’introduire un plancher salarial légal pour les offres de reclassement : l’employeur ne doit plus avoir ni l’obligation ni le droit d’adresser au salarié des offres de reclassement à l’étranger dont la rémunération est inférieure au SMIC. Cette mesure me semble simple, claire, et applicable directement en droit.

Néanmoins, il ne faut pas pour autant priver de possibilités de reclassement à l’étranger des salariés expatriés en France qui seraient prêts à travailler dans leur pays d’origine, même au prix d’une rémunération plus faible. Dans ce cas, s’il le demande lui-même par écrit à l’employeur, le salarié pourrait toujours recevoir des offres d’emploi à l’étranger dont la rémunération est inférieure au SMIC. Nous protégerions ainsi l’immense majorité des salariés et des employeurs contre l’obligation de recevoir ou d’envoyer des offres choquantes, tout en conservant la souplesse nécessaire pour les cas exceptionnels.

Ensuite, il est impératif d’assécher les sources inépuisables de contentieux du texte actuel. Il est donc proposé, conformément à la pratique de notre commission, de supprimer dans le texte les notions floues telles que les mots « notamment » ou « restrictions éventuelles » et de remplacer le terme « implantation » par le terme « pays », de manière que le terme employé corresponde effectivement au sens visé.

Enfin, il me semble difficile de ne pas tenir compte des remarques formulées quant à l’inapplicabilité du texte aux cas de liquidation judiciaire. Il faut donc prévoir que la procédure du questionnaire ne s’appliquera pas dans ces situations. Le président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires est bien sûr très favorable à cette solution.

Mes chers collègues, personne ne l’ignore à ce stade du débat, le Gouvernement préférerait que le Sénat n’adopte aucun amendement et vote le texte conforme, ainsi que l’a rappelé M. le ministre. Aussi, nous devons choisir entre l’urgence et le règlement au fond du problème. La question qui nous est donc posée ce soir est la suivante : vaut-il mieux adopter rapidement un texte, quitte à ce qu’il ne s’applique pas bien, ou, au contraire, élaborer un dispositif opérationnel et sécurisé, même si celui-ci n’entre en vigueur que dans quelques semaines ?

La commission, qui a émis un avis favorable sur les amendements, a considéré que, pour régler un problème très médiatique, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, et sur lequel le législateur et le Gouvernement sont attendus, il est dans l’intérêt de tous de traiter la difficulté au fond et de ne pas créer de fausses espérances.

Applaudissements au banc des commissions. – MM. Nicolas About, Daniel Marsin et Marc Laménie applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut qu’être sensible, au vu des événements passés, à cette proposition de loi. En effet, elle vise à mettre fin à la pratique de plus en plus courante de propositions de reclassement des salariés dans les pays à bas salaires par les entreprises qui licencient.

Toutefois, au-delà des apparences, nous verrons que cette proposition de loi ne résout pas grand-chose. La pratique n’est pas nouvelle : en voici un florilège, si tant est que ce terme puisse être utilisé en la matière.

Travailler 48 heures par semaine, avoir dix jours de congés annuels, le tout en Malaisie pour un salaire 1 169 euros annuels, voilà ce qui avait été proposé, en 2005, aux salariés licenciés de la société de fabrication de préservatifs Radiatex-Protex, installée à Bellerive-sur-Allier.

Pour les plus chanceux des employés de l’entreprise bretonne de fabrication de pinceaux Max Sauer, il leur avait été proposé, la même année, un reclassement dans les Côtes d’Armor. Pour les autres, ce fut l’île Maurice, pour 117 euros par mois !

Toujours en 2005, les neufs salariés qui doivent être licenciés chez Sem Suhner, une entreprise alsacienne de fabrication de transformateurs électriques, se voient offrir un reclassement dans la capitale arménienne pour 110 euros brut par mois et 40 heures de travail par semaine. Face au tollé provoqué par la nouvelle, le P-DG présentera ses excuses publiques quelques jours plus tard.

Toutefois, cette initiative n’a pas empêché l’usine Amphénol-Socapex, située à Dole, de proposer, quelques jours plus tard, à ses salariés un poste au Mexique ou en Chine, rémunéré deux euros l’heure. Pour compensation, le groupe leur proposait un aller-retour annuel gratuit vers la France...

Et tant d’autres, encore, les années suivantes.

Le mouvement ne s’est pas arrêté, puisque, en 2010, les salariés de l’entreprise Continental de Clairoix se voient proposé un reclassement, en Tunisie, pour un salaire mensuel de 137 euros ; l’usine de Philips implantée à Dreux et qui ferme ses portes offre, quant à elle, à ses salariés des postes en Hongrie, rémunérés 450 euros par mois, sur douze mois, à condition de pratiquer la langue hongroise !

Toutes ces propositions ont comme point commun l’indécence ! Comment peut-on oser faire de telles propositions à des salariés qui, souvent, occupent depuis plusieurs dizaines d’années le même poste dans l’entreprise ?

C’est en mai 2009 qu’interviennent deux événements qui mettent en avant la nécessité de légiférer sur ce point.

D’une part, vous l’avez dit, monsieur le ministre, le fabricant de chaussettes Olympia, qui n’avait pas osé proposer des emplois de reclassement en Roumanie rémunérés 110 euros par mois, est condamné par la cour d’appel de Reims à verser 2, 5 millions d’euros à 47 salariés. La cour lui reproche de ne pas avoir soumis à ses salariés toutes les possibilités de reclassement au sein du groupe.

D’autre part, la direction de l’usine textile Carreman, qui emploie 150 personnes à Castres, à côté de chez moi, décide de licencier neuf de ses salariés et propose à ces derniers un reclassement dans une autre usine du groupe à Bangalore, en Inde, avec un salaire de 69 euros brut par mois, pour six jours de travail par semaine. Cette proposition est jugée scandaleuse par les salariés, qui ont eu une semaine pour rendre leur réponse.

Devant ces deux situations apparemment contradictoires, la tentation est grande de modifier la loi, et tel est l’objet de la présente proposition de loi.

La solution avancée consiste à préciser dans la loi que la proposition de reclassement doit être faite à rémunération équivalente. Tout est simple ! Tout est beau ! Voilà une honte réparée ! Il n’y a plus rien à voir !

Mais ce n’est pas si facile ! En effet, si cette proposition de loi a été votée, en juin 2009, à une très large majorité par l’Assemblée nationale, c’est parce que les députés étaient encore sous le coup de l’émotion de l’affaire du groupe Carreman et de la décision de la cour d’appel de Reims. Mais, comme en toute occasion, l’émotion n’est pas toujours la meilleure conseillère.

Aujourd'hui, avec un an de recul – on peut prendre du temps quand c’est nécessaire ! –, il nous est permis de réfléchir aux apports réels de cette proposition de loi.

Rappelons d’abord le contexte législatif en vigueur.

La rédaction actuelle de l’article L. 1233-4 du code du travail résulte de la loi de modernisation sociale, adoptée en 2002, qui impose que les licenciements économiques soient précédés par la recherche effective et l’offre préalable par l’employeur de toutes possibilités de reclassement interne. Voilà pourquoi cet article impose aux employeurs de proposer un reclassement dans l’entreprise ou les entreprises du groupe auquel le site appartient ; d’où les propositions que nous connaissons.

Encore convient-il de noter que ces propositions résultent clairement de la politique qui est menée par les entreprises et qui consiste à exporter leur production vers des pays à bas salaires.

Rétablissons les choses telles qu’elles sont : ce n’est pas la loi qui a prévu une obligation indécente ; c’est parce que les entreprises ont délocalisé dans des pays à bas salaires que de telles propositions interviennent.

