Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, six mois, presque jour pour jour, après l’examen du projet de loi d’habilitation, notre assemblée se prononce sur la ratification des cinq ordonnances « pour le renforcement du dialogue social » prises par le Gouvernement le 22 septembre dernier.
Six mois pour réformer ce qu’on disait irréformable : ce n’est pas un mince succès. Il n’y aura pas de pause dans les réformes d’ampleur dont notre pays a besoin pour retrouver confiance en l’avenir. Le Gouvernement a déjà mis sur le métier de nombreux sujets, notamment celui de la formation et de l’apprentissage, avec la même volonté de concertation et de dialogue.
En effet, madame la ministre, tant durant la discussion du projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances qu’après son adoption, vous avez consacré, avec le Premier ministre, près de 300 heures à la consultation des organisations syndicales. C’est l’un des rares moments de notre histoire où démocratie sociale et démocratie politique ont marché de concert pour, au final, au travers de ces ordonnances, confier à la société civile un réel pouvoir de fixer des règles du jeu au plus près des réalités des entreprises.
Cette méthode a porté ses fruits, puisque l’été et l’automne, que l’on nous prédisait « chauds », furent en réalité plutôt cléments.
Aussi, évitons les caricatures qui amènent certains à évoquer un « coup d’État social », et reconnaissons que ce texte est inspiré par une philosophie progressiste.
Le 24 juillet dernier, à cette tribune, notre regrettée collègue Nicole Bricq, avec son habituelle acuité, soulignait en ces termes l’enjeu des ordonnances : « Cette réforme de fond du dialogue social participe d’une bataille culturelle, voire idéologique ; nous savons tous que les batailles de ce genre sont les plus difficiles à mener, parce qu’il faut passer d’une culture conflictuelle à une culture du dialogue. Celui-ci n’exclut pas les confrontations, mais il recherche les points de passage d’accords collectifs. »
Pour gagner cette bataille culturelle, il nous faut parier sur l’intelligence collective des entreprises, des syndicats, des salariés et de leurs représentants. C’est pourquoi le cœur de la réforme dont nous sommes saisis donne à la négociation collective, notamment dans l’entreprise, une place sans précédent dans notre histoire sociale.
Comme le soulignait Michel Rocard en 2012, « en France, l’essentiel du progrès social doit se faire et s’est toujours fait par la loi. Rien n’est contractuel. » Il ajoutait : « Cela correspond aussi à l’esprit jacobin, qui considère que tout est politique. La société civile disparaît et la société française est obligée d’avancer par coups de sang. Ce qui est très mauvais. »
Avec le Président de la République, le Gouvernement et la majorité, nous affirmons que notre République sociale est mûre pour accorder une place beaucoup plus importante à la société civile et au droit « négocié ».
Les quatre premiers articles du projet de loi, enrichis par le travail parlementaire, contiennent de grandes avancées pour vivifier le dialogue social.
Ainsi, ils établissent une nouvelle architecture conventionnelle afin d’accorder plus de place à l’accord d’entreprise et de renforcer la branche dans son rôle de définition des conditions de travail, tout en prenant en compte les spécificités des entreprises de moins de 50 salariés.
La périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires de branche et d’entreprise sont refondus afin de ménager plus de souplesse et de mieux les adapter aux spécificités du secteur d’activité ou de l’entreprise.
La possibilité encadrée d’adopter des accords dans les entreprises de 11 à 50 salariés en l’absence de mandatement est désormais ouverte.
La création du comité social et économique, issu de la fusion de trois instances de représentation du personnel, permettra la mise en place d’un dialogue social à la fois plus stratégique, plus concret et moins formel.
Ce comité social et économique pourra être transformé en conseil d’entreprise doté de la compétence de négociation. C’est une première étape vers ce qui pourrait représenter un modèle de codécision à la française.
Enfin, les parcours syndicaux sont valorisés, avec l’ouverture de la possibilité, pour les titulaires d’un mandat syndical, de bénéficier d’un recensement des compétences acquises et le renforcement de l’obligation de formation.
Le travail en commission a permis de progresser encore sur de nombreux points. Néanmoins, nous restons en désaccord avec le rapporteur sur certaines dispositions, en particulier la suppression des observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social. Nous présenterons également deux amendements visant à adapter aux réalités du terrain la règle de limitation dans le temps des mandats des élus.
Outre ces mesures de renforcement du dialogue social, ces ordonnances contiennent des mesures de sécurisation, de flexibilité et de simplification. Nous y reviendrons au fil de l’examen des articles. Ces dispositions, que je n’énumérerai pas, sont créatrices de nouvelles sécurités et de nouveaux droits pour les salariés comme pour les employeurs.
Bien sûr, nombre de ces mesures cristallisent les oppositions, parfois sur fond de procès d’intention… Mais là encore, mes chers collègues, gardons-nous de la désinformation : la flexibilité à tout crin ne constitue pas la philosophie de cette réforme, qui n’est pas inspirée par le credo trompeur selon lequel la complexité et la rigidité du droit du travail seraient les principales responsables de tous nos maux, à commencer par le chômage qui frappe notre pays.
Cela ne doit cependant nullement nous empêcher de simplifier, de sécuriser ou d’adapter des mécanismes et des dispositifs qui permettent de pérenniser et de soutenir les entreprises quand la reprise est là.