Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 30 novembre 2017 à 10h30
Loi de finances pour 2018 — Budget annexe : publications officielles et information administrative

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la mission « Conseil et contrôle de l’État » :

Monsieur le président, j’espère que vous serez aussi tolérant avec moi, mais je vous rassure, mon discours étant écrit, il me sera plus facile de respecter mon temps de parole.

Monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, pour l’exercice 2018, les juridictions administratives et les juridictions financières bénéficient, il faut le constater, d’une hausse de leurs budgets. Je vous invite cependant à ne pas vous arrêter aux apparences, qui pourraient laisser penser que ces juridictions jouissent de situations privilégiées dans le contexte de rigueur budgétaire que nous connaissons.

Les crédits supplémentaires alloués aux juridictions administratives sont en réalité destinés essentiellement, comme l’a dit voilà quelques instants le rapporteur spécial, à la Cour nationale du droit d’asile, qui est confrontée à une progression importante, pour ne pas dire exponentielle, du nombre de ses entrées. Cette augmentation des effectifs pourrait pourtant être insuffisante, car les 51 nouveaux emplois fléchés permettent la création, ce qui est bien, de deux chambres, soit une capacité de traitement de 7 000 affaires par an. Or, selon la présidente de la Cour nationale du droit d’asile que j’ai rencontré lundi dernier, l’augmentation des entrées pour 2018 représenterait, selon les estimations, 11 000 affaires supplémentaires.

J’évoquerai maintenant les juridictions administratives de droit commun. Les délais de jugement inférieurs à un an qui sont affichés cachent une tout autre réalité. Si l’on retire du calcul les procédures d’urgence, encadrées dans des délais contraints, ces délais sont nettement plus longs en moyenne. Ils sont ainsi de un an, huit mois et vingt-deux jours pour les tribunaux administratifs.

Pour faire face à la pression contentieuse, les juridictions administratives ont engagé de nombreuses réformes de procédure. Tant mieux ! Elles ont ainsi développé les téléprocédures ou multiplié les procédures à juge unique par exemple. Mes chers collègues, il semble difficile d’aller plus loin sans porter atteinte à la qualité des décisions de justice.

La commission des lois vous propose d’autres pistes d’amélioration. Elle propose ainsi d’engager une réflexion sur le contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle, dans le prolongement des travaux de notre assemblée sur le redressement de la justice, en veillant cependant, et je pense que vous y serez sensibles, à préserver l’accès à la justice des publics socialement les plus fragiles. La commission propose également le renforcement de l’équipe du magistrat, en s’inspirant du statut des juristes assistants qui interviennent auprès des juges judiciaires de notre pays.

Quant aux crédits alloués aux juridictions financières, ils sont à peine suffisants pour leur permettre d’atteindre le plafond d’emplois fixé depuis 2010, alors même qu’elles assument des missions toujours plus nombreuses. Ces juridictions ont désormais un véritable rôle d’accompagnement des collectivités territoriales, ce qui rend nécessaire l’adaptation de leurs outils de travail. Il serait ainsi pertinent de leur permettre de contrôler des politiques locales thématiques faisant intervenir une pluralité d’entités différentes.

En conclusion, malgré le volontarisme et le professionnalisme que j’ai pu constater et dont font preuve les magistrats et les personnels des juridictions, le constat est sans appel : les gisements de productivité, à effectifs constants, sont épuisés.

Dès lors, aucune nouvelle compétence ne devra désormais être attribuée sans une évaluation sérieuse de ses effets sur l’activité de ces juridictions et sans l’allocation de moyens suffisants, sous peine de mettre leur fonctionnement en péril et de porter atteinte à la qualité de la justice rendue à nos concitoyens.

Au bénéfice de ces observations, mais aussi de ces inquiétudes, la commission des lois est favorable à l’adoption des crédits des programmes « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ».

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