Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 4 mai 2010 à 21h30
Rémunération des salariés reclassés — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

Simplement une lettre à chaque salarié qui, au surplus, n’a que quelques jours pour répondre. Pensez-vous sérieusement, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’un salarié puisse, en quelques jours, remettre toutes sa vie sociale et familiale en cause pour décider de partir ailleurs ?

Je peux vous le dire, car je suis confrontée à ce problème à Mazamet, où Valéo ferme une partie de ses activités sur le site et propose à ses salariés d’aller rejoindre une autre unité de l’entreprise en Belgique. En l’occurrence, pas de salaires dérisoires en cause, mais souvent toute une famille dans la tourmente !

Quant à la pratique des questionnaires, elle permet les mêmes dérives.

La négociation collective est essentielle. Or, depuis 2002, vous n’avez de cesse de la mettre à mal. Ainsi, à peine quelques mois après son retour au pouvoir en 2002, la majorité actuelle a supprimé tous les garde-fous que la loi de modernisation sociale avait instaurés, notamment le droit du comité d’entreprise de suspendre un plan de restructuration le temps d’obtenir toutes les informations nécessaires à la connaissance de la situation exacte de l’entreprise.

Sur le fond, cette aimable proposition de loi ne résout rien. Elle permettra essentiellement, pour les employeurs, de ne plus avoir à révéler les niveaux de salaires qu’ils appliquent dans les pays où ils délocalisent. La législation actuelle comporte en effet pour eux deux inconvénients majeurs : la condamnation financière lorsque les offres dans les pays à bas coût n’ont pas été présentées dans le cadre du plan de reclassement ; l’information des salariés licenciés et de l’opinion publique sur les niveaux de salaires pratiqués dans ces pays. On qualifie alors ces offres d’indécentes et d’humiliantes pour les salariés, et les conséquences sur l’opinion sont dévastatrices.

Le véritable scandale est pourtant que de tels salaires soient pratiqués, quel que soit l’endroit sur notre planète. Le véritable scandale réside dans les conditions de travail et de vie de ces salariés, l’absence de protection sociale, y compris contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, alors que c’est la première responsabilité de tout employeur, et cela se produit parfois même à l’intérieur de l’Union européenne. Il est bien évident que le patronat veut voir disparaître ces deux inconvénients.

La législation qui a été mise en place en 2002 par une autre majorité a conduit, sans que nous l’ayons voulu, il nous faut l’avouer, à ce que chacun soit mis en face des réalités économiques, de la valeur réelle du travail pour les multinationales.

Dans le même temps, l’INSEE nous apprend que le nombre de très riches en France, mais aussi dans le monde, augmente, et que ces très riches sont de plus en plus riches. Il ne faut pas s’en étonner puisque, si les prix de revient des biens et des services diminuent du fait des délocalisations, les prix de vente, eux, ne baissent pas. Où va donc la différence ? Chacun connaît la réponse.

Je voudrais terminer cette intervention sur une information intéressante que j’ai relevée ce matin dans le journal Les Échos, en page douze.

Vous vous souvenez certainement de la révolte des salariés de l’usine d’Échirolles voilà quelques mois, à l’annonce de la suppression de plusieurs centaines d’emplois par le groupe Caterpillar. Aujourd’hui, nous informent Les Échos, « Les Caterpillar s’unissent de l’Europe au Japon ». L’idée est de mettre en place un réseau syndical mondial dans l’entreprise et soixante-dix délégués syndicaux du monde entier se sont réunis en Isère jeudi dernier.

Que disent-ils ? « La restructuration nous a fait prendre conscience que nous ne défendons pas nos salariés de façon satisfaisante en étant privés de la force d’une étroite coopération syndicale au niveau international ».

C’est pourquoi, dans l’attente d’une meilleure organisation syndicale et d’une réelle négociation, nous condamnons, nous groupe socialiste, cette proposition de loi qui ne résout en rien le problème des délocalisations et ses conséquences sur l’emploi en France. Ce texte passe à côté des vrais problèmes de désindustrialisation de notre pays. Il est seulement destiné à donner bonne conscience au patronat. Nous voterons contre, car il s’agit pour nous de défendre les droits des salariés que vous malmenez.

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