Dans ce contexte, il est donc tentant de modifier la loi. Cela arrangera évidemment le MEDEF, car ce sont les patrons qui sont mis à mal par cette obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Mme Jacqueline Alquier. En effet, ils sont obligés de dire publiquement qu’ils ont délocalisé leur production et emploient des gens dans différents pays du monde pour des salaires dérisoires

Mme Annie David opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

… même si ces salaires doivent effectivement être rapportés en termes de pouvoir d’achat. Comme le dit le MEDEF par la voix de sa présidente, Laurence Parisot, au sujet de ces propositions de reclassement, il est honteux, humiliant, sadique et inacceptable de formuler de telles propositions. Pour les salariés, concrètement, rien ne changera. Les propositions qui leur étaient faites dans ce contexte étaient de toute façon inacceptables et ne servaient donc à rien.

La proposition de loi de M. François Sauvadet, à laquelle notre collègue député du Tarn M. Philippe Folliot a beaucoup contribué, a fait l’objet d’un assez large consensus à l’Assemblée nationale. Dans le cadre de la proposition de reclassement auquel l’employeur est assujetti, par l’article L. 1233-4 du code du travail, elle prévoit que soit ajouté aux conditions déjà exigées le fait que celles-ci sont assorties d’une rémunération équivalente. Par ailleurs, dans un nouvel article L. 1233-4-1 est organisée la manière dont les possibilités de reclassement à l’étranger devront être proposées.

Ainsi, l’employeur devra demander par écrit au salarié s’il accepte de recevoir des offres de reclassement à l’étranger et sous quelles restrictions éventuelles, notamment en matière de rémunération et de localisation.

Si le salarié a manifesté un tel accord dans un délai de six jours, il pourra alors recevoir les offres de reclassement hors du territoire national qui seront écrites et précises, et qui devront tenir compte des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié restera libre de refuser ces offres.

Avec ce texte, on ne s’attaque donc pas au vrai problème que constituent les délocalisations dans les pays à bas salaires. Certes, on ne dira plus tout haut que nous avons affaire à des patrons voyous, mais ceux-ci pourront continuer à l’être !

Avec cette proposition de loi, on ne résout pas la question de fond qui est posée. Était-elle nécessaire du point de vue de l’éthique pour ne pas humilier les salariés par ces propositions indécentes ? Je n’en suis pas sûre.

Une fois de plus, monsieur le ministre, votre gouvernement et votre majorité ne font pas confiance aux juges. La Cour de cassation n’a pas eu encore à se prononcer sur la nature des propositions de reclassement qui devaient être faites aux salariés.

En d’autres termes, le juge suprême aurait pu se demander, par exemple, si les propositions de reclassement en Inde faites par Carreman de Castres étaient loyales et sérieuses, si notre droit permettait des propositions en dessous du salaire minimum.

C’est ce qu’a fait, voilà quelques jours, le conseil des prud’hommes de Lens en jugeant abusif le licenciement de six salariés dans l’entreprise Staff d’Hénin-Beaumont, invoquant notamment le manque de loyauté des offres de reclassement à l’étranger.

C’est d’ailleurs bien le sens que l’on peut donner à l’instruction de l’administration du travail du 23 janvier 2006 relative à l’appréciation des propositions de reclassement à l’étranger qui indiquait : « la proposition d’une entreprise concernant des postes au sein du groupe dans des unités de production à l’étranger pour des salaires très inférieurs au SMIC ne peut être considérée comme sérieuse. Ces propositions ne sauraient répondre aux obligations inscrites dans les articles L. 321-1 et L. 321-4-1 du code du travail ».

Ainsi, monsieur le ministre, vous ne croyez pas les juges capables d’interpréter la loi et de faire progresser le droit, ou alors vous craignez trop d’entendre des réponses qui ne seraient pas du goût des chefs d’entreprise. Le législateur est donc sommé, sans cesse, de remettre les règles de nouveau sur le métier pour éviter toute « supposée mauvaise » interprétation par les juges. C’est encore une fois un véritable dévoiement du rôle du législateur.

Finalement, il n’est pas certain que l’on n’aboutisse pas au résultat inverse de celui qui est escompté ! À vouloir tout prévoir, on crée de nouvelles confusions. Avec le texte qui nous est présenté aujourd’hui, c’est bien le cas.

Notre rapporteur a évoqué à juste titre les risques d’incertitude juridique que suscitait cette proposition de loi. Il a donc, dans un premier temps, rédigé un amendement destiné, selon lui, à donner une certaine sécurité au dispositif. Ayant été rejeté en commission, nous découvrons aujourd’hui son remplacement par sept amendements prédécoupés. Ils ne changent pas la philosophie de ce texte, mais il n’est pas sûr qu’ils ne le complexifient pas !

Surtout, il y a dans cette proposition de loi la poursuite par votre majorité d’une politique qui tend toujours à laisser seul le salarié face à son employeur.

Mme Annie David opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Plus de négociation collective, plus de plan soumis aux délégués du personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Simplement une lettre à chaque salarié qui, au surplus, n’a que quelques jours pour répondre. Pensez-vous sérieusement, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’un salarié puisse, en quelques jours, remettre toutes sa vie sociale et familiale en cause pour décider de partir ailleurs ?

Je peux vous le dire, car je suis confrontée à ce problème à Mazamet, où Valéo ferme une partie de ses activités sur le site et propose à ses salariés d’aller rejoindre une autre unité de l’entreprise en Belgique. En l’occurrence, pas de salaires dérisoires en cause, mais souvent toute une famille dans la tourmente !

Quant à la pratique des questionnaires, elle permet les mêmes dérives.

La négociation collective est essentielle. Or, depuis 2002, vous n’avez de cesse de la mettre à mal. Ainsi, à peine quelques mois après son retour au pouvoir en 2002, la majorité actuelle a supprimé tous les garde-fous que la loi de modernisation sociale avait instaurés, notamment le droit du comité d’entreprise de suspendre un plan de restructuration le temps d’obtenir toutes les informations nécessaires à la connaissance de la situation exacte de l’entreprise.

Sur le fond, cette aimable proposition de loi ne résout rien. Elle permettra essentiellement, pour les employeurs, de ne plus avoir à révéler les niveaux de salaires qu’ils appliquent dans les pays où ils délocalisent. La législation actuelle comporte en effet pour eux deux inconvénients majeurs : la condamnation financière lorsque les offres dans les pays à bas coût n’ont pas été présentées dans le cadre du plan de reclassement ; l’information des salariés licenciés et de l’opinion publique sur les niveaux de salaires pratiqués dans ces pays. On qualifie alors ces offres d’indécentes et d’humiliantes pour les salariés, et les conséquences sur l’opinion sont dévastatrices.

Le véritable scandale est pourtant que de tels salaires soient pratiqués, quel que soit l’endroit sur notre planète. Le véritable scandale réside dans les conditions de travail et de vie de ces salariés, l’absence de protection sociale, y compris contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, alors que c’est la première responsabilité de tout employeur, et cela se produit parfois même à l’intérieur de l’Union européenne. Il est bien évident que le patronat veut voir disparaître ces deux inconvénients.

La législation qui a été mise en place en 2002 par une autre majorité a conduit, sans que nous l’ayons voulu, il nous faut l’avouer, à ce que chacun soit mis en face des réalités économiques, de la valeur réelle du travail pour les multinationales.

Dans le même temps, l’INSEE nous apprend que le nombre de très riches en France, mais aussi dans le monde, augmente, et que ces très riches sont de plus en plus riches. Il ne faut pas s’en étonner puisque, si les prix de revient des biens et des services diminuent du fait des délocalisations, les prix de vente, eux, ne baissent pas. Où va donc la différence ? Chacun connaît la réponse.

