Intervention de Frédérique Vidal

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 janvier 2018 à 15h35
Projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants — Audition de Mme Frédérique Vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation

Frédérique Vidal, ministre :

Sur les attendus, je vous confirme qu'il existe un vide juridique : la loi actuelle prévoit la prise en compte du premier voeu des étudiants. Si la loi n'est pas votée, on pourra de nouveau hiérarchiser les voeux dans la plateforme. La loi prévoit aussi de prendre en compte l'académie - seulement - et la situation de famille de l'étudiant. Or les établissements ont des capacités d'accueil limitées, au-delà desquelles ils ne peuvent pas fonctionner, en tant qu'établissements recevant du public. Comment répondre à deux injonctions contradictoires : droit d'inscription dans le supérieur et interdiction de dépasser les capacités ?

Que les conseils d'administration des universités votent les attendus relève du fonctionnement normal d'une université. Avant la transmission de documents au ministère, les instances les valident. Cela n'implique pas que ces attendus s'appliquent réellement. À partir du 31 mars, si la loi est votée, ce sont les attendus nationaux qui s'appliqueront ; ils pourront éventuellement être précisés localement. Les recteurs, garants de l'État par rapport aux présidents des universités, sont aussi chanceliers des universités. Levons toute confusion : le BAFA et les certifications payantes ne feront pas partie des attendus, ce sera refusé. Les attendus seront nationaux car les diplômes sont nationaux. Ils ont un rôle purement informatif et ne constituent en aucun cas une liste de critères de sélection, comme vous vous acharnez parfois à le faire croire. Parcoursup est une plateforme d'orientation, où sont inscrits les voeux. Elle ne dépend ni de la précédente loi, ni du code de l'éducation, ni de la future loi, car les textes actuels prévoient une « procédure d'inscription nationale » et c'est bien ce que nous avons mis en place avec Parcoursup.

Des précisions locales sont possibles : certaines universités sont plus exigeantes. Le territoire académique n'est qu'un territoire de référence ; il n'interdit pas que les recteurs se parlent au sein d'une région académique, afin de proposer ailleurs une affectation.

Le sujet francilien a été longtemps débattu. Les présidents d'universités de banlieue refusent de ne recevoir que des étudiants qui n'ont pas été admis dans les universités de Paris intra-muros. Il faut instaurer une mobilité inter-académie qui ne soit ni globale ni générale, au risque, sinon, d'une terrible concentration. C'est la réalité. Actuellement, les étudiants des très grandes écoles sont issus de moins de dix classes préparatoires, alors qu'auparavant les grands lycées en région étaient bien représentés. Désormais, ils ne peuvent plus afficher le moindre élève intégrant Polytechnique ou HEC. Je suis très attachée à l'équilibre entre les territoires. Tous les établissements méritent d'attirer d'excellents étudiants, qui tirent vers le haut les autres. Certes, il existe des difficultés particulières en Île-de-France. Formation par formation, la zone concernée est soit le territoire de la région académique, soit l'académie. Certaines formations en tension dans l'académie de Versailles ne le sont pas dans les académies de Créteil ou de Paris. Nous ne bloquerons pas une bonne répartition, et y travaillons avec les recteurs.

Nous rajoutons 22 000 places dans les filières sous tension, mais elles ne sont pas réparties dans tous les établissements. Ainsi, nous ouvrirons cinq nouvelles antennes de STAPS et travaillons avec les facultés et les villes pour bénéficier d'équipements sportifs disponibles.

Par amendement, 20 millions d'euros ont été ajoutés au budget, soit 34 millions d'euros en gestion sur un tiers de l'année. L'année prochaine, ce budget sera donc trois fois plus important. Sur le quinquennat, 500 millions d'euros seront spécifiquement dédiés à la réforme. Le grand plan d'investissement passera de 250 à 500 millions d'euros pour construire des salles de cours, créer des cours en ligne, former des professeurs... Au total, 950 millions d'euros seront consacrés à la réforme sur le quinquennat.

Malheureusement, les universités ont négocié leur masse salariale au moment de leur autonomie. Leur budget leur est affecté par le ministère, transite par lui, et donc la masse salariale des personnels fonctionnaires de l'État n'est pas considérée comme relevant du titre 2. Les établissements d'enseignement supérieur ont supporté les décisions concernant la masse salariale des fonctionnaires sans que cela soit compensé. Aujourd'hui tous les établissements sont en-deçà du plafond d'emplois, mais sont contraints par leur masse salariale. Nous avons besoin d'investissements de masse salariale. La majorité des 500 millions d'euros budgétés est sécurisée sur la masse salariale, car une fongibilité est ensuite permise vers les investissements et le fonctionnement, et non l'inverse. Les universités pourront donc recruter.

L'orientation, sujet important, fait l'objet d'une concertation avec le ministère de l'éducation nationale. Il faudrait inscrire l'orientation dès la classe de seconde comme un objectif du lycée, pour construire une véritable orientation, avec du temps et de la méthode. Les Fiches Avenir existaient déjà, mais n'étaient pas utilisées : les équipes évaluaient les notes et non les compétences. Nous espérons que la loi aura un effet rétroactif, et que les enseignants du secondaire examineront ces compétences. Cela prendra effet avec la réforme du lycée et du baccalauréat. Nous avons choisi de partir du supérieur pour voir comment les lycéens y parviennent plutôt que de fonder notre réflexion à partir du lycée... Oui, une orientation ne se décide pas en quinze jours. Il faut former les professeurs. Par ailleurs, la nouvelle loi fixera l'existence de commissions mixtes entre le scolaire et le supérieur.

Comment envisager le « oui, si » ? Dans les établissements, les directeurs d'études tiennent compte des conditions de vie des étudiants. Le jugement n'est pas définitif. Un jeune peut très bien s'épanouir s'il est inscrit dans quelques unités d'enseignement (UE), tandis qu'un autre étudiant peut couler dans la filière qu'il a choisie. On peut alors lui prescrire de suivre des UE de méthode pour revenir à niveau. Il faut davantage moduler.

Hier, j'ai visité une université qui expérimente ce dispositif pour des bacheliers de la filière professionnelle. À la fin de l'année, soit l'étudiant intègre une licence classique avec un taux de réussite de 66%, soit un BTS ou un IUT, auquel il est bien préparé. Pour d'autres étudiants, il faudra moins d'une année complète pour être à niveau. Le programme se définit à la rentrée, sur la base de tests et de rencontres. Un financement supplémentaire sera accordé en fonction d'indicateurs comme le taux de réussite en première année. Cela relève de l'autonomie pédagogique des établissements. Chacun a ses idées. Ce dispositif sera mis en place dès la rentrée.

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