Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’application de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui a érigé le racolage en délit, ne peut nous laisser indifférents, comme vient d’ailleurs de l’exposer longuement Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, délégation dont je suis membre également.
Cette question nous renvoie à des valeurs profondes que nous soutenons avec vigueur au sein de l’UMP : la dignité et la valeur de la personne humaine. Car, ne nous y trompons pas, la traite des êtres humains en vue de la prostitution est incompatible avec de telles valeurs !
Les femmes, dans la prostitution, sont considérées non pas comme des criminelles qu’il faudrait poursuivre ou punir, mais comme des victimes qu’il faut protéger. C’est d’ailleurs tout le sens de la convention de l’ONU de 1949, que la France a ratifiée voilà soixante ans, afin de réprimer la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui.
La convention ne juge, ni ne pénalise, les victimes de la traite et de la prostitution, mais elle prône la répression de celui qui « embauche, entraîne ou détourne » autrui en vue de la prostitution, même si la personne est consentante.
La prostitution peut apparaître, à bien des égards, comme la plus douloureuse et la plus extrême de toutes les formes d’exclusion sociale dont sont victimes non seulement les femmes, mais également les hommes. Elle concerne essentiellement des femmes en grandes difficultés sociales, parfois en situation de surendettement, qui trouvent dans la pratique de la prostitution un moyen de subsistance et/ou, parfois, de financement de leur toxicomanie. Cette activité est souvent vécue comme une solution de dernier recours.
C’est le respect de l’être humain, en particulier le respect de son corps, qui est ignoré et bafoué dans la prostitution. Il est piétiné de la façon la plus abjecte par le proxénétisme lorsque des femmes ou des enfants sont violés, intimidés, battus, drogués ou réduits à l’esclavage. À nos yeux, il s’agit là d’une forme de crime organisé.
Ayons des mots simples : dans ces conditions, les personnes prostituées sont des victimes, et les proxénètes sont des criminels ! Ayons le courage de le reconnaître ! Peut-être d’ailleurs les femmes le comprennent-elles mieux. Lorsque j’entends dire qu’il y aurait des prostituées libres par opposition aux prostituées esclaves, je me demande dans quel monde nous vivons !
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes tous convaincus de la priorité absolue de la lutte contre le proxénétisme.
La création, par la loi de 2003, d’une nouvelle incrimination de la traite des êtres humains, ainsi que des mesures d’éloignement de l’étranger coupable de faits de proxénétisme, a apporté des moyens juridiques incontestables pour mieux combattre l’internationalisation du phénomène.
L’application de la loi est différente à Paris, Nancy, Nice ou Clermont-Ferrand. Elle dépend de l’appréciation de l’acte de prostitution par la municipalité, la police, les magistrats du parquet et du siège et, quelquefois, même, les résidents du quartier.
Nous avons choisi d’adopter un système consistant non pas à sanctionner ou réglementer la prostitution en tant que telle, mais à réprimer le proxénétisme, en attendant de l’éradiquer par des politiques sociales de prévention et de reclassement des victimes.
Pourtant, depuis 2003, comme Michèle André l’a rappelé, « Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ».
Cependant, même si l’application de cette loi ne donne pas des résultats parfaits, nous devons constater que ce texte permet des avancées.
Quelle situation curieuse que celle de notre pays qui, avant 2003, traitait les proxénètes d’esclavagistes des temps modernes et en tirait la conclusion que l’exposition du « produit » sur le trottoir ne devait être ni une contravention ni un délit ! Pardonnez-moi d’employer le terme de « produit », mais c’est ainsi que les proxénètes désignent les prostituées !
Le seul moyen de sortir de cette situation toutes ces malheureuses femmes amenées en France, sous couvert d’intentions, était donc de pénaliser le racolage, qu’il soit actif ou passif, et de les raccompagner chez elles, dans le pays où elles ont leur famille, leurs repères et leurs racines, à condition bien sûr qu’elles n’y soient pas en danger.
Il est primordial que la société, dans son ensemble, prenne conscience du fait que la prostitution du xxie siècle utilise et détruit des femmes et des enfants arrivés sur notre territoire avec l’espérance d’une vie libre. Je pense à ces personnes venues d’Afrique ou des pays de l’Est qui sont soumises, pour la plupart, à des réseaux de traite des êtres humains.
Certes, des organisations comme le National Council for Women-Egypt, dont Mme Moubarak est la présidente, mènent des actions très importantes contre la traite des êtres humains, mais ce n’est pas encore suffisant.
Les personnes dont je parle n’ont, la plupart du temps, aucun contact avec nos concitoyens, aucun contact avec les structures médico-sociales. Certaines sont originaires de pays où existent des foyers endémiques de pathologies telles que la tuberculose, les hépatites et le VIH.
Il est donc indispensable de mettre en évidence le rôle des travailleurs sociaux des services spécialisés et celui des associations qui recueillent les premières confidences de victimes sur l’existence d’un trafic, notamment. Ces associations engagent aussi des actions de prévention auprès des familles dont l’un des proches – un enfant majeur, ou parfois mineur, une belle-fille, une sœur ou l’une des amies - a une activité prostitutionnelle. Elles apportent également une aide dans la création de projets d’insertion sociale et professionnelle.
Monsieur le ministre, ma question est double.
En 2003, le ministre de l’intérieur avait pris la décision de doubler les moyens de l’OCRTEH, l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, afin de renforcer la lutte contre le proxénétisme. Je souhaiterais que vous nous dressiez le bilan de cette initiative courageuse.
Alors que la « lutte contre les violences faites aux femmes » a été décrétée grande cause nationale pour l’année 2010, pouvez-vous nous rappeler l’ensemble des actions mises en place à ce jour par le Gouvernement pour lutter contre les fléaux que sont la prostitution, les violences et les mutilations ?