Il risque de découvrir la confirmation de cette tromperie et la nécessité d’une correction inévitable durant l’été prochain, c’est-à-dire au moment où la réalité budgétaire, qu’on occulte aujourd’hui, sera incontournable. J’ajoute que Bercy fait fi du principe d’annualité posé par la loi organique. Sa créativité et son inventivité au service de la dissimulation s’expriment à plein !
À rebours d’un affichage électoral où le Gouvernement a beau vanter la diminution du poids de la dépense publique, qui selon lui reculerait à 55, 9 % du PIB en 2017, soit près d’un point de moins qu’en 2012, l’année 2017 sera marquée par une accélération des dépenses cumulées de l’État, des collectivités territoriales et des régimes sociaux, à hauteur de 1, 6 % par rapport à l’exercice précédent. Ainsi, l’État devrait dépenser près de 10 milliards d’euros nets de plus qu’en 2016 en raison des mesures destinées à financer les nouvelles priorités.
Autres affichages : l’éducation nationale, avec la création de plus de 11 000 postes, et le ministère de l’emploi, qui bénéficiera d’une rallonge supplémentaire de 2 milliards d’euros.
La progression très rapide de la masse salariale – 4 % –, due non seulement à la hausse programmée des effectifs, mais aussi à la revalorisation du point d’indice et à la réforme des carrières, fait peser de fortes tensions sur le budget.
Par ailleurs, concernant les comptes sociaux, à la sous-estimation des dépenses de santé s’ajoute la prévision totalement irréaliste des économies prévues sur l’UNEDIC, alors que la hausse du chômage en 2017 pourrait engendrer une dépense supplémentaire de l’ordre de 1, 2 milliard d’euros.
Enfin, je note l’absence de toute mesure significative d’économies clairement documentée et la sous-budgétisation récurrente de certaines missions, qui pourrait atteindre plus de 5 milliards d’euros selon notre commission des finances.
Tout cela rend illusoire le respect des objectifs de dépenses énoncés par Bercy. Il faut rappeler ici que le Gouvernement a admis que l’objectif d’économiser 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017 ne serait pas tenu ; le projet de loi de finances pour 2017 ne s’engage en effet que sur la réalisation de 41, 8 milliards d’euros.
D’ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques ne devrait pas tarder à être taxé d’être un repaire d’ultraréacs ou de moyenâgeux, comme tout ce qui résiste à l’incantation et ne se laisse pas aller à l’autopersuasion devant une réalité contraire qui s’obstine. Il estime en effet que les risques pesant sur les dépenses sont plus importants en 2017 que les années précédentes et que, en raison des hypothèses économiques optimistes retenues dans le projet de loi de finances sur les prévisions de recettes, la réduction du déficit prévue dans le budget est « hautement improbable ». Quand on connaît la prudence langagière de ce genre d’institution, on peut s’inquiéter !
Notre commission des finances a calculé qu’une estimation des dépenses, qui serait sincère et sans artifices liés à des reports à 2018 de certaines d’entre elles, devrait majorer les prévisions de dépenses de 15, 1 milliards à 16, 1 milliards d’euros pour 2017. Ce dérapage des finances publiques et ce report de charges sur 2018 et au-delà constituent une véritable bombe à retardement pour le prochain gouvernement. On le voit bien, la réalité des comptes publics est devenue un enjeu de la campagne présidentielle qui s’annonce, et le projet de budget qui nous est soumis n’engage, de ce fait, personne.
Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez croire, comme le docteur Coué, à l’efficacité de l’autosuggestion et au rôle déterminant de l’imagination. Le docteur Coué disait de cette méthode, érigée ici en système : « Vous allez voir, ça va vous faire beaucoup de bien, et ce n’est qu’un début ! » Mais le budget du Gouvernement n’a même pas de principe actif…
Dans ce contexte, il est possible que l’histoire retienne de l’époque qui s’achève une constante : le quinquennat de François Hollande, malgré l’alignement des planètes qui ne lui est pas imputable, aura été celui de l’anti-alchimiste, celui à qui on donne de l’or et qui en fait du plomb !