Je voudrais terminer cette intervention sur une information intéressante que j’ai relevée ce matin dans le journal Les Échos, en page douze.

Vous vous souvenez certainement de la révolte des salariés de l’usine d’Échirolles voilà quelques mois, à l’annonce de la suppression de plusieurs centaines d’emplois par le groupe Caterpillar. Aujourd’hui, nous informent Les Échos, « Les Caterpillar s’unissent de l’Europe au Japon ». L’idée est de mettre en place un réseau syndical mondial dans l’entreprise et soixante-dix délégués syndicaux du monde entier se sont réunis en Isère jeudi dernier.

Que disent-ils ? « La restructuration nous a fait prendre conscience que nous ne défendons pas nos salariés de façon satisfaisante en étant privés de la force d’une étroite coopération syndicale au niveau international ».

C’est pourquoi, dans l’attente d’une meilleure organisation syndicale et d’une réelle négociation, nous condamnons, nous groupe socialiste, cette proposition de loi qui ne résout en rien le problème des délocalisations et ses conséquences sur l’emploi en France. Ce texte passe à côté des vrais problèmes de désindustrialisation de notre pays. Il est seulement destiné à donner bonne conscience au patronat. Nous voterons contre, car il s’agit pour nous de défendre les droits des salariés que vous malmenez.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article L. 1233-4 du code du travail impose à tout employeur envisageant le licenciement pour motif économique d’un de ses salariés de réaliser un effort de formation et d’adaptation au profit de celui-ci ou de lui proposer un reclassement au sein de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement doit, de surcroît, concerner un emploi relevant de la même catégorie, à défaut équivalent ou de catégorie inférieure si le salarié l’accepte.

La procédure de licenciement pour motif économique ne peut être mise en œuvre que si l’ensemble de ces efforts a été réalisé, sous réserve, pour l’employeur, d’avoir recherché et proposé de bonne foi au salarié un poste disponible.

Lorsque le reclassement obligatoire a été adopté en 2002, la volonté du législateur était d’offrir aux salariés une diversité de propositions en cas de licenciement. Malheureusement, chacun le sait, cette obligation légale a engendré des effets pervers, illustrés par de nombreuses affaires.

En effet, certains employeurs n’hésitent pas à proposer cyniquement à des salariés, sous couvert de légalité, un reclassement à l’étranger aux conditions salariales du pays d’accueil. Plusieurs sociétés, dans le cadre d’un plan de licenciement, ont ainsi proposé à leurs salariés d’être reclassés dans une filiale étrangère pour des salaires extrêmement bas.

Déjà, en 2005, une entreprise alsacienne avait proposé à ses salariés des postes en Roumanie rémunérés 110 euros par mois. Très récemment, le groupe Continental a proposé à six cent des mille cent vingt salariés licenciés de son site de Clairoix des postes d’opérateurs de production dans sa filiale en Tunisie pour un salaire brut de 137 euros par mois. Avant lui, Philips avait proposé à ses deux cent douze salariés de Dreux des postes en Hongrie pour 450 euros par mois. L’année dernière, une entreprise textile de Castres avait proposé à neuf salariés sur le point de subir un licenciement d’être reclassés en Inde, pour un salaire brut mensuel de 69 euros pour six jours de travail par semaine, l’assurance santé étant très généreusement prise en charge par l’employeur.

Ces exemples ne sont pas isolés et illustrent bien les difficultés de la jurisprudence à interpréter et faire appliquer l’obligation de reclassement de l’article L. 1233-4 du code du travail dans l’intérêt des deux parties, a fortiori lorsque cette obligation concerne une entreprise du groupe auquel elle appartient. On assiste véritablement à des divergences de jurisprudence, ce qui entretient une certaine confusion sur la portée de l’obligation de reclassement lorsque celui-ci concerne un poste à l’étranger et place le salarié et l’entreprise dans une situation d’insécurité juridique.

II est aujourd’hui impératif de corriger les effets d’une jurisprudence qui permet de faire des offres de reclassement abusives, de garantir aux salariés que les employeurs ne devront plus leur proposer des offres manifestement inacceptables.

Ces dernières années, les propositions de reclassements dits « exotiques » dans des pays à bas coûts de main-d’œuvre se sont répandues. D’autant que la seule contrainte pour l’employeur est de proposer un poste correspondant au même niveau de compétences du salarié ou, à défaut, à un niveau inférieur avec l’accord du salarié. Le code du travail ne fixe aucun critère concernant la rémunération.

À l’inverse, si l’employeur ne fait pas ces propositions de reclassement, alors qu’il existe des postes à pourvoir dans son groupe, il s’expose à des sanctions financières. La société Olympia a ainsi été condamnée en mai 2009 par la cour d’appel de Reims à verser 2, 5 millions d’euros à quarante-sept salariés pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie sur un poste payé 110 euros par mois.

La situation est donc devenue insupportable. La loi ne doit pas servir de prétexte à des propositions de reclassement à l’étranger indécentes et humiliantes. D’autant que, sous l’effet de la crise économique, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi est passé de 1 061 en 2008 à 2 242 en 2009. Au total, 265 700 licenciés économiques ont rejoint les listes de chômeurs inscrits à Pôle emploi l’année dernière. Ces plans sociaux ont souvent accompagné la fermeture d’usines ou de sites.

Certains de mes collègues du RDSE avaient d’ailleurs, en juillet dernier, déposé une proposition de loi visant à encadrer l’offre préalable obligatoire de reclassement d’un salarié faisant l’objet d’un licenciement pour motif économique.

La difficulté juridique est d’autant plus importante que sont en jeu les conditions de vie de salariés confrontés à l’épreuve d’un licenciement et au cynisme d’employeurs parfois indélicats. Il appartient par conséquent au législateur d’encadrer ces situations, de mettre fin aux divergences jurisprudentielles et d’inscrire définitivement dans la loi les limites qui s’imposent aux employeurs.

Bien que sa rédaction ne soit pas pleinement satisfaisante d’un point de vue juridique, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui permettra – nous le pensons profondément – de mettre un terme à la situation intolérable des salariés confrontés à un licenciement économique et à une proposition de reclassement dans un pays parfois lointain avec un salaire scandaleusement faible. Il était nécessaire de légiférer. Ce texte, bien qu’il soit imparfait, apporte de nouvelles garanties aux salariés et offre une meilleure visibilité juridique aux employeurs.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le texte dont nous débattons ce soir revêt une acuité particulière en cette période de crise économique qui voit se succéder les plans sociaux. Régulièrement, les salariés, déjà déstabilisés par la perspective d’un licenciement et dans l’attente d’offres de reclassement, reçoivent des offres inacceptables de reclassement à l’étranger sur des postes dont la rémunération est sans doute adaptée au pays, mais ridiculement faible pour la France.

M. le ministre, M. le rapporteur et les intervenants qui m’ont précédé ont cité de multiples exemples d’entreprises ayant proposé à leurs employés des postes en Inde, en Tunisie ou en Roumanie, pour des salaires mensuels s’échelonnant de 69 euros à 137 euros.

Pourtant, il ne s’agit pas d’une pure provocation, condamnable sur le plan tant moral que juridique, mais de l’application de l’article L. 1233-4 du code du travail. En effet, le législateur, afin d’obliger l’entreprise à ne négliger aucune possibilité de reclassement, a, en 2002, introduit, selon moi en toute bonne foi, des dispositions prévoyant que le licenciement économique ne pouvait « intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ».

