Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition de résolution du président du Sénat visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission, la phase d’expérimentation étant parvenue à son terme.
Comme l’a indiqué notre collègue Hervé Marseille, cette expérimentation a été rendue possible par une disposition introduite par la révision constitutionnelle de 2008 et mise en application grâce à la loi organique du 15 avril 2009, qui dispose que le droit d’amendement des parlementaires « s’exerce en séance ou en commission ».
Le texte qui nous est soumis tend à pérenniser la procédure de législation en commission en introduisant de surcroît une innovation, à savoir la possibilité d’examen partiel d’un texte selon cette procédure. En effet, un certain nombre de textes comportent une partie strictement politique, qui mérite d’être débattue en séance publique, et une partie plus technique, dont l’examen pourrait se dérouler en commission.
Cette proposition de résolution vise donc à renforcer l’efficacité parlementaire. Elle doit également, selon moi, être considérée comme une occasion de renforcer l’initiative parlementaire : sachant que la discussion des propositions de loi dans le cadre des niches réservées à chaque groupe s’effectue dans un laps de temps très contraint, des textes plus fournis et plus techniques pourraient être présentés si les présidents de groupe s’accordaient pour qu’un certain nombre de propositions de loi ne soient examinées au fond qu’en commission.
On peut aussi imaginer que la législation en commission puisse être utilisée en matière de transposition de directives européennes, domaine dans lequel nous avons du retard à rattraper, ou de mise en conformité rapide de lois avec des engagements conventionnels. Il s’agit en effet parfois de textes très techniques qui, pour cette raison, ne font guère l’objet de débats en séance publique.
Pour autant, nous sommes tous très attachés au temps législatif, qui permet de faire prévaloir la réflexion sur l’émotion et de sécuriser les citoyens. S’il importe de pouvoir agir rapidement quand cela est nécessaire, sachant que le dispositif proposé comporte des sécurités, il convient également d’assurer, grâce à un temps législatif raisonnable, un examen approfondi de la plupart des textes. Cela correspond à la vocation du bicamérisme.
D’autres grandes démocraties, telles que l’Italie, les États-Unis ou le Royaume-Uni, ont expérimenté ce que nous nous apprêtons à mettre en œuvre. Les expériences de ces pays font apparaître que les groupes parlementaires sont capables de se mettre d’accord pour examiner un certain nombre de textes selon une procédure fast track, ce qui permet finalement une bonne négociation sur le fond des textes.
Il faudra cependant veiller à parer à certains risques : un lobbying moins transparent, une publicité moindre des débats, un risque d’inflation législative s’il est recouru trop souvent à cette procédure. Nous devrons donc être vigilants, mais l’existence de ces risques ne doit pas nous conduire à ne pas soutenir la présente initiative. En effet, les droits de l’opposition et les droits garantis par la Constitution à chaque parlementaire sont respectés. À cet égard, le droit de veto accordé aux groupes politiques est essentiel pour éviter toute dérive.