Intervention de Charles Guené

Réunion du 29 novembre 2017 à 10h30
Loi de finances pour 2018 — Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Photo de Charles GuenéCharles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien que nous examinions ce matin les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », il me semble indispensable de replacer cette discussion dans le contexte plus global des finances locales.

Tout d’abord, en ce qui concerne la loi de programmation des finances publiques, le Sénat a considéré que la trajectoire de réduction des dépenses proposée par le Gouvernement revenait à demander aux collectivités territoriales de réaliser 21 milliards d’euros d’économies, et non 13 milliards d’euros, comme il l’indiquait.

La relation de confiance entre l’État et les collectivités territoriales prônée par le Gouvernement a ainsi été écornée d’entrée de jeu.

En première partie du présent projet de loi de finances, le Gouvernement a proposé de supprimer, sur trois ans, la taxe d’habitation pour 80 % des Français. Le Sénat a considéré que cette réforme, qui ne répond qu’imparfaitement à la question des inégalités liées à l’obsolescence des valeurs locatives, n’était pas mûre et qu’il convenait de la reporter.

En effet, les valeurs locatives obsolètes et injustes continueront à être utilisées pour établir la taxe d’habitation de 20 % des contribuables, mais aussi la taxe foncière ou la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Outre les injustices entre contribuables, qui soulèvent d’ailleurs un risque contentieux, l’absence de révision entraîne des injustices entre collectivités territoriales, puisque les valeurs locatives sont utilisées dans les dispositifs de péréquation, par le biais du potentiel fiscal qui mesure leur richesse relative.

Il nous appartiendra, collectivement, de définir un nouveau cadre des finances locales, en nous attaquant à la fois à la réforme de la fiscalité, des dotations et de la péréquation. Dans cette perspective, nous envisageons de vous proposer, lors de l’examen des articles non rattachés, un amendement visant à élargir à l’ensemble des départements l’expérimentation sur la révision des bases locatives menée par la direction générale des finances publiques, la DGFiP, dont les conclusions ont été présentées au Parlement au début de l’année 2017. Ce préalable indispensable à la révision permettrait au législateur de décider, le cas échéant, des dispositifs à mettre en œuvre pour atténuer les transferts de charges entre contribuables.

Sur un plan plus général, nous pensons que, au-delà des dispositions purement techniques de ce projet de loi de finances, qui ont un côté un peu frustrant, nous sommes à la croisée des chemins. Il convient effectivement, ainsi que le propose le Président de la République, de préparer une réforme globale de la fiscalité locale à l’horizon 2020. En effet, après la suppression de la taxe professionnelle, hier, et avant celle de la taxe d’habitation, demain, le système imaginé voilà un demi-siècle et sur les mécanismes duquel nous vivons perd ses deux assises, ses deux pieds, et doit être totalement reconsidéré.

Pour ce faire, il faut, avant toute chose, repenser les fondamentaux des finances locales et publiques, à l’aune des modifications profondes intervenues dans notre pays et au plan mondial, lesquelles en ont radicalement modifié l’écosystème.

La territorialisation de l’impôt n’est plus compatible avec la cristallisation géographique de l’économie et l’urbanisation de la population.

L’appréhension des charges au niveau communal, à l’aide d’indices synthétiques assis sur l’habitat, ne répond plus au défi du retrait des services et des acteurs publics de la ruralité. Une nouvelle prise en compte de la centralité s’impose ; celle des standards italiens que nous avons étudiés, avec Claude Raynal, nous apparaît innovante et intéressante.

Une nouvelle gouvernance systémique des finances publiques doit également être mise en place, permettant à la fois à nos métropoles d’assurer leur compétitivité internationale et aux territoires d’être servis équitablement, afin de réduire la fracture qui s’est ouverte et, le cas échéant, de contribuer au financement de la dette nationale.

Il est urgent de faire partager au plus vite les fondamentaux d’une telle réforme, avant d’en décliner les mécanismes en toute lisibilité, dans une approche de la décentralisation et de la libre administration des collectivités plus contemporaine.

Les sénateurs, dont c’est le corps de métier, sont prêts à apporter leur part dans cette réflexion, puis leur technicité, dans la mise en œuvre de ce défi.

Une coproduction de la réforme participerait de la confiance réclamée et des prémices de cette nécessaire gouvernance partagée.

Voilà pour le cadre global.

En ce qui concerne les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », en 2018, les autorisations d’engagement prévues diminuent de 12 %, soit 524 millions d’euros, essentiellement en raison de la non-reconduction du fonds exceptionnel destiné aux régions et de la suppression de la réserve parlementaire.

Madame la ministre, lors de votre présentation du projet de loi de finances pour 2018 devant notre commission des finances, vous avez indiqué que les subventions d’investissement aux collectivités territoriales « atteindront, en 2018, 1, 8 milliard d’euros, soit une augmentation de 5, 5 % à structure constante ».

Nous contestons cette présentation consistant à comparer la nouvelle dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, laquelle comprend les contrats de ruralité et l’enveloppe venue se « substituer » à la réserve parlementaire, avec l’ancienne DSIL, qui ne comprenait ni la réserve parlementaire ni les contrats de ruralité !

Nous notons au contraire une diminution de ces subventions d’investissement de 211 millions d’euros, soit une réduction de plus de 10 % par rapport à l’année dernière.

Afin de soutenir les collectivités territoriales, le Sénat a adopté lundi, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, l’amendement que j’ai cosigné avec Claude Raynal, rétablissant les crédits « manquants » de la réserve parlementaire destinés aux collectivités territoriales, soit 36 millions d’euros, grâce à la création d’un prélèvement sur recettes spécifique.

Hormis les subventions d’investissement – dotation d’équipement des territoires ruraux, ou DETR, dotation politique de la ville, ou DPV, DSIL –, la plupart des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » correspondent à des compensations de transferts de compétences.

La commission des finances a donc décidé de donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Par ailleurs, c’est par le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » que transitent les impositions locales versées mensuellement par l’État aux collectivités territoriales : 107, 1 milliards d’euros sont prévus à ce titre pour 2018.

La commission des finances a donc décidé de donner un avis favorable à l’adoption des crédits de ce compte de concours financiers.

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