La jurisprudence en a fait une interprétation stricte, qui conduit les entreprises souhaitant éviter une condamnation à une situation ridicule, absurde et blessante pour leurs salariés. Ainsi, la cour d’appel de Reims a condamné la société Olympia à verser 2, 5 millions d’euros d’indemnités à 45 anciens salariés pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie. Cette condamnation met toute l’entreprise en danger, puisqu’elle risque de provoquer le licenciement des 280 salariés qui ont encore un emploi en France. Il est anormal qu’une entreprise soit condamnée par les tribunaux parce que sa direction a choisi, en conscience et avec l’accord du comité d’entreprise, de ne pas proposer à ses salariés des offres de reclassement absurdes.

Puisque seule une loi peut défaire une loi, le groupe UMP soutient cette proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale : elle remet les choses en place et évitera des interprétations jurisprudentielles contraires à l’esprit de ce qu’avaient recherché le législateur et le gouvernement en 2002.

La proposition de loi prévoit plusieurs cas.

Lorsque le reclassement conduit à un emploi relevant de la même catégorie que celui que le salarié occupe, l’offre de reclassement devra alors assurer au salarié une rémunération équivalant à celle qu’il percevait auparavant.

Dans le second cas de figure, un emploi de catégorie inférieure, à défaut d’un emploi de catégorie équivalente, pourra être proposé. Des garanties devront alors être données, afin que les salariés bénéficient du champ le plus large possible d’offres de reclassement interne, y compris à l’étranger.

L’option retenue par l’Assemblée nationale me semble judicieuse, car elle s’appuie sur une méthode déjà éprouvée, celle du questionnaire préalable, imaginé par certaines entreprises pour éviter d’avoir à présenter à leurs salariés des postes disponibles mais inacceptables. Il s’agit également de ne pas proposer des places à l’étranger aux salariés qui ne le souhaitent pas, quelles qu’en soient les conditions. Cette méthode n’a malheureusement pas été admise par les juridictions de l’ordre judiciaire, alors qu’elle l’a été par celles de l’ordre administratif. Elle aura bientôt, grâce à ce texte, valeur législative.

Notre rapporteur a présenté le principe retenu : l’employeur devra préalablement demander aux salariés s’ils acceptent de recevoir des propositions de reclassement à l’étranger et sous quelles conditions. Si un reclassement à l’étranger leur est proposé par la suite, celui-ci devra répondre aux conditions de salaire et de localisation qu’ils auront préalablement exprimées. Il s’agit d’un principe simple, qui devrait permettre d’éviter tous les inconvénients rencontrés depuis l’adoption de la loi du 17 janvier 2002.

Je tiens à souligner que le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a fait adopter ce dispositif après consultation des partenaires sociaux

Mme Annie David s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je tiens à saluer les propositions intéressantes et fouillées qui ont été faites par notre rapporteur en commission. Il souhaitait améliorer la rédaction du texte, laquelle est sans doute perfectible.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Mais la majorité de la commission a estimé, après débat, que la priorité était d’empêcher la poursuite des abus, afin de protéger aussi bien les salariés, déjà éprouvés, que les entreprises, condamnées à double titre, qu’elles respectent ou non l’article L. 1233-4 du code du travail. Je tiens, au nom des membres de la commission des affaires sociales et du groupe UMP, à féliciter notre rapporteur, non seulement pour son travail et sa force de conviction, mais également pour sa capacité de dialogue, qui nous a permis de mieux comprendre la situation.

À mes yeux, cette proposition de loi concrétise bien la relativité de notre travail de législateur face aux interprétations jurisprudentielles.

Notre groupe votera donc ce texte, afin de maintenir le respect dû aux personnes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Gisèle Printz applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir paraît a priori constituer une avancée pour les salariés. Mais, après une analyse plus poussée, elle révèle sa vraie nature et l’imposture qu’elle contient.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ce texte ne cherche pas à améliorer la situation des salariés concernés par une mesure de reclassement à la suite d’un licenciement pour motif économique. Il vise simplement à améliorer dans les médias l’image des entreprises qui licencient et font ces offres de reclassement que chacun s’accorde à qualifier d’indécentes. Il tend également à préserver ces mêmes entreprises de nombreux contentieux, qu’elles perdent bien souvent lorsque les droits des salariés sont respectés !

Pourtant, l’intitulé de cette proposition de loi est très ambitieux : « garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pour les membres de mon groupe, comment ne pas partager un tel objectif ? Néanmoins, l’illusion est de courte durée, particulièrement en ce qui concerne la mise en œuvre des questionnaires préalables aux propositions de reclassement ! Je ne manquerai pas d’y revenir.

L’avancée proposée par la première partie de ce texte, aux termes de laquelle le reclassement s’effectue sur un emploi « assorti d’une rémunération équivalente », modifie, certes, le code du travail dans un sens favorable aux salariés, alors que, il faut le reconnaître, de nombreuses modifications leur ont été franchement défavorables au cours des dernières années.

Mais cette avancée est anéantie par un véritable recul pour les salariés, lié à l’obligation de reclassement qui pèsera sur les entreprises, ou, plutôt, qui ne pèsera plus sur les entreprises !

L’enjeu du débat peut d’ailleurs être facilement résumé par une déclaration du MEDEF. En voici les termes : « Si on ne propose pas [ce type d’offres à l’étranger], on est condamnés par les conseils des prud’hommes ; si on les propose, on est condamnés dans les médias ».

Cependant, les entreprises sont condamnées non pas pour avoir fait des offres dans des pays exotiques, mais parce que celles-ci « avaient été présentées de manière désinvolte, provocatrice, en instrumentalisant l’obligation légale de reclassement ; c’est en cela qu’elles ont été jugées déloyales ». Notre collègue Marsin a même évoqué le cynisme de certaines entreprises.

Pour autant, ce texte fait-il disparaître les offres indécentes ? Pas du tout, puisqu’il a seulement pour objet d’aménager la manière dont ces offres seront faites aux salariés concernés, et de faire en sorte que la « politique salariale » de ces entreprises s’étale un peu moins dans nos journaux à l’occasion des licenciements économiques. Car ces licenciements représentent bien une mesure d’économie, les salariés étant considérés comme des variables d’ajustement. Il n’est donc pas question de leur proposer la même rémunération à l’étranger ! Les actionnaires ne verraient pas le bénéfice d’une telle mesure et les salariés locaux risqueraient de revendiquer à leur tour de meilleures conditions salariales ! D’ailleurs, en évoquant des conditions salariales adaptées au pays d’origine, sur quoi s’appuie-t-on exactement ?

Ainsi, le questionnaire préalable permet à l’employeur d’éviter les contentieux en interrogeant les salariés sur leurs souhaits de reclassement avant de leur faire parvenir les offres. On s’oriente vers un démantèlement de l’obligation de reclassement, qui sera désormais à géométrie variable. Cette mutation pose de nombreux problèmes.

En premier lieu, le contenu de cette obligation sera fixé par les parties. Par conséquent, celle-ci se contractualise et s’individualise, notre collègue Jacqueline Alquier l’a bien démontré tout à l’heure, ce qui n’apporte aucune sécurité aux salariés. En effet, nous connaissons toutes et tous ici le lien de subordination qui lie le salarié à son employeur. Nous sommes également conscients que de nombreux salariés éprouvent une véritable peur du chômage. Il paraît donc pour le moins indécent de parler de choix en ce qui concerne ce questionnaire.

En second lieu, plusieurs avocats soulignent le caractère anormal d’une procédure où le salarié doit renoncer par avance à des annonces dont il ne connaît pas le contenu ou aux droits sociaux et salariaux de notre législation !

