Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 4 mai 2010 à 21h30
Rémunération des salariés reclassés — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

… même si ces salaires doivent effectivement être rapportés en termes de pouvoir d’achat. Comme le dit le MEDEF par la voix de sa présidente, Laurence Parisot, au sujet de ces propositions de reclassement, il est honteux, humiliant, sadique et inacceptable de formuler de telles propositions. Pour les salariés, concrètement, rien ne changera. Les propositions qui leur étaient faites dans ce contexte étaient de toute façon inacceptables et ne servaient donc à rien.

La proposition de loi de M. François Sauvadet, à laquelle notre collègue député du Tarn M. Philippe Folliot a beaucoup contribué, a fait l’objet d’un assez large consensus à l’Assemblée nationale. Dans le cadre de la proposition de reclassement auquel l’employeur est assujetti, par l’article L. 1233-4 du code du travail, elle prévoit que soit ajouté aux conditions déjà exigées le fait que celles-ci sont assorties d’une rémunération équivalente. Par ailleurs, dans un nouvel article L. 1233-4-1 est organisée la manière dont les possibilités de reclassement à l’étranger devront être proposées.

Ainsi, l’employeur devra demander par écrit au salarié s’il accepte de recevoir des offres de reclassement à l’étranger et sous quelles restrictions éventuelles, notamment en matière de rémunération et de localisation.

Si le salarié a manifesté un tel accord dans un délai de six jours, il pourra alors recevoir les offres de reclassement hors du territoire national qui seront écrites et précises, et qui devront tenir compte des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié restera libre de refuser ces offres.

Avec ce texte, on ne s’attaque donc pas au vrai problème que constituent les délocalisations dans les pays à bas salaires. Certes, on ne dira plus tout haut que nous avons affaire à des patrons voyous, mais ceux-ci pourront continuer à l’être !

Avec cette proposition de loi, on ne résout pas la question de fond qui est posée. Était-elle nécessaire du point de vue de l’éthique pour ne pas humilier les salariés par ces propositions indécentes ? Je n’en suis pas sûre.

Une fois de plus, monsieur le ministre, votre gouvernement et votre majorité ne font pas confiance aux juges. La Cour de cassation n’a pas eu encore à se prononcer sur la nature des propositions de reclassement qui devaient être faites aux salariés.

En d’autres termes, le juge suprême aurait pu se demander, par exemple, si les propositions de reclassement en Inde faites par Carreman de Castres étaient loyales et sérieuses, si notre droit permettait des propositions en dessous du salaire minimum.

C’est ce qu’a fait, voilà quelques jours, le conseil des prud’hommes de Lens en jugeant abusif le licenciement de six salariés dans l’entreprise Staff d’Hénin-Beaumont, invoquant notamment le manque de loyauté des offres de reclassement à l’étranger.

C’est d’ailleurs bien le sens que l’on peut donner à l’instruction de l’administration du travail du 23 janvier 2006 relative à l’appréciation des propositions de reclassement à l’étranger qui indiquait : « la proposition d’une entreprise concernant des postes au sein du groupe dans des unités de production à l’étranger pour des salaires très inférieurs au SMIC ne peut être considérée comme sérieuse. Ces propositions ne sauraient répondre aux obligations inscrites dans les articles L. 321-1 et L. 321-4-1 du code du travail ».

Ainsi, monsieur le ministre, vous ne croyez pas les juges capables d’interpréter la loi et de faire progresser le droit, ou alors vous craignez trop d’entendre des réponses qui ne seraient pas du goût des chefs d’entreprise. Le législateur est donc sommé, sans cesse, de remettre les règles de nouveau sur le métier pour éviter toute « supposée mauvaise » interprétation par les juges. C’est encore une fois un véritable dévoiement du rôle du législateur.

Finalement, il n’est pas certain que l’on n’aboutisse pas au résultat inverse de celui qui est escompté ! À vouloir tout prévoir, on crée de nouvelles confusions. Avec le texte qui nous est présenté aujourd’hui, c’est bien le cas.

Notre rapporteur a évoqué à juste titre les risques d’incertitude juridique que suscitait cette proposition de loi. Il a donc, dans un premier temps, rédigé un amendement destiné, selon lui, à donner une certaine sécurité au dispositif. Ayant été rejeté en commission, nous découvrons aujourd’hui son remplacement par sept amendements prédécoupés. Ils ne changent pas la philosophie de ce texte, mais il n’est pas sûr qu’ils ne le complexifient pas !

Surtout, il y a dans cette proposition de loi la poursuite par votre majorité d’une politique qui tend toujours à laisser seul le salarié face à son employeur.

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