Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 14 décembre 2017 à 10h30
Procédure de législation en commission — Adoption d'une proposition de résolution dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Madame la présidente, monsieur le président et rapporteur de la commission, mes chers collègues, en 2015, une très large majorité du Sénat a voté l’expérimentation de ce qui était alors la procédure d’examen en commission, jusqu’au 30 septembre dernier.

L’objectif d’affaiblissement du pouvoir législatif – car il vous faudra bien un jour sortir des faux-semblants et admettre que c’est de cela qu’il s’agit ! –, un objectif prôné sans ambages par le nouveau Président de la République lors de son discours de Versailles du 13 juillet dernier, n’apparaissait pas encore dans toute son ampleur.

Depuis des années, la volonté est pourtant à l’œuvre de réduire la prérogative essentielle, selon nous, du Parlement : débattre de la loi, en prenant le temps de le faire, pour que l’intervention législative ne relève pas du simple travail d’enregistrement.

Notre combat, sur les travées du groupe CRCE, a toujours visé à préserver le droit à la parole, notamment, bien entendu, celui de l’opposition, sans laquelle le mot « démocratie » se vide de son sens ; mais aussi à empêcher que les assemblées parlementaires, dont la vocation même est d’être le législateur – ou plutôt la législatrice –, ne se transforment, j’y insiste, en vulgaires chambres d’enregistrement.

Alors que se termine le débat budgétaire, moment essentiel de l’année parlementaire, peut-on sans rougir affirmer que les droits du Parlement ont été maintenus ces dernières années ?

Peut-on continuer à berner nos concitoyennes et concitoyens en leur laissant à penser que la loi de programmation des finances publiques, non seulement d’inspiration européenne, mais transcription directe des directives de la Commission de Bruxelles, le traité budgétaire signé par M. Sarkozy et Mme Merkel et validé par François Hollande et la déclinaison de cet encadrement européen dans la Constitution – l’article 40 radicalisé par la LOLF – n’ont aucune incidence sur la réalité du pouvoir parlementaire ?

Aujourd’hui, M. Macron veut impulser une nouvelle étape ; il pousse à l’accélération des débats, à la réduction de la durée de la session législative, à la législation en commission, enfin.

Faisant mine de flatter le Parlement, il vante les mérites du pouvoir de contrôle des assemblées. Mais cette petite musique, celle du comité Balladur, qui rendit ses travaux sur la réforme des institutions voilà dix ans, fait perdre de vue l’essentiel : notre système démocratique, qui puise sa source – faut-il le rappeler ? – dans l’élan révolutionnaire de 1789, la force du Contrat social de Rousseau ou L ’ Esprit des lois de Montesquieu, c’est de conférer le pouvoir législatif aux représentants du peuple !

Notre opposition constante à la Constitution de 1958 trouve sa source dans l’affirmation du pouvoir présidentiel face au pouvoir législatif. Or, depuis le constat du « coup d’État permanent » dressé par François Mitterrand, la situation s’est aggravée au détriment des assemblées. En effet, l’inflation législative, la déferlante des normes européennes mêlant technicité et réformes essentielles et la montée en puissance du Conseil constitutionnel affaiblissent année après année le pouvoir des assemblées.

La révision constitutionnelle de juillet 2008 nous a fait franchir un pas important, par exemple en instaurant le discours du Congrès de Versailles, mais surtout en s’attaquant franchement au droit d’amendement. Ainsi, c’est depuis cette révision que le crédit-temps, véritable « 49-3 parlementaire », a été instauré à l’Assemblée nationale ; depuis lors, l’élaboration des textes au Palais-Bourbon a notablement perdu de sa substance.

La qualité du travail législatif s’y est à tel point détériorée que, jusqu’à présent, le Sénat, chambre élue indirectement par un collège de moins de 170 000 électeurs – faut-il le rappeler ? –, pouvait apparaître comme le gardien d’un travail législatif sérieux et surtout pluraliste.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion