Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 4 mai 2010 à 21h30
Rémunération des salariés reclassés — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article L. 1233-4 du code du travail impose à tout employeur envisageant le licenciement pour motif économique d’un de ses salariés de réaliser un effort de formation et d’adaptation au profit de celui-ci ou de lui proposer un reclassement au sein de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement doit, de surcroît, concerner un emploi relevant de la même catégorie, à défaut équivalent ou de catégorie inférieure si le salarié l’accepte.

La procédure de licenciement pour motif économique ne peut être mise en œuvre que si l’ensemble de ces efforts a été réalisé, sous réserve, pour l’employeur, d’avoir recherché et proposé de bonne foi au salarié un poste disponible.

Lorsque le reclassement obligatoire a été adopté en 2002, la volonté du législateur était d’offrir aux salariés une diversité de propositions en cas de licenciement. Malheureusement, chacun le sait, cette obligation légale a engendré des effets pervers, illustrés par de nombreuses affaires.

En effet, certains employeurs n’hésitent pas à proposer cyniquement à des salariés, sous couvert de légalité, un reclassement à l’étranger aux conditions salariales du pays d’accueil. Plusieurs sociétés, dans le cadre d’un plan de licenciement, ont ainsi proposé à leurs salariés d’être reclassés dans une filiale étrangère pour des salaires extrêmement bas.

Déjà, en 2005, une entreprise alsacienne avait proposé à ses salariés des postes en Roumanie rémunérés 110 euros par mois. Très récemment, le groupe Continental a proposé à six cent des mille cent vingt salariés licenciés de son site de Clairoix des postes d’opérateurs de production dans sa filiale en Tunisie pour un salaire brut de 137 euros par mois. Avant lui, Philips avait proposé à ses deux cent douze salariés de Dreux des postes en Hongrie pour 450 euros par mois. L’année dernière, une entreprise textile de Castres avait proposé à neuf salariés sur le point de subir un licenciement d’être reclassés en Inde, pour un salaire brut mensuel de 69 euros pour six jours de travail par semaine, l’assurance santé étant très généreusement prise en charge par l’employeur.

Ces exemples ne sont pas isolés et illustrent bien les difficultés de la jurisprudence à interpréter et faire appliquer l’obligation de reclassement de l’article L. 1233-4 du code du travail dans l’intérêt des deux parties, a fortiori lorsque cette obligation concerne une entreprise du groupe auquel elle appartient. On assiste véritablement à des divergences de jurisprudence, ce qui entretient une certaine confusion sur la portée de l’obligation de reclassement lorsque celui-ci concerne un poste à l’étranger et place le salarié et l’entreprise dans une situation d’insécurité juridique.

II est aujourd’hui impératif de corriger les effets d’une jurisprudence qui permet de faire des offres de reclassement abusives, de garantir aux salariés que les employeurs ne devront plus leur proposer des offres manifestement inacceptables.

Ces dernières années, les propositions de reclassements dits « exotiques » dans des pays à bas coûts de main-d’œuvre se sont répandues. D’autant que la seule contrainte pour l’employeur est de proposer un poste correspondant au même niveau de compétences du salarié ou, à défaut, à un niveau inférieur avec l’accord du salarié. Le code du travail ne fixe aucun critère concernant la rémunération.

À l’inverse, si l’employeur ne fait pas ces propositions de reclassement, alors qu’il existe des postes à pourvoir dans son groupe, il s’expose à des sanctions financières. La société Olympia a ainsi été condamnée en mai 2009 par la cour d’appel de Reims à verser 2, 5 millions d’euros à quarante-sept salariés pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie sur un poste payé 110 euros par mois.

La situation est donc devenue insupportable. La loi ne doit pas servir de prétexte à des propositions de reclassement à l’étranger indécentes et humiliantes. D’autant que, sous l’effet de la crise économique, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi est passé de 1 061 en 2008 à 2 242 en 2009. Au total, 265 700 licenciés économiques ont rejoint les listes de chômeurs inscrits à Pôle emploi l’année dernière. Ces plans sociaux ont souvent accompagné la fermeture d’usines ou de sites.

Certains de mes collègues du RDSE avaient d’ailleurs, en juillet dernier, déposé une proposition de loi visant à encadrer l’offre préalable obligatoire de reclassement d’un salarié faisant l’objet d’un licenciement pour motif économique.

La difficulté juridique est d’autant plus importante que sont en jeu les conditions de vie de salariés confrontés à l’épreuve d’un licenciement et au cynisme d’employeurs parfois indélicats. Il appartient par conséquent au législateur d’encadrer ces situations, de mettre fin aux divergences jurisprudentielles et d’inscrire définitivement dans la loi les limites qui s’imposent aux employeurs.

Bien que sa rédaction ne soit pas pleinement satisfaisante d’un point de vue juridique, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui permettra – nous le pensons profondément – de mettre un terme à la situation intolérable des salariés confrontés à un licenciement économique et à une proposition de reclassement dans un pays parfois lointain avec un salaire scandaleusement faible. Il était nécessaire de légiférer. Ce texte, bien qu’il soit imparfait, apporte de nouvelles garanties aux salariés et offre une meilleure visibilité juridique aux employeurs.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi.

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