Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 27 février 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 3 bis priorité

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Et je vous en remercie !

C'est parce que votre dispositif est révélateur d'une différence fondamentale de nature entre la gauche et la droite : il heurte notre vision de la société. Nous divergeons, radicalement, philosophiquement même, sur les objectifs.

Vous précarisez, quand nous voulons sécuriser. Vous découpez le droit du travail, tranche d'âge par tranche d'âge, pour mieux affaiblir le corps social, quand nous voulons, nous, renforcer la démocratie sociale.

Vous créez ce qu'on a appelé un contrat « kleenex », spécialement destiné aux plus faibles, quand nous proposons la sécurisation des parcours professionnels pour tous.

Sous le gouvernement de Lionel Jospin, nous avions fait baisser le chômage des jeunes, qui avait perdu trois points, faisant de la France le meilleur élève de l'Europe ; or, sous votre gouvernement, le taux de chômage des jeunes, de 22 %, est l'un des plus élevés en Europe.

Pour lutter contre le chômage, vous n'avez qu'un seul credo : la « flexibilité de l'emploi ». Mais votre flexibilité va toujours dans le même sens. Elle est injuste socialement et inutile économiquement. Vous tentez de culpabiliser les Français et de détruire le modèle social, mais sachez que le marché du travail français n'est pas le plus rigide de l'OCDE.

Je crains, en revanche, les conséquences sociales du développement de l'emploi précaire. Raymonde Le Texier et Guy Fischer viennent de le démontrer, la généralisation des CPE à tous les jeunes de moins de vingt-six ans risque de pérenniser l'emploi précaire dans cette catégorie, déjà affaiblie, de la population.

Le CPE est encore plus dur pour les salariés que le contrat à durée déterminée traditionnel. Les jeunes en recherche d'emploi risquent d'accumuler les CPE, s'inscrivant dans un système de cumul d'emplois à faible qualification.

Une succession de CPE ne constitue pas pour un jeune, vous l'avouerez, une expérience qualifiante et valorisante. En d'autres termes, le CPE n'a ni les avantages du CDD en ce qui concerne les conditions de licenciements ni ceux du CDI en matière de stabilité et de durée.

Comment garantir à un jeune qu'à l'issue de ses études, il pourra trouver un travail stable pour pouvoir se loger, construire un projet personnel et familial, indispensable à l'entrée dans la vie adulte ?

Qu'est-ce qui pourra conduire un chef d'entreprise à accorder un contrat à durée indéterminée quand le recours au CPE est moins coûteux et moins risqué ? L'utilisation par les employeurs des nouvelles facultés que leur offre le CPE risque d'institutionnaliser le CPE en contrat unique pour les jeunes, qui n'auront que peu de chances de décrocher un véritable CDI.

Nous le redisons avec force, au risque de vous déplaire, votre nouveau contrat aboutira à l'instauration d'une société marquée par la précarité, une société de l'emploi précaire.

Nous proposons de valoriser la recherche d'emploi, de généraliser la formation tout au long de la vie, de développer la sécurisation des parcours professionnels. Voilà, madame Procaccia, ce que nous proposons, afin de garantir à tout un chacun la possibilité de disposer d'une activité et d'un revenu lui permettant de vivre dignement.

Cette garantie est indispensable pour que les termes « égalité des chances » soient crédibles. L'égalité des chances doit être garantie tout au long de la vie. Sinon, il n'est pas sûr que ce ne soit pas qu'un vain mot, un slogan sans contenu, qui nous promet un grand désenchantement.

Le CPE, mesure phare de votre projet de loi, généralise la précarité, affaiblit les plus faibles, sans aucune contrepartie en termes de création d'emploi.

Injuste socialement, inefficace économiquement, votre dispositif doit être retiré, messieurs les ministres délégués, car il porte atteinte à notre modèle social, dont on sait qu'il doit être réformé, certes, mais pour le renforcer et non pas le détruire.

Vous construisez la société de l'emploi précaire quand nous proposons d'instaurer une garantie d'activité et de stabilité, seule à même de rendre l'espoir à la jeunesse. Nous voulons faire en sorte que l'avenir soit, pour eux, une promesse et non une menace. À l'heure où la société française doute d'elle-même, il fallait assurément adresser un message d'espoir à ses enfants. Votre message, c'est celui de l'injustice et du renoncement.

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