Avant d’entamer l’examen d’une série d’amendements portant sur les articles 59 et 59 bis, qui concernent la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ainsi que la dotation de soutien à l’investissement public local, la DSIL, je tiens à vous présenter la position de la commission des finances.
Tout d’abord, je voudrais faire quelques rappels et préciser certaines définitions.
La DETR est réservée aux territoires ruraux et est attribuée par le préfet de département. Une commission composée des représentants des maires et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, les moins peuplés, mais aussi, depuis cette année, de parlementaires, fixe les opérations prioritaires, ainsi que les taux maximum et minimum de subventions susceptibles d’être accordées.
Cette commission est également saisie pour avis pour les projets de subventions les plus importants, au-delà du seuil de 150 000 euros aujourd’hui. L’article 59 bis introduit par l’Assemblée nationale prévoit de porter ce seuil à 100 000 euros, ce qui ne nous paraît pas poser de problème, dans la mesure où ce nouveau seuil ne devrait pas embouteiller les commissions départementales, contrairement à des seuils plus bas à 50 000 ou 20 000 euros. Cette commission a donc un rôle assez limité, puisqu’elle se contente de fixer des priorités et une fourchette de taux de subventions.
Quant à la DSIL, qui est pérennisée par l’article 59, elle fonctionne selon des modalités assez différentes. Elle est répartie par enveloppes régionales en fonction de la population. C’est ensuite le préfet de région qui l’attribue pour financer des projets correspondant à des priorités fixées par la loi, en l’occurrence par l’article 59 que nous allons examiner. Au titre de ces priorités, on trouve, par exemple, la mobilité ou la transition énergétique, mais aussi la construction d’équipements ou de logements.
Le fonctionnement de cette dotation est donc très différent de celui de la DETR. D’une part, elle finance des projets dits « structurants », ce qui n’est pas nécessairement le cas de la DETR. D’autre part, elle bénéficie à toutes les communes, alors que la DETR est réservée aux communes rurales. Enfin, les modalités de son attribution sont encadrées par la loi, laquelle fixe des priorités, au contraire de la DETR, dont les modalités de répartition sont plus souples.
Ces différences étant rappelées, il ne nous semble pas pertinent de répartir la DSIL par enveloppes départementales et de prévoir qu’elle soit attribuée par le préfet de département, car de telles modalités de répartition pourraient avoir des effets contraires aux résultats recherchés. D’une part, ces modalités rigidifieraient le système en créant des frontières, alors même que les projets peuvent avoir une cohérence à une échelle supra-départementale ; d’autre part, les départements ruraux pourraient in fine être défavorisés, l’enveloppe attribuée étant insuffisante pour soutenir efficacement un projet pertinent sur leur territoire.
Par ailleurs, même si la DSIL est attribuée par le préfet de région, ce dernier travaille en étroite collaboration avec le préfet de département, qui demeure l’interlocuteur privilégié des élus locaux. À ce titre, le fonctionnement de la DSIL pourrait sans doute être amélioré et sa transparence renforcée.
Surtout, la création d’une commission unique d’attribution de la DSIL et de la DETR, dénommée « commission des investissements locaux », nous paraît contraire à la logique de la DETR comme de la DSIL. La composition de cette commission devrait être modifiée avec l’entrée des représentants des communes les plus peuplées du département qui se prononceront alors sur les priorités à financer par la DETR. La commission devrait se prononcer sur les projets prioritaires de la DSIL, alors même que ceux-ci sont définis par la loi. En somme, ces modalités d’attribution risquent à la fois d’embouteiller les commissions départementales pour la DETR, qui fonctionnent aujourd’hui plutôt bien, et de défavoriser in fine les territoires ruraux.
Aussi demandons-nous le retrait de tous les amendements tendant à créer une commission unique DSIL-DETR, ceux qui tendent à créer une commission spécifique pour la DSIL ou encore ceux qui prévoient que l’attribution de la DSIL revient au préfet de département.
En ce qui concerne la composition de la commission pour la DETR ou de la commission DETR-DSIL, nous allons examiner une série d’amendements dont les auteurs veulent que tous les parlementaires du département y siègent, avec ou sans voix délibérative.
Je rappelle que l’entrée des parlementaires dans cette commission résulte d’une proposition de l’Assemblée nationale adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017 : elle prévoit que les parlementaires du département participent aux réunions de la commission. Lorsque le département compte plus de quatre parlementaires, deux députés et deux sénateurs sont désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Cette dernière disposition, qui devait entrer en vigueur en 2017, a été repoussée à 2018 à la demande des présidents des deux assemblées, afin de tenir compte des élections législatives, puis sénatoriales. Le Sénat n’a pas modifié le nombre de parlementaires présents dans la commission, considérant notamment qu’il n’était pas souhaitable que les parlementaires soient plus nombreux que les représentants des communes et des EPCI.
Nous ne souhaitons pas revenir sur cette composition et, plus généralement, nous nous interrogeons sur le rôle des parlementaires dans une telle commission, aux pouvoirs d’ailleurs très limités. Il n’est pas à exclure que les parlementaires puissent même être mis dans des situations délicates, alors que leur position actuelle, leur positionnement leur permettent de jouer un rôle que l’on peut qualifier d’« intermédiaire influent », à la fois discret et confortable.
Mes chers collègues, telle est la position de principe de la commission des finances sur ce sujet : il était utile de vous apporter ces éléments au début de la discussion.