Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme André d’avoir pris l’initiative de ce débat sur la prostitution, fléau contre lequel il faut lutter.
Le trafic en vue de la prostitution est devenu une industrie très lucrative, qui suscite l’intérêt des mafias du crime. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, la multiplication des réseaux de proxénétisme a été le corollaire de la mondialisation et de l’ouverture des frontières.
Ces activités clandestines engendrent des profits colossaux pour ceux qui les organisent. En 2002, le chiffre d’affaires annuel de la prostitution était de 60 milliards d’euros sur le plan mondial et de 10 milliards d’euros à l’échelon européen. En France, 70 % de ces profits allaient aux proxénètes.
Au sein de ces réseaux, les personnes prostituées, majoritairement des femmes, mais également des hommes, subissent chaque jour harcèlement moral et physique, violences, viols et parfois même tortures.
Cette recrudescence de la prostitution s’accompagne d’un vaste mouvement de sexualisation de notre société, avec l’explosion de l’industrie du sexe, la libéralisation des mœurs, ainsi que l’arrivée de nouvelles technologies, dont internet. Ces évolutions favorisent le développement et une certaine banalisation de la prostitution sous toutes ses formes.
Aujourd’hui, comme l’ont déjà précisé certains de mes collègues, on peut constater que les conditions de vie des femmes et des hommes prostitués, déjà très préoccupantes auparavant, se sont dangereusement dégradées.
La politique des pouvoirs publics, notamment la mise en place de dispositifs discriminants, aggrave cette situation. La création du délit de racolage passif a, par exemple, poussé les personnes prostituées à s’éloigner des centres-villes pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Il en résulte une exposition accrue aux violences et des conditions sanitaires et sociales toujours plus inacceptables.
La précarisation de leurs conditions de vie rend ces femmes et ces hommes de plus en plus dépendants financièrement de leurs clients et, par là même, des exigences de ces derniers. Ils sont, par exemple, beaucoup moins susceptibles d’imposer la pratique de rapports protégés. Ce sont donc plus de dix ans de lutte et d’actions de prévention contre le sida et les infections sexuellement transmissibles qui se trouvent aujourd’hui remis en cause.
Cette situation générale a également une incidence sur le travail des associations, qui constituent le principal vecteur de la politique de prévention auprès des personnes prostituées. Elles font part de difficultés croissantes à établir le contact avec ces dernières, qui sont bien moins réceptives aux campagnes de sensibilisation dispensées sur le terrain, du fait, justement, de la précarisation de leurs conditions de vie.
Il faut ajouter à ce problème l’insuffisance cruelle des moyens accordés à ces associations, qui ne leur permet pas d’établir un véritable lien avec les prostituées, et encore moins de mettre en place un authentique suivi.
Pourtant, la prévention doit jouer un rôle central dans la lutte contre la prostitution. Elle apporte à des personnes qui en ont besoin un soutien et une aide qui leur permettent, parfois, de quitter le cercle vicieux de cette activité.
Il est donc nécessaire que nous, législateurs, mettions en place, en France, une véritable politique de prévention en la matière, qui devra être menée avec l’ensemble des acteurs concernés – décideurs politiques, partenaires sociaux, associations, éducation nationale –, mais aussi avec les citoyens eux-mêmes.
Une telle prévention devrait se faire de deux façons.
En amont, il convient de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes auprès de l’ensemble des citoyens français, en commençant par l’école, et de lutter contre le sexisme et toutes les formes d’asservissement de la femme, qui constituent un terrain fertile pour la prostitution.
Il importe également d’intervenir auprès des personnes en situation de précarité, qui pourraient être amenées à se prostituer pour subvenir à leurs besoins. Ce phénomène de la prostitution dite « transitoire » se développe, notamment, dans les milieux étudiants, où certains jeunes en viennent à se prostituer pour subvenir à leurs besoins, et parfois même payer leurs études.
En aval, directement sur le terrain, il convient d’apporter aux personnes prostituées une écoute, une aide et des solutions leur permettant de sortir de ces situations dramatiques.
Pour qu’elles soient efficaces, ces mesures doivent nécessairement être accompagnées d’un effort accru en matière d’aides financières et humaines, à destination, notamment, des associations et de l’ensemble des organismes venant en aide aux personnes concernées par ce fléau.
Pour conclure, je tiens à le souligner, nous avons le sentiment que la législation française, à l’instar de la loi de 2003, tend à pénaliser des personnes qui sont, pour la plupart, issues de milieux défavorisés ou de pays pauvres et qui sont les victimes d’une industrie. Il est donc indispensable de changer notre politique, en nous attaquant de manière plus claire et plus directe aux origines du phénomène de la prostitution, notamment aux proxénètes.