Intervention de Bernard Jomier

Commission des affaires sociales — Réunion du 24 janvier 2018 à 9h05
Proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, rapporteur :

Dans ce cas, les victimes se sont senties méprisées par la société. Mais il faut aussi attendre d'avoir une connaissance assez approfondie et de constater que les dispositifs actuels ne suffisent pas.

Actuellement, la connaissance scientifique est acquise sur plusieurs points fondamentaux -depuis 2013. Les tableaux de maladies professionnelles sont très clairs. C'est le monde agricole qui est concerné. Toutes les organisations qui le représentent dénoncent l'insuffisance de la réparation forfaitaire et réclament une réparation intégrale. C'est donc bien le moment de légiférer. Il importait de limiter la proposition aux liens de causalité prouvés, car ce n'est pas notre rôle de trancher les débats scientifiques encore ouverts. Nous délimitons aussi mieux les populations non professionnelles concernées, et renvoyons à un texte réglementaire la liste des pathologies qui donneront accès au dispositif. Celui-ci réparera donc intégralement des dommages dont la cause est scientifiquement établie.

Qui doit gérer ce fonds ? Les acteurs se renvoient la balle. Nous pourrions créer un fonds ad hoc, comme le Fiva. Je ne suis pas convaincu que ce soit la meilleure option. Mais que la ministre prenne ses responsabilités ! Confier la gestion à la CNAM pourrait être intéressant pour celle-ci, mais cela n'a guère de sens -et d'ailleurs, le monde agricole l'accepterait mal. Celui-ci souhaite que l'État prenne le dispositif en charge.

Oui, aux Antilles, l'exposition a été particulièrement importante. L'outre-mer est très concernée.

Les molécules sont-elles identifiées ? Oui, même s'il faut bien distinguer le principe actif du co-formulant. Ce sera à la commission médicale de trancher sur la causalité.

La réparation et la prévention ne s'opposent pas. Le plan Eco-phyto 1, qui prévoyait une baisse de moitié de l'usage des produits phytopharmaceutiques avant 2018, a échoué. Le plan Eco-phyto 2 reprend cet objectif, mais pour 2025 et avec des outils différents. Comment se peut-il qu'un agriculteur de 53 ans atteint d'une maladie de Parkinson ne soit indemnisé qu'à hauteur de quelques centaines d'euros par mois, et dans l'impossibilité de payer les études de ses enfants ?

Le coût du dispositif a fait l'objet d'un rapport conjoint de l'IGAS, du Conseil général de l'environnement et du développement durable et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, que je n'ai pas encore eu le temps de consulter. Sa synthèse commence ainsi : « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques constitue un enjeu majeur de santé publique ». Le cadre est posé. Les besoins de financement atteindront plusieurs dizaines de millions d'euros par an. Qui paiera ? Il est prévu d'augmenter la taxe actuelle, qui ne concerne que les industriels - dont le chiffre d'affaires atteint deux milliards d'euros. Faut-il chercher d'autres ressources, notamment auprès de l'État ? C'est ce que demande le monde agricole, en prenant exemple du FIVA.

Bref, le dispositif actuel ne fait pas le procès d'un modèle agricole mais fait le constat des graves conséquences pour les agriculteurs de l'utilisation de certains produits, et prévoit une réparation de ces dommages.

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