Le désaccord que nous pouvons avoir avec certains d’entre vous ne porte donc pas sur l’intention, mais sur l’efficacité et les moyens.
En ce qui concerne la fusion des instances, que certains estiment judicieuse, d’autres non, je voudrais revenir sur le cas de l’Allemagne : la commission où les sujets de santé au travail sont discutés fait partie du Betriebsrat, équivalent du futur comité social et économique. L’intégration d’une telle commission au sein d’un conseil plus large ne signifie donc pas moins d’efficacité.
Je rappelle d’ailleurs que, en matière d’accidents du travail, la France a aujourd’hui de mauvais résultats. On ne peut donc pas dire que le dispositif en vigueur donne pleinement satisfaction… Et l’une des raisons qui expliquent ces résultats tient justement au fait que la santé et les conditions de travail dans l’entreprise ne sont pas considérées comme l’affaire de tous.
L’absence d’un comité unique, qui s’intéresse à la fois à l’économie générale de l’entreprise, à son organisation, au temps de travail, à la formation et aux conditions de sécurité, explique que nous nous situions davantage dans le curatif que dans la prévention primaire.
Je puis vous dire que je parle d’expérience. Lorsque Christian Larose, Henri Lachmann et moi-même préparions, en 2010, notre rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail, nous imaginions déjà un rapprochement des instances pour que la santé au travail devienne l’affaire de tous, au niveau tant du management que des partenaires sociaux.
Il est évidemment nécessaire que quelques personnes se spécialisent plus avant du fait de la technicité des sujets. Cela existe d’ailleurs aujourd’hui dans les entreprises avec les personnes responsables de la prévention, parfois appelées « préventeurs ». Les ordonnances ne modifient pas cet aspect.
Pour autant, un comité social et économique, qui s’attaque à l’ensemble des questions, permet de faire en sorte que la santé au travail devienne l’affaire de tous.
Vous le savez, il est prévu qu’une commission spécialisée sera créée dans les entreprises de plus de 300 salariés et dans tous les secteurs sensibles – on pense naturellement à la chimie, mais il y a aussi la construction et bien d’autres. C’est une occasion de mettre ces questions à l’agenda de tout le monde.
Par ailleurs, je rappelle que les membres du CHSCT ne sont pas élus directement par le personnel et ne sont donc pas considérés par les salariés comme des représentants au sens direct. Dorénavant, ceux qui s’occuperont de ces sujets seront élus, ce qui devrait créer un lien et une dynamique plus forts.
En ce qui concerne la pénibilité, et comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, nous avons eu pour objectif de transformer un droit formel en un droit réel qui s’applique à la totalité des salariés, même dans les petites entreprises. Cela n’aurait pas été le cas si nous en étions restés aux textes précédemment en vigueur.
Pour autant, je suis d’accord avec vous pour dire que la question des risques chimiques reste pendante. C’est un sujet très difficile, puisque, par définition, l’effet est considérablement différé. C’est pourquoi Agnès Buzyn et moi-même avons confié une mission au professeur Frimat. Et il est évident que nous devrons revenir sur ce sujet, pour mettre en place un outil qui soit efficace à la fois en termes de prévention et de réparation.
Toujours avec Agnès Buzyn, j’ai lancé une mission sur la santé au travail pour faire le point sur le renforcement de la prévention et j’ai demandé que la prévention primaire soit intégrée dans les priorités. Cette mission approfondira aussi les questions liées à la médecine du travail, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle rencontre de graves difficultés – on le voit, entre autres, au déficit de candidatures – et que ses métiers doivent évoluer.
Vous le voyez, la prévention comme la santé et la sécurité au travail font partie de nos priorités. En ce sens, faire en sorte que l’ensemble du comité social et économique s’empare de ces sujets et s’en sente responsable est une bonne chose.
Bien sûr, certains membres se spécialiseront et apporteront leur expertise propre, mais intégrer la prévention dans toutes les compétences du comité – contexte économique, organisation et aménagement du travail… – est positif. Aujourd’hui, une instance est chargée de négocier un accord, tandis qu’une autre en évalue les conséquences, ce qui est clairement un obstacle à la prévention.
Contrairement aux craintes que certains d’entre vous ont exprimées, le CSE permet de progresser sur le terrain de la santé au travail et de la prévention. Les représentants continueront d’être formés et aucune obligation existante en matière de santé au travail n’est diminuée du fait des ordonnances.