Intervention de Alain Marc

Réunion du 13 décembre 2017 à 14h30
Réhabilitation de la police de proximité — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Alain MarcAlain Marc :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, depuis plusieurs décennies, la lutte contre l’insécurité et la délinquance de masse qui contaminent certains territoires est au cœur des politiques de sécurité intérieure.

La police de proximité, surnommée la « polprox », fut lancée en octobre 1997 lors du colloque de Villepinte. Cette mission confiée à la police nationale avait pour objectif principal un maintien de l’ordre basé sur la prévention, notamment dans les quartiers difficiles où elle était chargée d’apaiser les tensions avec la population.

Un an plus tard, elle fut enterrée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur. Le même, devenu Président de la République, décida en 2008 de créer un nouveau dispositif qui ressemblait à la police de proximité : les unités territoriales de quartier, instaurées par Michèle Alliot-Marie, dont l’objectif premier était d’« entretenir le contact avec la population ».

Ces dernières furent remplacées en 2010 par les brigades spécialisées de terrain, sous l’impulsion de Brice Hortefeux, qui en a fait des unités d’intervention dans des zones sensibles, avec pour mot d’ordre la patrouille de terrain.

Enfin, à l’automne 2012, furent lancées les zones de sécurité prioritaires, qui sont aujourd’hui au nombre de 80 et dont l’objectif est d’assurer une sécurité de proximité dans les zones les plus sensibles.

Qu’il s’agisse de la mise en place d’une police de proximité, de la création des unités territoriales de quartier ou encore des brigades spécialisées de terrain, toutes répondaient en effet au même objectif : mieux répondre aux besoins du terrain.

Toutefois, force est de constater que la multiplication des dispositifs policiers n’a pas permis d’enrayer le cercle de la délinquance, qui se maintient à un niveau hélas ! élevé.

Ainsi, l’évaluation qui peut être faite de ces divers dispositifs mis en place à grand renfort de publicité, au gré des ministres de l’intérieur, devenus, pour certains, Premier ministre, voire Président de la République, nous laisse dubitatifs, perplexes, vu les résultats peu probants. Cela doit nous inviter à beaucoup d’humilité, mais aussi à une volonté farouche de juguler cette délinquance.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui a été déposée en septembre dernier, vise à réhabiliter la police de proximité. Elle entend étendre à l’ensemble du territoire une police de proximité formée spécifiquement, et engager une réflexion sur la réorganisation administrative de la police nationale, dans l’objectif de créer une direction générale de la police de proximité au sein du ministère de l’intérieur, un décret en Conseil d’État devant en préciser les missions et l’organisation.

Ce texte appelle un certain nombre de remarques, tout d’abord sur le calendrier dans lequel son examen s’inscrit, ensuite sur l’exposé des motifs, et, enfin, sur le dispositif lui-même.

En premier lieu, l’examen de ce texte intervient avant même l’achèvement du processus de consultation lancé par le Gouvernement sur le projet de la PSQ. En octobre dernier, Emmanuel Macron a confirmé la prochaine mise en place d’une « police de sécurité du quotidien », l’une de ses principales promesses de campagne dans le domaine de la sécurité. Il veut que la réforme de la PSQ soit « concomitante avec celle de la procédure pénale et de la justice », pour la doter d’« instruments adaptés à la réalité du terrain ».

Pour l’heure, si les contours de cette réforme restent très flous, Emmanuel Macron a indiqué qu’il s’agissait de « retisser avec les associations [et] les élus locaux […] des formes d’action rénovées », après une année marquée par des accusations de violences policières, notamment, en février dernier, l’affaire d’Aulnay-sous-Bois, et d’attaques de membres des forces de l’ordre.

La police de sécurité du quotidien vise, selon lui, à replacer « le service du citoyen au cœur du métier de gendarme et de policier », notamment pour « lutter contre les délits, les nuisances, les incivilités ressenties au quotidien ». L’objectif serait – j’emploie toujours le conditionnel, pour respecter l’obligation d’humilité que j’évoquais au début de mon propos – de « lutter contre tout ce qui fait naître […] les sentiments d’insécurité » et « qui [donne] l’image de l’impuissance publique ».

La PSQ doit être expérimentée dans une quinzaine de sites au début de 2018. En réponse à ce que disait Mme la ministre, j’ajoute que la police de proximité que représente la gendarmerie nationale est installée sur l’ensemble du territoire rural, même si, dans ces zones, on ne connaît pas la même délinquance. La gendarmerie est très proche des citoyens et, désormais, des élus, grâce aux dernières recommandations du directeur général de la gendarmerie nationale, même si, je le répète, j’ai conscience que la problématique de la délinquance n’est pas la même dans ces zones que celle qui prévaut dans les grands ensembles.

En second lieu, en ce qui concerne l’exposé des motifs, il paraît choquant que celui-ci insiste autant sur les bavures policières, qui demeurent très exceptionnelles – nous l’avions constaté, voilà quelques mois, lors de l’examen d’une proposition de loi –, alors que les forces de sécurité intérieure font l’objet, au quotidien et depuis plusieurs années, d’une recrudescence d’outrages et d’actes de violence, qui contribuent au mal-être de leurs agents et nuisent à l’efficacité de leur action. Je souhaitais le souligner.

En dernier lieu, le rapporteur l’a indiqué, cette proposition de loi soulève des difficultés juridiques certaines. D’une part, la majorité des dispositions du texte relèvent non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire ; d’autre part, certaines dispositions de la proposition de loi paraissent susceptibles, en raison de leur faible normativité, d’être jugées contraires à la Constitution.

Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas en faveur de cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion