Intervention de Jean-Marc Boyer

Réunion du 18 décembre 2017 à 15h00
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Jean-Marc BoyerJean-Marc Boyer :

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation d’hydrocarbures que nous examinons en nouvelle lecture aujourd’hui n’est pas très éloigné du texte qui nous a été soumis en première lecture.

À la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a en effet rétabli, à quelques mots près, la rédaction issue de ses travaux sur le volet « hydrocarbures », qui constitue le cœur de ce projet de loi.

Les députés n’ont pas tenu compte de nos critiques et des propositions que nous avions faites. Nous regrettons notamment qu’ils soient revenus sur une disposition introduite sur l’initiative de la commission des affaires économiques et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, qui visait à sanctuariser les activités de recherche publique sur les hydrocarbures. À notre sens, l’arrêt progressif de la production d’hydrocarbures ne doit pas conduire à cesser toute recherche dans notre sous-sol. Continuer à investir dans la recherche et la connaissance de notre sous-sol est essentiel. Il nous paraissait nécessaire que cela soit inscrit clairement dans la loi.

De même, la disposition que nous avions adoptée pour garantir aux entreprises la possibilité de poursuivre leurs activités après 2040 afin de rentabiliser leurs investissements de prospection et d’exploitation, tout en dégageant un profit raisonnable, n’a pas été retenue par l’Assemblée nationale.

Nous relevons cependant que, sur les autres parties du texte, plus consensuelles, les députés ont conservé la plupart des apports techniques du Sénat. Nous pensons en particulier à l’extension de l’indemnisation des producteurs d’énergie éolienne maritime par le gestionnaire de réseau en cas d’avaries ou de dysfonctionnements, ou aux dispositions relatives à la qualité de l’air, sur lesquelles la commission de l’aménagement du territoire s’était saisie pour avis.

Ces apports ne suffisent cependant pas à rendre possible l’adoption de ce projet de loi en l’état. Les lacunes du texte que nous avions dénoncées lors de l’examen en première lecture demeurent entières.

Comme Élisabeth Lamure et moi-même l’avons rappelé à plusieurs reprises, nous ne nous opposons pas à l’objectif fixé par le Gouvernement de réduction de notre dépendance aux énergies fossiles. Mais tel n’est pas l’objet de ce texte, qui n’aura aucun effet sur notre consommation d’hydrocarbures, et donc sur nos émissions de CO2. Il ne répond aucunement aux objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre que notre pays s’est fixés dans le cadre de l’accord de Paris. Nous attendions plus du Gouvernement pour son premier texte en matière d’environnement et d’énergie !

Les mesures que contient ce projet de loi auraient dû être examinées dans le cadre d’un débat plus large sur la politique de transition énergétique à mener et sur l’évolution de notre mix énergétique à moyen et long terme. Elles auraient dû par conséquent s’accompagner de mesures relatives au développement des énergies renouvelables ou à la réduction de la consommation énergétique des particuliers et des entreprises pour former un « tout » cohérent.

Nous regrettons qu’en matière de transition énergétique, des débats aient lieu de manière fragmentée, avec des annonces qui se succèdent sur la rénovation thermique des bâtiments, sur la hausse de la fiscalité carbone ou encore sur le report de l’objectif de baisse de la part du nucléaire dans la production électrique à 50 %, sans que l’on dispose d’une vision globale sur la politique énergétique menée.

Or la clé d’une transition énergétique réussie, c’est un cap politique clair, une réglementation simple et lisible et des financements ambitieux.

Nous attendons donc du Gouvernement qu’il publie rapidement une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie et qu’il prenne les mesures législatives, réglementaires et financières nécessaires pour favoriser la transition de notre modèle énergétique.

Nous pensons en particulier aux mesures à prendre pour faciliter la création de parcs solaires et éoliens terrestres et maritimes, qui pâtissent aujourd’hui de délais beaucoup trop longs de mise en œuvre.

De même, nous regrettons que l’interdiction de la production d’hydrocarbures n’ait pas été assortie d’une réflexion sur la qualité de nos importations d’hydrocarbures et sur la possibilité de différencier les hydrocarbures importés en fonction de leur bilan carbone sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Avant de mettre fin à une production nationale d’hydrocarbures plus « propres » que les hydrocarbures importés, il aurait fallu se donner les moyens de substituer aux énergies fossiles des énergies moins carbonées.

Préparé et adopté dans la précipitation, ce projet de loi n’a pas laissé suffisamment de temps aux acteurs concernés pour mener à bien toute cette réflexion.

Bien sûr, le monde change ; nous le savons. Mais ne nous faites pas de procès d’intention et arrêtez de nous donner des leçons : nous partageons tous les mêmes objectifs, mais nous envisageons des voies différentes pour les atteindre.

Monsieur le ministre d’État, il n’y a pas, d’un côté, les gentils, vertueux et éclairés que vous seriez et, de l’autre, les méchants, irresponsables et pollueurs que nous serions.

Votre vision symbolique et notre vision réaliste auraient pu se retrouver, mais ce ne fut pas le cas en commission mixte paritaire face à l’intransigeance des députés incarnant le prétendu « nouveau monde ».

À notre sens, il s’agit avant tout d’un texte qui n’est pas à la hauteur des ambitions qu’il affiche. C’est pourquoi je voterai en faveur de l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.

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