Le mécanisme des questionnaires transfère ainsi au salarié une responsabilité qui n’est pas la sienne : il devra opérer le tri entre ce qui est indécent et ce qui ne l’est pas, alors qu’on ne lui demande pas son accord pour la suppression de son poste ! Cette proposition de loi fait donc pleinement perdurer l’indécence, constituée par l’existence même de l’offre, surtout lorsqu’il s’agit de licenciements non pas économiques, mais plutôt d’essence libérale. De plus, le salarié est prié de devenir « coproducteur » d’une offre qu’il contribue à déterminer !

Dès lors, il ne pourra plus ni se révolter dans les médias, puisqu’il aura contribué à l’existence de l’offre et accepté de la recevoir, ni s’adresser au conseil des prud’hommes si l’entreprise ne lui fait pas parvenir d’offre de reclassement interne ! Adieu les contentieux !

Faut-il rappeler que tout cela se passe alors que le salarié vient de subir un premier choc, à savoir la perte de son emploi ? Aucune faute ne peut lui être reprochée : il s’agit d’un licenciement économique, dont le système libéral aujourd’hui à l’œuvre porte la responsabilité ! Dans ce système, l’économie est mondialisée, les salariés sont considérés comme des outils, et la production est implantée dans les pays où la main-d’œuvre est à bas prix !

Les salariés sont excédés de servir de variable d’ajustement, ils ne supportent plus les effets d’aubaine de la crise et les délocalisations en cascade. Ces femmes et ces hommes, qui fabriquent les richesses et dont le professionnalisme n’est pas remis en cause, exigent pour le moins le respect de leur personne et de leur outil de travail.

Nous paraît également inquiétant le délai imparti pour répondre au questionnaire. Il n’est que de six jours, alors que les salariés sont pris dans la tourmente d’un licenciement. Beaucoup d’entre eux laisseront passer ce délai, mais la non-réponse vaut refus, ce qui, là encore, arrange bien les entreprises, reconnaissons-le ! De toute façon, comment un salarié pourrait-il déterminer en six jours qu’une offre est décente ? Il devra se renseigner vite, pour savoir, par exemple, s’il peut vivre à Tunis avec 137 euros par mois.

Je vous le rappelle, si la première partie de cette proposition de loi vise à inscrire dans le code du travail la notion de « rémunération équivalente », la seconde tend à introduire le questionnaire permettant aux entreprises de continuer à faire des offres indécentes, lesquelles, du coup, ne seront plus communiquées à l’ensemble des salariés ni à l’opinion publique.

Pour le salarié, cela revient à vider de sa substance l’obligation de reclassement qui pèse aujourd’hui sur l’employeur.

Quant à l’employeur, en raison, d’une part, de cette procédure trop courte, et, d’autre part, de la faculté pour lui de rédiger comme il l’entend le questionnaire, il sera en réalité dédouané et exonéré de son obligation de reclassement tout en pouvant produire en justice la preuve qu’il a respecté la loi. De fait, il échappera ainsi à tout futur contentieux.

Toute la construction jurisprudentielle autour de l’obligation de reclassement que vous avez évoquée, monsieur le ministre, en ressort fragilisée, pour la plus grande satisfaction de ceux qui la jugent trop renforcée, l’employeur étant contraint aujourd’hui de proposer une solution autre que le licenciement pour valider le licenciement économique.

Pour l’entreprise, c’est une double avancée. C’est même une triple avancée, car, avec une obligation de reclassement ainsi allégée, l’employeur pourra encore plus facilement faire peser sur la collectivité nationale le poids de ses licenciements économiques, comme cela se passe par le biais de conventions de revitalisation.

Certaines entreprises continueront d’investir en bourse, de toucher des aides publiques, de délocaliser et de licencier pour motif économique ou de proposer des postes « bol de riz » à l’étranger et de faire financer par l’État les emplois maintenus en France.

Ainsi, le budget du Fonds national de revitalisation des territoires s’élève en 2010 à 135 millions d’euros et une réflexion est en cours quant à la généralisation des contrats de transition professionnelle, bien que le coût supplémentaire estimé soit compris entre 1 milliard et 1, 5 milliard d’euros. Selon la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, le coût global se monterait à près de 2, 7 milliards d’euros, dans l’hypothèse basse fondée sur les résultats de 2007, et à 3, 9 milliards d’euros, dans l’hypothèse haute fondée sur ceux de 2009.

Monsieur le ministre, vous qui par ailleurs fustigez les dépenses de nos services publics, vous devriez être plus vigilant dans l’attribution des aides publiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi a pour unique objet de nous cacher l’immense indécence que constitue le dumping social mondial, qui s’aggrave chaque jour et encourage les entreprises occidentales à faire fabriquer à l’étranger, à des coûts salariaux vingt à trente fois moindres.

Dois-je rappeler ici la lutte des « Conti », des « Cater », des « Carreman » et de bien d’autres encore que Jacqueline Alquier a évoqués ? Ces femmes et ces hommes, qui ont travaillé dur, économisé, souscrit des emprunts pour faire construire la maison familiale, qui ont accepté de travailler plus, comme le leur demandait le Président de la République

Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Dois-je rappeler les dernières destructions d’emplois, plus de 400 000 en 2009, dont l’Observatoire français des conjonctures économiques annonce la poursuite en 2010, alors que le CAC 40 se porte bien ?

Mais il faudrait ménager ces patrons, qui, magnanimes, certes ferment une usine en France, certes installent les machines dans un pays à bas salaires, mais qui permettent à leurs salariés de suivre leur outil de production !

Cela pose plus globalement le problème des énormes disparités de conditions de travail et de revenus qui existent dans le monde. Il faudrait tendre vers une harmonisation des droits sociaux et salariaux au niveau européen et, pourquoi pas, au niveau mondial.

C’est qu’en France comme de par le monde les salariés ont besoin de sécuriser leurs parcours professionnels, de faciliter tout au long de la vie leur accès à l’emploi et à la formation. Or cette proposition de loi n’aborde aucun de ces aspects, elle ne résout aucun problème ; on se contente de sauver les apparences pour les entreprises, sans leur rappeler pour autant leur responsabilité sociale à l’égard de leurs salariés.

Par honnêteté, je me dois de signaler que les partenaires sociaux ont effectivement été consultés avant l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, mais uniquement sur le 1° de l’article unique, qui impose que l’offre soit assortie d’une « rémunération équivalente », puisque le 2° a été introduit ultérieurement, en commission.

Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’aurez compris, mon groupe votera contre cette proposition de loi.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une proposition de reclassement en Inde à 69 euros par mois, des offres de reclassement en Tunisie assorties d’une rémunération de 137 euros mensuels : il est inutile de s’étendre plus longuement sur les chiffres, ils ont déjà amplement été rappelés. Le constat est sans appel, que chacun partage sur ces travées : le droit du reclassement doit être réformé.

C’est, en effet, directement de l’état du droit en vigueur que découle cette situation. On imagine bien la révolte des salariés qui reçoivent de telles offres, leur incompréhension, le sentiment d’injustice, et même d’humiliation, qui peut être le leur.

Mais il convient de sortir du manichéisme simpliste consistant à présenter l’employeur comme un être sans foi ni loi. Les entreprises qui ont présenté des offres indignes étaient tenues de le faire. C’est ce qui ressort des textes et de la jurisprudence.

Paradoxalement, l’émulation entre le juge et le législateur, supposée mieux protéger les salariés, a abouti à l’effet contraire.

