Intervention de Dominique Watrin

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 décembre 2017 à 9h35
Projet de loi ratifiant diverses ordonnances sur la loi d'habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Je remercie le rapporteur pour sa description fine du projet de loi, qui n'enlève rien à l'opposition frontale du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste à la philosophie de ce texte. La première ordonnance sur la négociation collective, en généralisant l'inversion de la hiérarchie des normes et en donnant la primauté à l'accord d'entreprise, remet en cause le principe de faveur et les avantages acquis, comme le treizième mois ou la prime d'ancienneté. La deuxième ordonnance réduisant les prérogatives et les moyens des représentants du personnel ne nous satisfait pas. La troisième ordonnance qui prévoit la barémisation des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif ne sécurise que les employeurs et encouragera les licenciements abusifs. Cette ordonnance prévoit aussi la restriction du périmètre d'appréciation de la cause économique de licenciement au territoire national lorsque l'entreprise appartient à un groupe international. Nous y sommes opposés. Nous sommes surpris de l'introduction de la rupture conventionnelle collective, contournement du PSE et des obligations afférentes de reclassement ou de priorité de réembauche.

La cinquième ordonnance sur le C2P modifie la prise en compte de quatre critères de pénibilité, qui ne seront plus soumis au principe de prévention mais de réparation, et encore, pour certaines victimes uniquement, celles dont l'incapacité est supérieure à 10 %. Ce n'est pas satisfaisant.

La sixième ordonnance, prétendument technique selon le Gouvernement, a été unanimement considérée lors de nos auditions comme un contournement des organisations syndicales en entreprise. Nous partageons ce reproche.

Ce projet de loi est extrêmement clivant. Lors des auditions, le Medef sautait de joie et ne cachait pas son extrême satisfaction, tandis que tous les syndicats étaient extrêmement critiques - certes à des degrés divers. Le texte marque une rupture ; c'est peut-être le retour de la lutte des classes !

Voyez l'arrogance du Medef dans ses déclarations. Son représentant nous a asséné une contre-vérité lors de son audition le 6 décembre. Selon lui, il n'y a pas eu de grande évolution dans le partage des richesses depuis 20 ans : plus de dividendes mais moins d'intérêts versés aux banques, moins d'investissement mais plus d'impôt... Or de 1983 à 2008, et surtout de 1983 à 1989, la répartition des richesses créées a basculé. La rémunération des salariés s'est réduite de 10 %, tandis que celle du capital a augmenté de 10 %. Évolution marquante, le nombre de bénéficiaires des revenus du capital s'est réduit, concentrant excessivement la richesse dans notre pays.

Surtout, notre pays manque structurellement d'investissement productif. La France est au 26e rang sur 28 pays de l'OCDE, car elle est en même temps le plus gros distributeur de dividendes derrière les États-Unis. Le poids de ces dividendes freine l'investissement.

Cette loi, en sécurisant les employeurs et en fragilisant les salariés, augmentera le nombre de licenciements abusifs et ira à l'encontre de son ambition affichée : renforcer le dynamisme économique.

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