Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 4 mai 2010 à 21h30
Rémunération des salariés reclassés — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur :

Loin de clarifier et de simplifier la procédure, le texte risque donc de conduire, à cause de ces imprécisions, à une multiplication du nombre de contentieux.

Le troisième écueil tient, de l’avis formel du président du CNAJMJ, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, à l’inapplicabilité du texte aux cas de liquidation judiciaire.

Dans ces situations, qui représentent entre 15 % et 25 % de la totalité des licenciements économiques, le mandataire liquidateur dispose de quinze jours, ce qui est déjà peu, pour satisfaire à l’ensemble des obligations légales de l’employeur à l’égard des salariés licenciés.

Or le délai de six jours donné au salarié pour répondre au questionnaire empêchera, de fait, le liquidateur d’accomplir la totalité des démarches. Cela conduira presque systématiquement les salariés à contester juridiquement, et avec succès, la validité de la procédure suivie. L’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, devra alors payer les indemnités accordées, à ce titre, aux salariés.

Au moment où le Gouvernement cherche, à juste titre, – vous êtes d’ailleurs mieux placé que personne pour le savoir, monsieur le ministre ! – à mieux dépenser l’argent public pour contenir la dette, l’adoption de ce texte en l’état conduirait au gaspillage de plusieurs millions d’euros, voire de dizaines de millions d’euros, en raison de l’accroissement du nombre de licenciements économiques en ces temps de crise.

Le quatrième problème nous a été signalé par les syndicats de salariés, et je n’y suis pas insensible.

Ceux-ci ont fait valoir qu’un questionnaire dont les caractéristiques et le champ ne sont pas définis, comme c’est actuellement le cas avec la rédaction qui nous est proposée, pourrait permettre à un employeur de se dédouaner de son obligation de reclassement, en orientant le questionnaire de manière à limiter le plus possible les éventuels reclassements. Rien ne lui interdirait, par exemple, de poser au salarié la question suivante : « Accepteriez-vous un poste qui ne garantisse pas vos avantages actuels ? » On devine aisément les conséquences pour un salarié qui répondrait par la négative à cette question, alors que ce dernier n’aura sans doute pas pris conscience, à ce stade du processus, des enjeux de la situation.

Mes chers collègues, ces quatre difficultés ne me semblent pas mineures. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur les amendements tendant à remédier aux difficultés évoquées.

D’abord, si l’on veut vraiment mettre un terme aux scandales des offres indécentes largement relayées par les médias, il apparaît indispensable d’introduire un plancher salarial légal pour les offres de reclassement : l’employeur ne doit plus avoir ni l’obligation ni le droit d’adresser au salarié des offres de reclassement à l’étranger dont la rémunération est inférieure au SMIC. Cette mesure me semble simple, claire, et applicable directement en droit.

Néanmoins, il ne faut pas pour autant priver de possibilités de reclassement à l’étranger des salariés expatriés en France qui seraient prêts à travailler dans leur pays d’origine, même au prix d’une rémunération plus faible. Dans ce cas, s’il le demande lui-même par écrit à l’employeur, le salarié pourrait toujours recevoir des offres d’emploi à l’étranger dont la rémunération est inférieure au SMIC. Nous protégerions ainsi l’immense majorité des salariés et des employeurs contre l’obligation de recevoir ou d’envoyer des offres choquantes, tout en conservant la souplesse nécessaire pour les cas exceptionnels.

Ensuite, il est impératif d’assécher les sources inépuisables de contentieux du texte actuel. Il est donc proposé, conformément à la pratique de notre commission, de supprimer dans le texte les notions floues telles que les mots « notamment » ou « restrictions éventuelles » et de remplacer le terme « implantation » par le terme « pays », de manière que le terme employé corresponde effectivement au sens visé.

Enfin, il me semble difficile de ne pas tenir compte des remarques formulées quant à l’inapplicabilité du texte aux cas de liquidation judiciaire. Il faut donc prévoir que la procédure du questionnaire ne s’appliquera pas dans ces situations. Le président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires est bien sûr très favorable à cette solution.

Mes chers collègues, personne ne l’ignore à ce stade du débat, le Gouvernement préférerait que le Sénat n’adopte aucun amendement et vote le texte conforme, ainsi que l’a rappelé M. le ministre. Aussi, nous devons choisir entre l’urgence et le règlement au fond du problème. La question qui nous est donc posée ce soir est la suivante : vaut-il mieux adopter rapidement un texte, quitte à ce qu’il ne s’applique pas bien, ou, au contraire, élaborer un dispositif opérationnel et sécurisé, même si celui-ci n’entre en vigueur que dans quelques semaines ?

La commission, qui a émis un avis favorable sur les amendements, a considéré que, pour régler un problème très médiatique, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, et sur lequel le législateur et le Gouvernement sont attendus, il est dans l’intérêt de tous de traiter la difficulté au fond et de ne pas créer de fausses espérances.

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