Au départ, l’obligation mondiale et inconditionnelle de reclassement a été imposée par la Cour de cassation pour protéger les cadres. Le législateur en a fait un outil de sanction indirecte des entreprises recourant aux délocalisations, au service de tous les salariés.

À ce stade de l’analyse, un mea culpa s’impose : le dispositif que nous, législateur, avons adopté en 2002 pour répondre, dans l’urgence, à la recrudescence des licenciements économiques, s’est révélé porteur d’effets pervers.

Ces effets ont été encore accentués par la jurisprudence récente, puisque la cour d’appel de Reims vient de condamner une entreprise à verser de très lourdes indemnités à des salariés licenciés, notamment pour avoir omis de leur proposer des emplois de reclassement en Roumanie à 110 euros par mois…

Dans ces conditions, une intervention législative s’impose. C’est pour répondre à cette nécessité que notre excellent collègue député Philippe Folliot, mon ami le président François Sauvadet et les membres du groupe Nouveau Centre ont déposé le présent texte.

Face à cette proposition de loi, je partage à 100 % la remarquable analyse de notre rapporteur, Jean-Marie Vanlerenberghe : en son état actuel, ce texte représente incontestablement un progrès, mais il est perfectible.

Oui, ce texte représente un progrès, et même un double progrès.

Premier progrès, la proposition de loi impose que le reclassement du salarié soit assorti d’une « rémunération équivalente ». Il s’agit, d’une part, de sanctuariser un niveau de rémunération et, d’autre part, de dispenser les employeurs de proposer des offres manifestement inacceptables pour les salariés. En pratique, cela devrait substantiellement borner le champ de l’obligation mondiale et inconditionnelle de reclassement.

Second progrès, cette proposition de loi légalise la procédure du questionnaire préalable pour les offres de reclassement à l’étranger. Cette méthode, imaginée par certaines entreprises, a été consacrée par les juridictions administratives, mais non par les juridictions judiciaires. Ce texte tend également à assurer une garantie minimale que des propositions indécentes ne seront plus faites à mauvais escient.

Cependant, comme l’a très bien fait observer Jean-Marie Vanlerenberghe, ce texte est encore perfectible.

Je ne reviendrai pas sur les imprécisions de la rédaction actuelle et sur la question de la liquidation judiciaire : nous avons déposé des amendements destinés à y remédier. Je me concentrerai sur la principale lacune du texte en débat, celle qui tient au niveau de la rémunération garantie.

Primo – mais est-ce une erreur ? –, la rédaction actuelle laisse subsister la possibilité qu’un salarié soit reclassé dans un emploi de même catégorie que le sien, mais sans bénéficier d’une « rémunération équivalente ». Nous proposerons un amendement visant à garantir que l’obligation de « rémunération équivalente » s’impose dans tous les cas de reclassement.

Secundo, le texte ne prévoit aucun plancher salarial légal s’appliquant aux offres. Comme le démontrait M. le rapporteur, il suffira que le salarié donne son accord de principe pour recevoir des propositions moins bien rémunérées pour que l’employeur soit toujours légalement obligé de lui faire parvenir la totalité des offres disponibles, dont les plus infamantes.

Autrement dit, et ce serait un comble, la proposition de loi ne mettrait pas fin à la situation contestée.

C’est pourquoi nous défendrons un amendement en vertu duquel l’employeur n’aurait plus ni l’obligation ni le droit d’adresser au salarié des offres de reclassement à l’étranger dont la rémunération serait inférieure au SMIC. Néanmoins, le salarié aurait toujours le droit, s’il le demandait lui-même par écrit à l’employeur, de recevoir des offres à l’étranger inférieures au SMIC, de manière à ne pas priver de possibilité de reclassement des salariés expatriés en France qui seraient prêts à retourner dans leur pays, même au prix d’une plus faible rémunération.

En conclusion, si nous nous félicitons que ce texte soit soumis à la Haute Assemblée, nous regrettons que les modifications qu’avait proposées notre rapporteur n’aient pas été adoptées par la commission des affaires sociales.

Nous espérons qu’elles le seront en séance avec nos amendements, auxquels la commission a donné cet après-midi un avis favorable.

Cela étant, je vous ai entendu, monsieur le ministre : vous comptez sur un vote conforme. Mais légiférer vite n’impose pas forcément de légiférer mal ! Nous avons déjà commis cette erreur en 2002. Elle nous a directement conduits à la situation actuelle, nous obligeant à remettre l’ouvrage sur le métier. Faut-il recommencer ?

Monsieur le ministre, est-il impossible de trouver dans les semaines à venir une petite heure à l’Assemblée nationale pour valider très vite les modifications que nous pourrions adopter ce soir ?

Tâchons de concilier urgence et qualité législative. Nous le devons aux salariés qui se sont sentis bafoués du fait de nos approximations.

À défaut d’un engagement de votre part, monsieur le ministre, de représenter devant l’Assemblée nationale ce texte avant l’été, le groupe de l’Union centriste en prendra acte et ne s’opposera pas à la rédaction de l’Assemblée nationale, qui promet de beaux jours au contentieux !

Applaudissements au banc de la commission.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué certaines décisions de justice relatives au questionnaire préalable. Le droit du travail, par nature, est source de nombreuses décisions juridictionnelles, et je ne suis pas certain que le questionnaire préalable suscite plus de problèmes d’interprétation et donc plus de contentieux.

Ce questionnaire est au cœur de notre démarche. Pour ma part, j’estime que c’est une bonne chose ; je remarque d’ailleurs que vous ne prétendez pas le contraire et je salue le travail remarquable qui a été fait à cet égard. Simplement, il convient de renforcer le cadre légal, notamment en prenant bien soin de préserver la liberté d’appréciation du salarié.

Les entreprises ne pourront pas s’exonérer de leur obligation de reclassement, vous le savez bien. C’est pourquoi je souhaite que mon ministère puisse leur fournir des modèles de questionnaire qui, sans revêtir un caractère contraignant, constitueraient pour elles une référence, un repère, un outil pratique. Bien évidemment, les entreprises auront la possibilité de recourir à leur propre questionnaire, mais à leurs risques et périls.

Nous étudierons plus avant cette question au moment de l’examen des amendements.

Madame Alquier, cette proposition de loi a semble-t-il convenu au groupe socialiste de l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Loin de moi l’idée que le groupe socialiste du Sénat doive reprendre à l’identique la position arrêtée par son homologue de l’Assemblée nationale, mais je constate qu’il y avait de la part de vos collègues députés socialistes une approche politique très positive. C’est pourquoi je m’étonne de l’attitude relativement fermée qu’a adoptée votre groupe au Sénat.

Cette proposition de loi ne remet aucunement en cause l’obligation pour l’employeur de proposer une offre de reclassement, bien au contraire. Je ne vois donc pas ce qui vous choque ici. En revanche, ce qui est choquant, c’est que des entreprises, parce que la loi les y oblige, en arrivent à faire à leurs salariés des propositions « indécentes ». C’est précisément ce que nous cherchons à combattre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyons clairs : moins il y a de reclassements, mieux on se porte, car ce sont évidemment des procédures de crise.

Mais, si procédure il doit y avoir, alors nous voulons éviter, partant du principe que les entreprises sont de bonne foi, qu’elles n’aient à soumettre à leurs salariés faisant l’objet d’une procédure de reclassement des propositions humiliantes parce qu’elles y sont contraintes par la loi et la jurisprudence. Voilà pourquoi il convient de clarifier le plus possible le dispositif.

Monsieur Marsin, vous soulignez que ce texte mettra un terme à une situation que tout le monde considère comme intolérable.

