La position que j’ai alors eu l’honneur de défendre a contribué à ce que le Gouvernement remplace, sous la contrainte, des crédits improbables par de véritables crédits budgétaires. Monsieur le secrétaire d’État, il serait fâcheux de retourner à ces errements !
Par ailleurs, je ne peux que le répéter, le choix de maintenir une provision OPEX à un niveau de 450 millions d’euros, alors que nous savons que le surcoût réel lié aux opérations extérieures sera certainement proche du milliard d’euros, nous fait douter de la sincérité du budget de la défense et, au-delà, du budget de l’État dans son ensemble. Ce matin même, en commission des finances, nous avons pu observer diverses manipulations de fin de gestion.
De plus, la perspective de la prolongation de l’état d’urgence, qui suppose le maintien de l’opération Sentinelle à son niveau actuel, continue de soulever trois problèmes.
Le premier est de garantir le maintien en condition opérationnelle des hommes pour assumer les missions traditionnelles.
Le deuxième problème est de maintenir dans la durée, par le biais de réquisitions prononcées par le ministre de l’intérieur, la participation de militaires à des tâches de maintien de l’ordre. Soyons clairs : le fait que des militaires participent à des opérations sur le territoire national ne pose pas problème en soi. La question est celle du mandat et du statut sous lesquels ces forces interviennent. On ne peut, d’un côté, affirmer que la lutte contre l’islam intégral va être longue et, de l’autre, continuer à fonctionner sans autre perspective que la reconduction d’un état d’urgence qui, d’exceptionnel, deviendrait permanent.
Le troisième problème est celui des conditions matérielles dans lesquelles nos militaires interviennent. Le présent projet de loi de finances permet de parer au plus urgent, en logeant dans des conditions à peu près décentes les troupes déployées dans le cadre de l’opération Sentinelle. Mais les crédits prévus ne permettront pas d’assurer de manière satisfaisante l’entretien quotidien des bâtiments concernés.
Je souligne au passage que les primes allouées aux militaires de l’opération Sentinelle n’ont toujours pas été versées.
De surcroît, les travaux de contrôle que j’ai consacrés au surcoût des OPEX et des OPINT mettent au jour ce constat : la forte activité opérationnelle de nos armées se traduit par des phénomènes de suractivité et de surintensité.
Dans ce contexte, il paraît évident que les crédits dédiés au maintien en condition opérationnelle sont significativement insuffisants. Ils ne permettent pas d’assurer la régénération ou le renouvellement des matériels. Dès lors, le risque d’une perte de capacité est réel.
Au total, j’estime que ce budget et, plus généralement, la politique de défense du gouvernement laissent sans réponse trois questions fondamentales.
Tout d’abord, je pense à l’inscription dans la durée des OPINT, en lien avec la reconduction de l’état d’urgence. Dans ce cadre, la répartition des responsabilités entre la défense, la police et la justice n’est pas encore clarifiée.
Ensuite, je songe à l’inadéquation avérée entre la loi de programmation militaire et les besoins des armées.
Chers collègues, on peut se réjouir que les crédits de la loi de finances soient supérieurs aux montants anticipés au titre de la LPM. On pourrait en conclure que les objectifs fixés par ce dernier texte sont respectés et même dépassés. Mais on peut aussi, comme je vous y invite, considérer une autre réalité : nos forces sont mobilisées bien au-delà du contrat opérationnel prévu en LMP, et elles ne disposent pas pour autant de moyens en conséquence.
Enfin, j’ai à l’esprit les importants besoins qui se font jour quant à la régénération des matériels et qui ne sont pas satisfaits. Cette situation donne cruellement le sentiment que le ministère vit à crédit.