Intervention de Yvon Collin

Réunion du 14 décembre 2017 à 10h30
Procédure de législation en commission — Adoption d'une proposition de résolution dans le texte de la commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, en d’autres circonstances, l’annonce d’une proposition de modification de notre règlement précédant une réforme constitutionnelle aurait pu paraître incongrue. La logique voudrait en effet qu’on adapte le règlement aux modifications introduites par des lois constitutionnelles ou organiques, plutôt que l’inverse.

Pourtant, dans le contexte d’un affaiblissement institutionnel continu du Parlement face à l’exécutif, et à l’approche de la prochaine révision constitutionnelle, cette démarche est la bonne.

Les députés emboîtent également le pas, après la publication, hier, du compte rendu des groupes de travail sur la réforme du fonctionnement de l’Assemblée nationale. Leur proposition n° 6, intitulée : « Simplifier l’examen des textes les plus consensuels en prévoyant un examen uniquement en commission », reconnaît d’ailleurs explicitement l’avancée de la réflexion sénatoriale en la matière. Les hommages venant de cette assemblée sont suffisamment rares pour être soulignés…

C’est pourquoi nous soutenons la proposition de résolution du président Larcher, qui illustre la capacité d’initiative de la Haute Assemblée et notre volonté de prendre une part active à l’élaboration de la future réforme constitutionnelle.

Près de dix ans après la dernière modification de la Constitution et plus de vingt-cinq ans après la publication d’un rapport du Conseil d’État condamnant les « bavardages » de la loi, les critiques contre le Parlement n’ont guère évolué.

Le renforcement des commissions permanentes dans la procédure législative n’a, à l’évidence, pas permis d’en faire disparaître les causes, comme nous l’anticipions à l’époque. Je pense notamment à l’inversion de la règle à la suite de laquelle le texte examiné en séance publique est le texte adopté en commission, et non plus le texte initial.

Face aux successives tentatives de rationalisation de la procédure législative, notre position est toujours restée constante : elle consiste à rappeler le rôle déterminant joué par le Parlement en faveur des libertés et du progrès social, en particulier sous la Troisième République, une référence à laquelle nous sommes, comme vous le savez, très attachés. Je reste, à titre personnel, fermement attaché à l’idée d’un Parlement fort, contre-pouvoir nécessaire à l’exécutif, ce qui n’est pas trop le cas aujourd’hui.

Or, derrière la volonté de rationaliser l’activité parlementaire, hier en réduisant les pouvoirs d’initiative et d’amendement des parlementaires, demain en limitant peut-être leur nombre, se cache souvent un antiparlementarisme qui n’ose pas dire son nom.

Comment expliquer, sinon, que l’on continue de réduire le temps des débats parlementaires, jugés trop lents, sans réduire en même temps les délais d’adoption des décrets d’application ? De même, comment expliquer que l’on contraigne notre droit d’amendement pour lutter contre l’inflation législative, alors qu’une part considérable des articles additionnels adoptés en séance sont d’origine gouvernementale ?

Il est pourtant évident que le premier obstacle à la qualité du travail parlementaire est notre difficulté à bénéficier, au même titre que le Gouvernement, de l’expertise de l’administration. En particulier, les rapports des inspections générales nous sont quasi inaccessibles, quand bien même nous apprenons leur existence.

Dans son dernier rapport d’activité, le Conseil d’État constate également la faible qualité des études d’impact annexées aux projets de loi. Cela ne fait en réalité que confirmer que la loi organique du 15 avril 2009, relative notamment à l’application de l’article 39 de la Constitution, est inopérante.

À bien des égards, il semble que les parlementaires soient devenus les fusibles d’un régime de gouvernance qui apparaît à la croisée des chemins, condamnés à porter la responsabilité de dispositions législatives sur lesquelles ils ont de moins en moins de prise.

La procédure de législation en commission vise à lutter davantage contre les effets que contre les causes des excès du parlementarisme rationalisé : elle risque d’agir comme un cautère sur une jambe de bois…

Elle n’a pas vocation à être fréquemment utilisée, en raison du maintien du droit de veto des présidents de groupe, comme cela a été rappelé. La précision est nécessaire : il s’agit d’éviter que, à l’avenir, une majorité sénatoriale moins respectueuse que l’actuelle des droits des groupes minoritaires et d’opposition ne puisse détourner cette procédure au profit d’un passage en force.

L’ouverture de la possibilité d’appliquer l’examen en commission à des parties de texte pose également problème. Elle n’a pas été soumise à l’expérimentation, et nous considérons qu’il serait peut-être plus sage de supprimer cette faculté, dans un premier temps.

De même, les règles de publicité les plus strictes devront être effectivement appliquées à la commission, où l’essentiel des débats se tiendra, dès lors que la séance publique sera réduite à un simple rôle cérémoniel.

Conformément à l’esprit de liberté qui est l’essence du groupe du RDSE, et dont nous sommes très fiers, plusieurs amendements ont été déposés par notre collègue Joël Labbé, qui propose d’étendre nos débats à la question d’une meilleure association des citoyens à nos travaux législatifs. Quelles que soient nos positions sur le sujet, ses propositions ont le mérite de montrer que certaines attributions que l’on voudrait donner à la chambre du futur sont déjà mises en œuvre au Sénat.

En définitive, le groupe du RDSE soutient totalement la démarche de modernisation de la procédure législative, tout en restant, monsieur le président de la commission des lois, prudent sur le fond.

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