L’insécurité juridique qui en résulte, et que vous avez d’ailleurs dénoncée à juste titre, sera combattue efficacement par la présente proposition de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de voter ce texte en l’état. Le travail très important réalisé par M. Jean-Marie Vanlerenberghe comporte évidemment des avancées, mais il faut savoir faire preuve de mesure, comme en toutes choses. Le ministre des relations avec le Parlement, ici présent, est le grand gardien de l’ordre du jour du Parlement.

Sourires

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

S’il n’existe pas de place dans l’ordre du jour, c’est autant de temps que nous faisons perdre aux salariés en renvoyant à une impossible navette.

M. Nicolas About proteste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Sommes-nous en train de légiférer dans l’urgence ? Sommes-nous en train de mal légiférer ? J’ai bien compris, monsieur About, le sens de vos interrogations. Nous pensons, pour notre part, que le texte est assez solide, suffisamment clair, et que les ajouts qui ont été proposés peuvent faire l’objet de précisions orales de la part du Gouvernement dont je rappelle qu’elles ont valeur juridique.

Ces précisions, que nous apporterons au moment de la discussion des amendements, permettront d’enrichir le texte en lui-même, en guidant d’emblée ceux qui seront amenés à l’interpréter. Le corpus de référence s’en trouvera solidifié.

Je voudrais remercier Mme Catherine Procaccia de son soutien.

Madame David, vous avez d’abord souligné l’avancée que représente ce texte dans son 1°. Je m’en suis réjoui, évidemment.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Je me suis cependant moins réjoui de la suite de votre propos.

Sourires

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je le répète, nous avons les mêmes objectifs. Je ne fais pas de procès d’intention, mais je me dois de rassurer ceux qui ont exprimé des doutes à cet égard : ce texte ne remet pas en cause l’obligation de reclassement !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Ne faites pas dire à ce texte ce qu’il ne dit pas, et ce qu’il ne veut pas dire !

Vous dénoncez dans cette proposition de loi des intentions et des objectifs qui n’y sont pas, au risque de parasiter le message.

Je tenais à le dire, et je suis sûr que cela finira de vous rassurer.

Je voudrais enfin remercier à nouveau le président About de ses propos. Nous allons revenir sur le fond en examinant les amendements. Ce sera l’occasion de passer en revue les difficultés d’interprétation que vous craignez, monsieur le sénateur, et de voir comment nous pouvons les lever.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Le code du travail est ainsi modifié :

1° La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1233-4 est complétée par les mots : « assorti d’une rémunération équivalente » ;

2° Après l’article L. 1233-4, il est inséré un article L. 1233-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-4-1. – Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.

« Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur. L’absence de réponse vaut refus.

« Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu’au salarié ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n’est adressée est informé de l’absence d’offres correspondant à celles qu’il a accepté de recevoir. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 2, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

assorti

par le mot :

assortis

La parole est à M. Nicolas About.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, le débat n’avait pour moi d’intérêt que si nous obtenions l’assurance d’une navette avant l’été à l’Assemblée nationale. Cette assurance ne nous ayant pas été donnée, je retire l’ensemble de mes amendements, madame la présidente.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 2 est retiré.

L'amendement n° 7, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1233-4 est complétée par les mots : « dont la rémunération est au moins égale au salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 » ;

II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article L. 1233-4-1, il est inséré un article L. 1233-4-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233 -4 -2. - Par dérogation à l'article L. 1233-4 et sur demande écrite du salarié, adressée à l'employeur dans un délai de six jours à compter de la réception de la proposition mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 1233-4-1, l'employeur transmet par écrit au salarié les offres de reclassement situées en dehors du territoire national dont la rémunération est inférieure au salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2. Avec l'accord du salarié, son reclassement s'effectue sur un des emplois correspondant à ces offres. »

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 3, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

préalablement au licenciement

par les mots :

avant l'entretien prévu à l'article L. 1233-11 ou après la dernière réunion des représentants du personnel prévue aux articles L. 1233-29 et L. 1233-30

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 4, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

chacune des implantations

par les mots :

chacun des pays

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 5, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

1° Alinéa 4

Supprimer les mots :

, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.

2° Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées,

3° Alinéa 6, première phrase

Supprimer les mots :

et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer

Cet amendement a été retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux liquidations judiciaires. »

La parole est à M. Alain Gournac, pour soutenir l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Oui, madame la présidente. Quand je prépare un amendement, la plupart du temps, je le soutiens !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. J’ai la faiblesse d’appartenir à cette catégorie bizarre de sénateurs qui soutiennent les amendements qu’ils déposent…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je souhaite en fait obtenir une explication de M. le ministre : en cas de liquidation judiciaire, comment le liquidateur, seul habilité à procéder aux licenciements, pourra-t-il traiter le dossier en l’espace de quinze jours, alors que, dans le même temps, un délai de six jours est accordé à la personne licenciée pour manifester son accord ?

J’avoue que, si vous nous assurez que le liquidateur sera bien en mesure de respecter le délai de quinze jours et que le salarié pourra répondre au questionnaire en six jours, vous aurez toute mon attention…

Les spécialistes qui ont examiné cette question l’on répété tout au long de la semaine, le délai de six jours accordé au salarié pour répondre au questionnaire risque de conduire le mandataire à dépasser le délai de quinze jours suivant la liquidation judiciaire, et en conséquence à priver le salarié de la garantie de l’AGS, l’Association pour la gestion de la garantie des créances des salariés.

Autrement, pour respecter le délai légal de quinze jours, le mandataire risque d’être conduit à ne pas respecter la totalité des procédures. En ce cas, la condamnation à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, du fait du manquement à l’obligation de reclassement, sera à la charge de l’AGS.

Or, comme l’a dit le rapporteur tout à l’heure, tout le monde sait que l’équilibre financier de l’AGS est déjà particulièrement fragilisé du fait la situation économique actuelle ; nous devons être très attentifs à ne pas l’aggraver. Tel est le but de mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 6, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de liquidation judiciaire, le présent article ne s'applique pas. »

Cet amendement a été retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 1 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

La commission avait émis un avis favorable, mais il est vrai dans un autre contexte. Étant donné la situation, qu’a parfaitement résumée tout à l’heure Nicolas About, je ne peux pas me prononcer, à titre personnel, en faveur de cet amendement.

Mon avis, à titre personnel, est donc défavorable, mais je suis chargé de vous dire que la commission était plutôt favorable. Nous avions d’ailleurs prévu d’insérer une disposition similaire.

Je regrette, monsieur le ministre, que nous n’obtenions pas de précisions quant aux possibilités d’une autre lecture à l’Assemblée nationale. Je m’étonne que l’on ne soit pas en mesure de trouver ne serait-ce qu’une heure dans l’ordre du jour de nos collègues députés pour sécuriser ce texte, si du moins on l’estime nécessaire.

Vous pensez bien que ce n’est ni par amusement, ni dans le but de vous retenir ici que nous avons procédé à toutes ces auditions, mais bien pour apporter un « plus », comme le fait habituellement le Sénat dans l’examen de tous les textes législatifs qui lui sont soumis.

Nous avons essayé d’introduire des précisions utiles sur le plan juridique. Je pense qu’il est indispensable de connaître le point de vue du Gouvernement sur l’ensemble des propositions que nous avons faites. Or, monsieur le ministre, vous avez été un peu rapide dans la discussion générale, et il me semble nécessaire que nous vous entendions plus avant, tout en regrettant évidemment que l’on ne puisse pas procéder à une navette, même rapide.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur Gournac, concernant les règles de licenciement collectif, s’attaquer à ce sujet dans le cadre de l’obligation de reclassement à l’étranger reviendrait à porter notre attention sur une partie de la procédure qui ne concerne, au fond, que très peu de cas, 0, 1 % par rapport à l’ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Non, les liquidations judiciaires représentent entre 15 % et 25 % des licenciements économiques !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Les pourcentages que vous citez sont ceux du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. Je veux bien travailler ultérieurement avec ces professionnels sur la question, mais leur estimation ne reflète pas tout à fait la réalité.

