Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 13 décembre 2017 à 14h30
Réhabilitation de la police de proximité — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

… visait à mettre en place une police chargée de garantir « des villes sûres pour des citoyens libres ».

Malheureusement, le travail du gouvernement de l’époque a été balayé par la logique du tout-sécuritaire qui a prévalu lorsque Nicolas Sarkozy est devenu ministre de l’intérieur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, puis, plus tard, Président de la République.

Pourtant, les premiers jalons de cette politique publique avaient été posés par un gouvernement de droite. C’est Charles Pasqua qui a conféré pour la première fois une valeur normative à la police de proximité, en précisant que « la police doit redevenir une police de proximité présente sur la voie publique, plus qu’une police d’ordre ». Or il n’est pas allé jusqu’au bout de cette logique. Aucune transformation d’ampleur de l’organisation de la police et des modes de travail n’était présente dans la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

Il a donc fallu attendre le gouvernement Jospin pour que cette transformation entre pleinement dans les faits, avec une doctrine qui reposait sur les cinq principes suivants, dont j’espère qu’ils nous rassembleront : une action ordonnée autour de territoires bien identifiés ; un contact permanent avec la population ; une polyvalence accrue qui conduisait à demander au policier de proximité d’exercer, sur son territoire, la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire ; une clarification des rôles qui reposait sur la désignation, pour chaque secteur ou quartier, d’un responsable identifié poursuivant des objectifs précis ; enfin, un service efficace et de qualité rendu à la population sur des plages horaires adaptées, avec un accueil et une aide aux victimes améliorés.

Cette démarche a constitué un modèle pour la réforme de l’État en général. Les conditions de sa mise en œuvre ont en effet révélé un souci d’expérimentation, d’évaluation et de généralisation progressive. Lancée au printemps 1999 dans cinq sites pilotes, la police de proximité a été étendue à partir du mois d’octobre de la même année à 62 circonscriptions sensibles. À la fin mars 2000, date des Assises de la police de proximité, la réforme était en phase de généralisation.

Pendant cette période, l’image de la police s’est améliorée. Hélas ! on n’a pas laissé le temps à cette politique de se développer correctement sur l’ensemble du territoire. La culture du résultat mise en place par la suite a balayé les effets bénéfiques que pouvait porter cette réforme.

Je le répète, la police de proximité a toujours veillé à maintenir un équilibre entre les fonctions préventives et répressives de la police. Elle n’a jamais entendu opposer prévention et répression.

En commission, M. le rapporteur a fait référence au quatrième rapport d’évaluation de la police de proximité, qui date du 20 avril 2001. Je profite de mon intervention pour le remercier de me l’avoir transmis. Sa consultation m’a permis de constater que, malheureusement, l’usage qui a été fait de ce document ne permet pas vraiment d’apporter des éléments objectifs au débat.

Je regrette, effectivement, que le rapporteur ait appuyé sa dénonciation d’une politique, pourtant analysée comme positive par de nombreux spécialistes, sur un rapport peu complet qui est intervenu seulement deux ans après la mise en place de la police de proximité et n’a pas permis d’évaluer celle-ci sur la durée. Permettez-moi de citer Sebastian Roché, sociologue et expert des questions de police, auditionné voilà quelques jours par le groupe socialiste et républicain : « S’appuyer sur un rapport qui n’a qu’un temps d’observation réduit relève plus de la poésie que de l’évaluation scientifique. »

En allant au-delà du rapport cité, lequel comporte par ailleurs des préconisations intéressantes qui ne vont pas toutes dans le sens souhaité par M. le rapporteur, les enquêtes montrent qu’une grande partie de l’accroissement de la délinquance à cette période est due à son augmentation importante dans les zones de gendarmerie, et non dans les zones de police.

Or les zones de gendarmerie ne sont pas concernées par la mise en place de la police de proximité. L’augmentation que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur, ne peut donc être imputée de manière automatique à la mise en place de la police de proximité.

Certes, la police de proximité n’a pas permis de faire baisser significativement la délinquance, il faut le reconnaître. Néanmoins, son application durant un temps si court et son évaluation avec des outils parcellaires ne nous permettent pas de tirer des conclusions hâtives et, surtout, définitives.

Cela pose également la question de la faible qualité des outils permettant au ministère de l’intérieur d’évaluer ses politiques. Mais n’ouvrons pas ce débat, même s’il ne manque pas d’intérêt. Je le résumerai en citant le titre 2.4 de ce rapport : Des résultats statistiques encore peu significatifs.

Mais il y a d’autres chiffres qui, eux, sont incontestables. Il convient de rappeler que, par la suite, notre appareil sécuritaire a été considérablement affaibli, au nom d’une conception purement comptable de la protection des Français. Plus de 13 000 postes ont été supprimés dans les deux forces, entre 2007 et 2012.

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