Je trouve assez curieux que l’envoi du questionnaire ne soit réservé qu’à certains. Je ne vois pas pourquoi les salariés ne pourraient pas en bénéficier dans le cas que vous citez. Je sais bien qu’au fond cela ennuie les liquidateurs, qui n’ont pas envie de faire des courriers - telle est la réalité, mesdames, messieurs les sénateurs -, mais pourquoi, parmi la multitude des tâches qui incombent aux liquidateurs, celle-là ne figurerait-elle pas, si l’entreprise liquidée en France dispose de filiales ou d’autres implantations juridiques à l’étranger ?

Je comprends d’autant moins cette distinction que, comme je le disais tout à l’heure, cela pourrait faire l’objet d’un certain nombre d’abus pour éviter précisément d’avoir à faire des propositions décentes.

Non, mesdames, messieurs les sénateurs, sachant que les liquidations judiciaires sont très peu concernées, il est important que la même procédure s’applique dans tous les cas. Dans ces conditions, je serais ravi que vous retiriez votre amendement, monsieur Gournac.

M. Nicolas About s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

J’ai bien fait de participer à cette séance, qui se révèle fort intéressante…

Monsieur le ministre, je vais retirer mon amendement. Je ne veux pas créer de difficultés, car je souhaite comme vous que ce texte soit mis le plus rapidement possible à la disposition des salariés qui sont malheureusement licenciés.

Je regrette cependant que l’on ne puisse pas prendre en considération certaines améliorations, en particulier celle-là, qui présentait un réel avantage. Il s’agissait d’éviter le développement de procédures judiciaires en aval. Mais, puisque vous souhaitez un vote conforme, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 1 est retiré.

Je rappelle que l'amendement n° 8, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, était ainsi libellé :

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les reclassements intervenus, sans perte de rémunération pour les salariés, en application de l'article 7 de l'avenant n° 2002-02 du 25 mars 2002 portant rénovation de la Convention collective nationale du 31 octobre 1951, sur la base de la position occupée sur l'échelle ou la grille indiciaire au 30 juin 2003.

Cet amendement a été retiré.

Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. Je regrette la tournure prise par le débat, ce soir, même si nous ne soutenions pas les amendements proposés par notre collègue Nicolas About, dans la mesure où nous contestons sur le fond ce questionnaire. Je pense malgré tout que cela aura permis de démontrer que le texte, tel qu’il va être adopté, ce dont je ne doute pas, ne manquera pas d’être source de contentieux.

M. Nicolas About s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cela n’est pas forcément pour me déplaire, puisque cela laissera au moins la possibilité aux salariés confrontés à un licenciement économique de continuer à saisir les prud’hommes et, pourquoi pas, d’obtenir gain de cause. Car, ne nous y trompons pas, ce sont bien les licenciements économiques réalisés au nom du profit immédiat et à court terme, au détriment des femmes et des hommes qui produisent les richesses dans notre pays, ce sont bien ces licenciements économiques qui sont indécents et qu’il faut combattre, et non pas seulement les offres de reclassement faites aux salariés.

Nous voterons donc contre l’article unique qui constitue désormais la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne voudrais pas faire montre de mauvaise humeur à cette heure tardive, mais nous avons cet après-midi constitué le bureau d’une mission sénatoriale sur la désindustrialisation de nos territoires.

Je veux bien tout comprendre, mais que l’on m’explique, alors !

Finalement, le présent texte s’inscrit tout à fait dans l’actualité de ce qui se passe sur nos territoires, frappés par la désindustrialisation. Nous ne pouvons pas l’améliorer pour cause de navette impossible. Et nous sommes sous l’égide d’une Constitution qui a redoré les droits du Parlement…

Permettez-moi de vous dire que je suis assez inquiète pour la suite, et pas seulement au regard de notre travail de parlementaires, mais aussi en considération des salariés de notre pays.

J’entends Mme David nous dire qu’elle sera assez contente tout compte fait que ces salariés continuent de saisir les prud’hommes. Or, dans ma région, certains salariés de Moulinex – je les cite à chaque fois – sont encore devant les prud’hommes, alors que l’ancien dirigeant a bénéficié d’un énorme parachute doré, sans oublier que, dans cette même région, certains salariés victimes de l’amiante n’ont pas encore fait reconnaître leurs droits.

Donc, ce texte ne va rien améliorer du tout. C’est cautère sur jambe de bois, et, en ce qui me concerne, je ne le voterai pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Votre propos introductif ne m’avait pas déplu, monsieur Woerth. On y voyait un ministre qui se posait des questions !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Un ministre qui doute !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Ce texte allait-il constituer une source importante de contentieux ? Fallait-il instaurer une référence salariale française, par exemple le SMIC, dans les critères de reclassement à l’étranger ? La relative souplesse que cette proposition de loi tend à introduire ne risquait-elle pas de produire des effets pervers ? Autant de questions que vous avez à bon droit soulevées devant nous, et je ne crois pas avoir trahi le sens de votre propos.

Cependant, on peut s’interroger sur l’avenir de la démocratie parlementaire s’il nous faut systématiquement voter conformes toutes les propositions de loi issues de la majorité au Palais-Bourbon.

Si les textes élaborés à l’Assemblée nationale ne peuvent jamais revenir devant l’Assemblée nationale, à quoi sert le Sénat ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Pour éviter que nous ne nous quittions sur une note amère, je souhaiterais apporter quelques précisions qui viendront compléter utilement la position du Gouvernement sur les amendements et auront à ce titre pleine valeur juridique.

Exclamations désabusées sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le Gouvernement confirme tout d’abord que le terme « implantations » vise les pays, et non les sites.

Ensuite, sur l’absence de marque du pluriel, sachez qu’il ne s’agit pas d’une faute. Nous avons vérifié, la grammaire française ne s’y oppose pas.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C’est toute la beauté de la langue française !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. En conséquence, la « rémunération équivalente » s’applique bien à l’« emploi relevant de la même catégorie » comme à « l’emploi équivalent ». Je ne vous ferai pas un cours de grammaire, mais cette précision de fond me semble importante.

M. Nicolas About acquiesce

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Pour répondre précisément à M. le rapporteur, le questionnaire devra être envoyé après la première réunion du comité d’entreprise, car on ne saurait effectuer cette demande avant d’avoir évoqué les critères d’ordre de licenciement.

La rémunération, notamment la question du SMIC, constitue évidemment un aspect-clé du dispositif. Il me semble que nous avons le même objectif, monsieur About.

Je comprends qu’une circulaire ne vous satisfasse pas totalement, mais je vais tout de même en demander une, et je me propose de vous associer à sa rédaction, afin qu’elle soit parfaitement claire. Cette circulaire permettra de préciser le contenu du questionnaire, lequel sera ensuite déterminé par les entreprises et adressé aux salariés.

J’espère que toutes ces précisions contribueront à faciliter encore l’interprétation du présent texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est également favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du scrutin n° 194 :

Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

J’informe le Sénat que le projet de loi n° 427 (2009-2010), adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, dont la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 5 mai 2010 :

À quatorze heures trente et le soir :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat (420, 2009-2010).

2. Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Conseil économique, social et environnemental (395, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (416, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 417, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinq.