Le texte soumis à notre examen fait honneur à l'initiative législative du Parlement. Il s'agit d'une proposition de loi rédigée par notre collègue député Paul Christophe, inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale au titre de l'espace réservé du groupe UDI, Agir et Indépendants, appuyée par le Gouvernement et adoptée en séance publique par une très large majorité. Tant par la forme de son dispositif, court et précis, que par son objet, ce texte ne peut que susciter l'adhésion.
Il propose que, dans le cadre de l'entreprise, soit rendu possible un don de jours de congés payés non pris, pour autant qu'ils excèdent la durée légale des congés payés, en faveur d'un collègue contraint d'assurer le rôle de proche aidant auprès d'une personne de son entourage handicapée ou en perte d'autonomie. Ce dispositif, fortement inspiré de la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade, dont le rapport avait été assuré par notre collègue Catherine Deroche, présente l'avantage d'étendre un mécanisme de solidarité bienvenu au sein de l'entreprise à une population dont nous ne savons que peu de choses : les proches aidants.
Ceux-ci sont actuellement près de 8,3 millions en France. Ils assurent bénévolement et en plus de leurs propres activités professionnelles et personnelles, le soutien et l'accompagnement d'une personne dont la perte d'autonomie rend nécessaire un suivi quotidien par son entourage. Les impacts économiques et sociaux de ces nouveaux rapports familiaux et extra-familiaux ne sont pas sans effets dommageables sur la carrière et la vie personnelle des aidants qui, outre leur propre vie, sont souvent contraints d'en vivre une deuxième au travers de la personne à laquelle ils apportent leur aide. Le phénomène est connu, lié à l'allongement de la durée de vie et au souhait légitime de maintien à domicile aussi longtemps que possible, mais on peine à se figurer les sacrifices et les heurts que les aidants doivent subir en rétribution du don de leur temps.
C'est pourquoi la proposition de loi qui nous est soumise, et surtout l'intention qui l'anime, sont bienvenues. Je vous avoue que, si c'est la sénatrice qui assure devant vous le rapport de ce texte, c'est à quelqu'un dont l'entourage familial proche est très directement affecté par les difficultés de la condition d'aidant que ce texte parle. En toute honnêteté, il me faut reconnaître que l'avancée contenue dans cette proposition de loi, pour louable qu'elle soit, ne saurait en aucun cas prétendre corriger toutes les carences, très importantes, que les droits de l'aidant continuent de présenter.
La proposition de loi en elle-même ne fait pas de différence entre les entreprises en fonction de leur taille, alors que nous savons pertinemment que les dons de jours de congés payés entre collègues entraîneront des coûts et des procédures que seules les structures d'une certaine dimension seront capables d'absorber. Par ailleurs, la transposition du dispositif permettant le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade présente une limite évidente : si l'accompagnement d'une fin de vie justifie le recours à des jours de congés payés généreusement donnés par des collègues, un tel don ne pourra que très imparfaitement et partiellement soulager les aidants qui apportent leur soutien au long cours à des personnes handicapées ou en perte d'autonomie dont l'espérance de vie n'est pas en jeu.
Courte et précise, cette proposition a le mérite de réaliser très rapidement une avancée concrète. Toutefois, les dispositifs apposés par petites touches masquent parfois la complexité d'un portrait d'ensemble auquel le législateur ne s'est jusqu'à présent jamais attaqué. La loi de 2005 sur le handicap, celle de 2014 sur les retraites, celle de 2015 sur l'adaptation de la société au vieillissement ont chacune apporté leur pierre à l'édifice compliqué et encore en construction des droits de l'aidant. Ces apports ponctuels ont toujours été inspirés par les meilleures intentions mais ont souffert d'un défaut de coordination et de cohérence, qui se fait cruellement sentir.
L'aidant familial, qui apporte son soutien à l'enfant ou à l'adulte handicapé, et le proche aidant, qui accompagne la vieillesse d'une personne en perte d'autonomie, ne constituent pas deux réalités juridiques strictement homogènes et, surtout, ne bénéficient pas toujours des mêmes droits. Les droits à la retraite de l'aidant, sujet particulièrement sensible quand on connaît les heurts et les interruptions que connaît leur carrière, ont été progressivement définis sans que le moindre cap n'ait été donné à l'action législative, et sont actuellement victimes d'un double échec : premièrement, les aidants ignorent dans leur très grande majorité le droit à l'affiliation à l'assurance vieillesse du régime général qui leur est garanti ; deuxièmement, et c'est aussi malheureux qu'inexplicable, ce droit s'exerce à géométrie variable, selon le public auquel l'aidant apporte son soutien et le degré d'activité professionnelle qu'il continue ou non d'exercer.
Le congé de proche aidant inséré dans le droit par la loi de 2015 sur le vieillissement, que l'on ne doit pas confondre avec le dispositif qui nous est aujourd'hui proposé, a posé la première pierre d'un droit véritablement commun à tous les aidants, sans pour autant rencontrer le succès qu'on espérait.
Pourquoi, dès lors, vous recommander d'adopter ce texte en l'état ? La raison est simple : je préfère le petit pas que je suis sûre de franchir à la longue marche dont j'ignore la durée. Ce texte, adopté à l'Assemblée nationale au titre de l'ordre du jour réservé aux groupes minoritaires, risquerait de ne jamais être promulgué si nous nous aventurions à lui apporter des correctifs.
Or il répond à une attente profonde et réelle des aidants qui, outre l'enrichissement de leurs droits, attendent simplement que le législateur leur porte l'attention exclusive, et pas seulement incidente au gré de textes plus larges, que leur situation réclame. Ce texte est une première main tendue et, bien que je mesure les limites du geste, je me refuse à la retirer au motif pourtant légitime qu'il y a beaucoup plus à accomplir.
C'est aussi pourquoi, lors de l'examen de ce texte en séance publique mercredi prochain, je rappellerai au Gouvernement sa promesse de lancer une réflexion autour d'une stratégie nationale des aidants. Je m'engage à alimenter son travail de propositions ambitieuses relatives aux droits sociaux de l'aidant pris au sens le plus large, de la retraite au répit, en passant par la formation et l'aménagement de leur temps de travail.
À l'issue de ce rapport, confiante dans la lecture que vous saurez faire de mes recommandations, je vous demande d'adopter cette proposition de loi sans modification.
Cette proposition de loi prend place dans un cadre plus large, qui s'est notamment mis en place avec la reconnaissance du statut des aidants par la loi sur le vieillissement. Leur droit au répit a été d'emblée conçu en lien avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), ce qui fait que sa mise en oeuvre est tributaire des ressources et des pratiques de chaque département. Mon groupe se prononcera en faveur de ce texte. Les salariés ont déjà droit à des jours de congé pour enfant malade. Pourquoi ne pas prolonger ce droit en faveur des aidants ? Dans une vie, les deux situations se superposent rarement : en général, elles se succèdent. Et les aidants ont besoin de temps, ne serait-ce que pour effectuer les démarches administratives requises par l'état de la personne qu'elles soutiennent. La loi pourrait fixer le niveau du groupe iso-ressources (GIR) de la personne dépendante à partir duquel le droit serait ouvert. J'ai noté que vous réclamez un vote conforme, mais je n'exclus pas de déposer un amendement pour soumettre au Sénat cette idée.
Oui, l'aide aux aidants est malheureusement à géométrie variable selon la situation sociale et financière de la famille touchée. L'idée de Mme Rossignol est intéressante, à condition d'être assortie de critères précis. À titre personnel, je me demande si nous ne devrions pas aller jusqu'à définir un statut professionnel d'aidant. Dans les Bouches-du-Rhône, nous organisons souvent des journées de l'aide aux aidants. L'appel à la générosité est une chose, mais elle ne doit pas occulter la dimension sociale de leur activité.
En effet. La proposition de Mme Rossignol est intéressante et fait écho à des idées que nous avons déjà creusées. Ce texte est bienvenu mais donne une impression de bricolage : chacun a besoin de ses cinq semaines de congé annuel ! Et un aidant a souvent besoin de plusieurs semaines... Bref, il faut retravailler la question. Bien sûr, il est plus facile de faire face quand on a les moyens.
Je comprends qu'il faille avancer à petits pas. Il serait bon, toutefois, d'établir un panorama des avancées possibles, notamment en agissant sur la fiscalité. Profitons de ce texte pour prévoir un débat sur la question. L'allongement de la durée de la vie et la volonté de maintenir les personnes à domicile le plus longtemps possible posent la question, essentielle, de l'accompagnement individuel.
Le système dont nous parlons a été expérimenté pour la première fois en 2014 dans mon département, la Loire, où deux parents en avaient besoin pour accompagner leur enfant qui était en phase terminale d'un cancer. Cette proposition de loi doit être une première étape car elle ne règle rien. Les jours de congés concernés sont pris en sus des cinq semaines obligatoires. Chaque salarié n'en a pas le même nombre. Sous quelle forme seront-ils donnés ? Souvent, un aidant a besoin d'un assez grand nombre de jours ; quid si le nombre de jours disponibles fluctue d'une année sur l'autre ? Bref, ce texte ne représente qu'un stade qui doit être rapidement dépassé, notamment par des mesures fiscales et par l'adaptation des droits à retraite. Je salue l'élargissement du champ de ce texte, décidé à l'Assemblée nationale, aux aidants soutenant des personnes handicapées. Autant la loi de 2014 avait été assez facile à appliquer, autant celle-ci sera sans doute plus lourde à mettre en oeuvre.
Bravo pour la qualité de votre exposé et son objectivité. Vous avez bien analysé les limites de ce texte, sur lesquelles nous sommes tous d'accord, je crois. On ne peut que déplorer l'absence d'une approche globale et cohérente de la question, ce qui conduit à un problème d'inégalité selon la taille des entreprises concernées. La loi sur l'adaptation de la société au vieillissement a posé le droit au répit des aidants, ce qui est fondamental car ceux-ci sont près de 8,3 millions - il s'agit donc d'un sujet de société. Deux ans après sa promulgation, les départements appliquent différemment, ou pas du tout, ses dispositions. Il va falloir prendre le taureau par les cornes et s'attaquer à ce problème par une politique publique et solidaire. Le député Pierre Dharréville, rapporteur de la mission flash sur les aidants familiaux, a formulé trois propositions : assouplir le congé du proche aidant en permettant de le fractionner ; mettre en place une indemnité pour les aidants, sur le modèle de l'allocation journalière de présence parentale - ce qui serait justifié car le travail des aidants représente entre 12 et 16 milliards d'euros de PIB - ; compenser les droits à retraite perdus par les aidants par une majoration, comme dans le cas du soutien à une personne handicapé. Sur cette proposition de loi, nous nous abstiendrons, comme nous l'avions fait sur la loi prévoyant le don de jours de congés pour prendre soin d'un enfant malade. Nous souhaitons en effet un engagement public et solidaire fort. Nous déposerons des amendements en ce sens. S'ils ne sont pas adoptés, nous voterons contre ce texte.
Bravo pour la qualité et l'objectivité de votre rapport. Cette proposition, qui élargit la loi de 2014, part d'une bonne intention, mais elle sera difficile à appliquer. Je serais plus favorable à une approche globale de l'aide aux aidants. Ils sont près de huit millions, sans statut, sans reconnaissance. En l'état, ce texte n'est guère applicable. Pour mettre en oeuvre la notion de répit, il faut structurer l'accueil temporaire. Le vieillissement des personnes handicapées est un défi, surtout quand leurs propres parents arrivent à l'extrême vieillesse, et se demandent qui prendra soin de leur enfant. Un grand débat est nécessaire, auquel je compte bien prendre part.
La loi sur le vieillissement a montré les limites des possibilités de l'État. Le cinquième risque, qui avait été évoqué, a finalement été éliminé. La loi reconnaît les aidant et leur droit au répit, mais sans aller beaucoup plus loin. Ce texte réalise un petit progrès, qui sera surtout utile dans les épisodes aigus, par exemple quand l'équipe médico-sociale du département a mis en place un plan de maintien à domicile mais que l'aidant doit tout de même rester auprès de la personne. Je voterai le texte.
Je suivrai également les recommandations de la rapporteure et souhaite qu'une stratégie nationale soit mise en place pour aider les aidants. Cela dit, avant de parler fiscalité ou retraite, la plupart des aidants demandent de la reconnaissance et un accompagnement, par exemple sous la forme de groupes de parole ou d'entretien avec des psychologues ou des professionnels. Sait-on combien d'aidants ont craqué avant la personne qu'ils accompagnaient ? Chez les personnes âgées, on voit souvent le conjoint partir avant celui qu'il a aidé pendant de longues années...
Les aidants deviendront de plus en plus nombreux, vu l'allongement de la durée de la vie et la volonté - légitime - de maintien à domicile. Ce dispositif semble adapté à une phase aiguë, il l'est moins pour une durée plus longue. Quel serait son impact économique et financier ? Les groupes de parole permettent aux aidants, qui ne sont pas tous formés, d'acquérir des connaissances nécessaires à la prise en charge. L'aide psychologique qui leur est offerte devrait aussi être développée.
Beaucoup d'aidants décompensent, ou sont épuisés. Quant à ceux qui leur donnent leurs jours de congés, il faudrait que cette solution - par essence limitée - soit encadrée par l'avis du médecin du travail, car nous savons comme les ordonnances ont changé la donne dans les entreprises.
J'avais été rapporteure de la loi prévoyant le don de jours de congés pour s'occuper d'enfants malades. Nous l'avions votée conforme pour en accélérer l'application, ce qui était nécessaire non pas pour les salariés du secteur privé - car la plupart des conventions collectives prévoient ce type de dons - mais pour le secteur public, où nous avions le cas d'un couple dont la petite fille devait recevoir une greffe de moelle à l'hôpital Necker. Une fois le texte adopté, j'avais écrit à la ministre de la fonction publique Mme Lebranchu pour lui signaler l'urgence de prendre les décrets d'application. Elle m'avait répondu, mais neuf mois plus tard, ceux-ci n'étaient pas parus ! Il a fallu une nouvelle vague de mobilisation de l'opinion publique, au sujet d'un enfant en fin de vie, que ses parents souhaitaient accompagner dans ses dernières semaines, pour que la fonction publique bénéficie enfin de ces dispositions.
Comment faire bénéficier de ces dispositions les salariés qui travaillent dans l'aide à la personne, et sont rémunérés à l'heure ?
Dans certains cas, l'aménagement du temps de travail peut être préférable au don de jours de congés. Oui, il y a une inégalité entre les proches aidants de personnes handicapés, qui peuvent être dédommagés grâce à la prestation de compensation du handicap (PCH), et ceux qui aident des personnes âgées qui ne le peuvent pas. Je comprends le désir d'amender ce texte mais, en relançant la navette, il aurait pour effet de différer son entrée en application à une échéance indéterminée. Mieux vaut voter cette proposition de loi telle quelle, car elle répond - partiellement - à une réelle demande. Rien ne nous empêche ensuite de mettre en place un groupe de travail pour aller plus loin.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale.
EXAMEN DU RAPPORT
L'utilisation systématique des produits phytopharmaceutiques dans l'agriculture française a suscité, dès les années 1970, des interrogations quant à ses effets sur l'environnement ; elle est désormais largement remise en cause, avec la prise de conscience croissante, par les pouvoirs publics et nos concitoyens, des risques qu'elle fait peser sur la santé humaine. Les pesticides et leurs effets sur la santé sont devenus un sujet majeur de préoccupation et de mobilisation, suscitant de nombreux rapports, en particulier parlementaires, et la mise en place par le législateur en 2014 d'un système de phytopharmacovigilance piloté par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
Au regard notamment des données collectées par les épidémiologistes dans le secteur agricole, la mission d'information menée en 2012 sous la présidence de notre collègue Sophie Primas, et dont la rapporteure était Nicole Bonnefoy, faisait ainsi état d'une urgence sanitaire sous-évaluée. Le rapport dressait le constat d'un système français conduisant à une sous-déclaration et à une sous-reconnaissance des maladies professionnelles liées à l'exposition aux produits phytopharmaceutiques.
Adoptés à l'unanimité, ces travaux ont précédé d'un an la publication de l'étude scientifique la plus aboutie à ce jour en France, l'expertise collective de l'Inserm, fondée sur une revue de la littérature scientifique internationale publiée au cours des trente dernières années. Cette étude conclut à l'existence de plusieurs niveaux de présomption s'agissant du lien entre l'exposition aux pesticides et différentes pathologies, en particulier certains cancers -hémopathies malignes, cancers de la prostate, tumeurs cérébrales, cancers cutanés-, certaines maladies neurologiques -maladie de Parkinson, maladie d'Alzheimer, troubles cognitifs- ainsi que certains troubles de la reproduction et du développement. Elle souligne en outre que la survenue d'autres pathologies telles que les maladies respiratoires, les troubles immunologiques et les pathologies endocriniennes suscite aussi des interrogations. Elle insiste enfin sur les expositions aux pesticides au cours de la période prénatale et périnatale, ainsi que pendant la petite enfance, qui semblent être particulièrement à risque pour le développement de l'enfant.
Dans ce contexte, un encadrement plus étroit des produits phytopharmaceutiques a progressivement été mis en place. Ce cadre est amené à évoluer en fonction des connaissances disponibles, comme l'illustrent les récentes discussions sur l'autorisation du glyphosate. Pour autant, la nécessité de renforcer la prévention, que nous reconnaissons tous, n'épuise pas le sujet de la réparation lorsque des dommages ont été subis.
La PPL que nous examinons aujourd'hui, déposée par notre collègue Nicole Bonnefoy, répond à cette ambition. Son objet est de prévoir, sous certaines conditions, l'indemnisation des préjudices résultant de l'exposition à des produits phytopharmaceutiques en allant au-delà de la simple réparation forfaitaire que notre législation sociale limite aux victimes professionnelles.
L'article 1er définit le champ des personnes éligibles. Les professionnels du secteur agricole sont bien évidemment la première population concernée. Ils pourraient accéder au dispositif d'indemnisation dès lors qu'ils auront préalablement obtenu la reconnaissance d'une pathologie d'origine professionnelle sur le fondement du système déjà existant des tableaux de maladies professionnelles.
À l'heure actuelle, dans le régime agricole, le nombre de tableaux permettant la reconnaissance d'une maladie liée à l'exposition aux pesticides s'élève à quinze. Quatre d'entre eux concentrent la grande majorité des cas : il s'agit principalement des tableaux n° 58, relatif à la maladie de Parkinson, et 59, relatif aux hémopathies malignes. Entre 2007 et 2016, le nombre de reconnaissances obtenues sur ces fondements s'élève respectivement à 303 et 88. La proposition de loi prévoit que, si elles en formulent la demande, les victimes ainsi reconnues bénéficieraient ipso facto d'une réparation intégrale. Au regard des dommages causés, qui dépassent largement le préjudice économique pour englober les préjudices extra-patrimoniaux, une telle avancée me paraît aller dans le sens de l'histoire de la protection sociale.
Il en va de même de l'ouverture du dispositif aux victimes exposées en dehors du cadre professionnel, et que l'on peut qualifier de victimes environnementales ; ainsi, des riverains de champs agricoles qui subissent les effets des épandages. La proposition les inclut pleinement dans le dispositif. Elle couvre également les enfants atteints d'une pathologie occasionnée par l'exposition, in utero, aux pesticides via leurs parents.
L'article 2 crée le fonds d'indemnisation et en confie la gestion à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). Il précise son mode d'organisation en prévoyant notamment la création d'une commission médicale autonome chargée d'examiner le lien entre la survenue d'une pathologie et l'exposition aux produits phytopharmaceutiques. Les articles 3 et 4 définissent la procédure d'examen des demandes par le fonds. Aux termes de l'article 7 relatif aux modalités de financement, le fonds serait abondé principalement par une fraction du produit de la taxe perçue sur les produits phytopharmaceutiques dont s'acquittent leurs fabricants.
Les auditions ont montré que la volonté d'améliorer les règles d'indemnisation est accueillie très positivement. L'Anses, en particulier, s'est montrée favorable à la recherche d'une plus grande équité dans la prise en charge des victimes. Elle a également souligné l'avantage d'un tel dispositif qui évite la judiciarisation des demandes. Les réserves formulées portent essentiellement sur deux points : la gouvernance et la procédure d'instruction, que d'aucuns voudraient voir précisées, et le financement, sur lequel les avis sont partagés.
Les syndicats agricoles souhaiteraient que le financement soit entièrement étatique. Ils craignent qu'une hausse de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques ne soit répercutée sur le prix de vente. Compte tenu du chiffre d'affaires du secteur en France -plus de 2 milliards d'euros- et de la capacité de négociation des intermédiaires, il me semble que cette réserve pourrait être levée. D'ailleurs, les règles de recevabilité financière auxquelles nous sommes contraints ne nous permettent pas de faire reposer le financement du fonds en intégralité sur l'État. En tout état de cause, il convient de rappeler que la taxe sur les produits phytopharmaceutiques est aujourd'hui collectée par l'Anses dont elle finance le dispositif de phytopharmacovigilance. Il est essentiel que celui-ci soit totalement préservé.
Quoi qu'il en soit, pour financer l'activité du fonds et sa montée en charge, les ressources devront nécessairement être revues après la phase d'amorçage.
Les amendements que je vous proposerai résultent essentiellement de trois séries de considérations.
D'abord, le texte retient une définition particulièrement large des personnes éligibles au dispositif. Pour les victimes non professionnelles, il me semblerait utile de renvoyer à un arrêté ministériel le soin de définir la liste des pathologies ouvrant droit à indemnisation. Afin d'établir cette liste, le Gouvernement pourra se fonder sur les tableaux de maladies professionnelles et les résultats de l'expertise collective de l'Inserm. A l'instar des tableaux, la liste aurait vocation à évoluer avec nos connaissances scientifiques.
Des modifications paraissent également nécessaires pour préciser la gouvernance du fonds d'indemnisation. Je vous proposerai de prévoir qu'il comprend un conseil de gestion et qu'il est représenté à l'égard des tiers par le directeur de la CCMSA.
Enfin, en ce qui concerne la procédure d'examen des demandes, le texte dispose que le demandeur justifie d'un lien direct entre son exposition aux pesticides et la pathologie. De l'avis général, faire reposer la charge de la preuve sur le demandeur rendrait le dispositif extrêmement complexe. Je vous proposerai de retenir plutôt une présomption de causalité : la jurisprudence civile et administrative dans le domaine de la santé reconnaît que le doute scientifique ne fait pas nécessairement obstacle à la preuve requise du demandeur dès lors que celui-ci fait valoir un faisceau d'indices concordants sur les dommages causés par le produit. Nous pourrions donc renvoyer à une commission médicale indépendante la mission d'examiner les circonstances des expositions et de statuer sur leur lien avec la pathologie, en nous inspirant des dispositions en vigueur pour le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
Nous avons acquis un niveau de connaissances suffisant pour ne pas différer notre travail de législateur au motif que ces connaissances sont encore en progrès. La PPL qui nous est soumise est l'occasion de poser un cadre normatif rigoureux, prudentiel et évolutif.
Passionnant rapport ! La proposition de loi de Mme Bonnefoy découle des travaux effectués sous la présidence de Mme Primas. Telle quelle, elle est un texte d'appel. Les amendements de notre rapporteur la rendent susceptible de servir de base à une future loi. Nul ne doute que les produits phytopharmaceutiques provoquent des maladies et que la question de leur indemnisation intégrale se pose. Un rapport des corps d'inspection a été communiqué hier au rapporteur et nous n'avons donc pas eu le temps de l'étudier. La MSA ne veut pas gérer le fonds, les organisations syndicales réclament que l'État prenne en charge le dispositif -mais il ne peut pas le faire seul ! Et la Cnam n'est pas très ouverte non plus... Je propose aux membres de mon groupe de ne pas faire obstacle à ce texte, au stade de la commission, sans pour autant prendre position en sa faveur- donc de s'abstenir.
Sur ce sujet important, les questions financières sont en effet toujours en suspens. La comparaison avec le FIVA est intéressante, mais la causalité est mieux établie pour l'amiante.
En effet. Depuis quelques mois, nous avons un débat sur l'imputabilité de certaines pathologies au glyphosate. Et ce sont les agriculteurs, que cette proposition de loi souhaite indemniser, qui s'opposent à l'interdiction du glyphosate en remettant en cause sa toxicité ! J'ai noté que la Commission européenne avait autorisé la semaine dernière une étude de la méthodologie des travaux sur la question... La présomption de causalité est insuffisante, et il sera difficile de prouver la toxicité. Il serait paradoxal d'indemniser des pathologies liées à une substance qu'on n'interdirait pas - et sur le plan financier, ce serait indéfendable. Soyons vigilants, car le sujet est important, mais n'ouvrons pas la boîte de Pandore.
Ce travail découle en effet de notre mission de 2012. L'article 1er définit le champ d'application. Comment les arrêtés ministériels que vous préconisez le détermineront-ils ?
Outre-mer, nous avons été confrontés au paraquat et au chlordécone, et beaucoup de nos hommes souffrent d'un cancer de la prostate. L'état de nos finances impose le réalisme, mais nous avons connu cette problématique bien avant la métropole car des dérogations ont longtemps été données pour l'utilisation de ces produits. Résultat : de nombreuses familles ne peuvent pas cultiver leurs terres, et beaucoup souffrent d'un cancer ou de la maladie de Parkinson. Une indemnisation ne les guérirait pas, mais elle serait un signe fort. Je compte sur chacun de vous pour voter en faveur de ce texte.
On ne peut pas indéfiniment continuer à méconnaître la toxicité de certains produits phytopharmaceutiques sous prétexte que les rapports et les études ne sont pas encore complets. Les divergences entre spécialistes, par exemple sur le chlordécone, incitent à la prudence, certes. Mais les victimes sont en attente d'une prise en compte de leurs difficultés. Même si l'aspect financier n'a pas d'effet médical, l'indemnisation doit intervenir, y compris de manière rétroactive. Plusieurs pays avaient mis en évidence la toxicité du chlordécone dès les années 1970 et la France, sciemment, a continué à donner des dérogations.
Avec 75 000 tonnes de pesticides vendues en 2014, la France est le deuxième consommateur de produits phytosanitaires de l'Union européenne. Le nombre de victimes reconnues ne dépasse pas quelques centaines ; la plupart ont été indemnisées dans le cadre de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime agricole. En droit, diverses responsabilités pourraient être recherchées. Pour améliorer l'indemnisation des victimes et la rendre plus équitable par rapport à d'autres catégories, un plan de prévention et d'investissement permanent dans la recherche scientifique devrait être lancé. Il est nécessaire d'allonger la liste des pathologies comprises dans les tableaux de maladies professionnelles, et il faut améliorer l'égalité de traitement entre victimes en fusionnant les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés et des exploitants agricoles. Étendre ce dispositif au régime général et à celui de la fonction publique serait une bonne chose, mais il faut surtout améliorer le recours aux couvertures existantes. Cette PPL est bienvenue, mais notre groupe s'abstiendra. Le débat est nécessaire, et il doit déboucher sur des avancées plus larges que celles que propose ce texte.
Sont concernés les agriculteurs et les victimes environnementales. Il faut d'abord déterminer quelles pathologies sont concernées, puis prendre des décisions au niveau européen, comme le demandent les agriculteurs. La prévention est indispensable. Dans mon département, la culture des pommes donne lieu à d'importants épandages. Avec les associations et les agriculteurs, nous avons convenu d'interdire l'épandage à 50 mètres de la limite du champ : c'est une modeste avancée. Je voterai ce texte.
Je suis très partagée. Certes, l'utilisation de produits phytosanitaires n'est pas neutre, mais un lien de causalité avec les pathologies est-il établi ? Votre rapport parle de niveaux de présomption. Les molécules susceptibles d'ouvrir droit à indemnisation sont-elles identifiées ? Quel sera le public concerné ? Sera-t-il exclusivement professionnel ? Ce qui me gêne, surtout, c'est que cette proposition de loi semble faire le procès d'un type d'agriculture, alors que la prévention s'est largement développée et que l'utilisation des produits phytosanitaires est de plus en plus encadrée.
Merci pour ce rapport équilibré. La nocivité des produits phytosanitaires ne menace pas que les riverains mais aussi, et surtout, les agriculteurs qui les utilisent, d'autant qu'ils s'en sentent parfois à l'abri -bien à tort- à l'intérieur de leur tracteur, et de leurs combinaisons. Victoire Jasmin nous a bien montré combien les dérogations étaient dangereuses. La prévention est cruciale. Mais l'objet du rapport est l'indemnisation. À cet égard, il va dans le bon sens. C'est pourquoi mon groupe votera favorablement.
L'impact du chlordécone est tel que nous devrions demander un fonds d'indemnisation spécifique. La dérogation n'a concerné que les Antilles. Sur ce point, ce rapport ne changera rien.
Cette proposition doit être adoptée, au moins pour donner une impulsion et inciter le Gouvernement à se pencher sur les aspects techniques. Reconnaître qu'il y a des victimes enverrait aussi un signal en matière de prévention. Je connais les inquiétudes des agriculteurs. Pour autant, ce texte ne fait pas le procès d'une agriculture, mais constate simplement qu'il y a des victimes -et non des accusés- dont le dommage doit être réparé. D'ailleurs, il est désormais admis que l'agriculture intensive a eu des effets sur l'environnement et la santé. Quant aux doutes, depuis quarante ans, chaque nouveau problème sanitaire a généré des sceptiques, et il est toujours apparu qu'ils avaient eu tort. Voyez aussi le débat sur le changement climatique...
Merci pour vos questions, qui font écho à celles que nous nous sommes posées en préparant le rapport. Est-ce le moment de légiférer sur cette question ? Il ne faut pas s'y prendre trop tard, comme ce fut le cas pour l'amiante.
Dans ce cas, les victimes se sont senties méprisées par la société. Mais il faut aussi attendre d'avoir une connaissance assez approfondie et de constater que les dispositifs actuels ne suffisent pas.
Actuellement, la connaissance scientifique est acquise sur plusieurs points fondamentaux -depuis 2013. Les tableaux de maladies professionnelles sont très clairs. C'est le monde agricole qui est concerné. Toutes les organisations qui le représentent dénoncent l'insuffisance de la réparation forfaitaire et réclament une réparation intégrale. C'est donc bien le moment de légiférer. Il importait de limiter la proposition aux liens de causalité prouvés, car ce n'est pas notre rôle de trancher les débats scientifiques encore ouverts. Nous délimitons aussi mieux les populations non professionnelles concernées, et renvoyons à un texte réglementaire la liste des pathologies qui donneront accès au dispositif. Celui-ci réparera donc intégralement des dommages dont la cause est scientifiquement établie.
Qui doit gérer ce fonds ? Les acteurs se renvoient la balle. Nous pourrions créer un fonds ad hoc, comme le Fiva. Je ne suis pas convaincu que ce soit la meilleure option. Mais que la ministre prenne ses responsabilités ! Confier la gestion à la CNAM pourrait être intéressant pour celle-ci, mais cela n'a guère de sens -et d'ailleurs, le monde agricole l'accepterait mal. Celui-ci souhaite que l'État prenne le dispositif en charge.
Oui, aux Antilles, l'exposition a été particulièrement importante. L'outre-mer est très concernée.
Les molécules sont-elles identifiées ? Oui, même s'il faut bien distinguer le principe actif du co-formulant. Ce sera à la commission médicale de trancher sur la causalité.
La réparation et la prévention ne s'opposent pas. Le plan Eco-phyto 1, qui prévoyait une baisse de moitié de l'usage des produits phytopharmaceutiques avant 2018, a échoué. Le plan Eco-phyto 2 reprend cet objectif, mais pour 2025 et avec des outils différents. Comment se peut-il qu'un agriculteur de 53 ans atteint d'une maladie de Parkinson ne soit indemnisé qu'à hauteur de quelques centaines d'euros par mois, et dans l'impossibilité de payer les études de ses enfants ?
Le coût du dispositif a fait l'objet d'un rapport conjoint de l'IGAS, du Conseil général de l'environnement et du développement durable et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, que je n'ai pas encore eu le temps de consulter. Sa synthèse commence ainsi : « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques constitue un enjeu majeur de santé publique ». Le cadre est posé. Les besoins de financement atteindront plusieurs dizaines de millions d'euros par an. Qui paiera ? Il est prévu d'augmenter la taxe actuelle, qui ne concerne que les industriels - dont le chiffre d'affaires atteint deux milliards d'euros. Faut-il chercher d'autres ressources, notamment auprès de l'État ? C'est ce que demande le monde agricole, en prenant exemple du FIVA.
Bref, le dispositif actuel ne fait pas le procès d'un modèle agricole mais fait le constat des graves conséquences pour les agriculteurs de l'utilisation de certains produits, et prévoit une réparation de ces dommages.
Pour le Fiva, la part de l'État diminue chaque année - comme pour les collectivités territoriales ! Pour le reste, ce sont les cotisations des employeurs qui sont mises à contribution. Une hausse de taxe sera répercutée sur le consommateur. Notons également que le Fiva n'a pas empêché la judiciarisation.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-1 p révoit qu'un arrêté des ministres chargés de la santé et de l'agriculture établit la liste des pathologies qui ouvriront droit au dispositif d'indemnisation pour les victimes non professionnelles.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'amendement COM-2 transfère les dispositions relatives à la procédure d'examen des demandes à l'article 3.
Il également prévoit que le fonds comprend un conseil de gestion dont la composition est fixée par décret et qu'il est représenté à l'égard des tiers par le directeur de la Caisse centrale de la MSA.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'amendement COM-3 précise la procédure d'examen des demandes par le fonds.
Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi fait reposer la charge de la preuve sur le demandeur, qui doit justifier d'un lien direct entre son exposition et l'atteinte de son état de santé. Or un demandeur ne peut pas prouver un lien de causalité.
La jurisprudence est très claire : la preuve scientifique et la preuve juridique ne sont pas la même chose. Le demandeur doit justifier de l'exposition à des produits phytopharmaceutiques, décrire la pathologie qu'il présente et fournir un certificat médical de présomption. Il revient ensuite à une commission médicale indépendante de statuer.
Cette procédure est inspirée de celle du FIVA.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement COM-4 porte de six à neuf mois le délai au terme duquel le fonds est tenu de présenter une offre d'indemnisation au demandeur. Je vous proposerai tout à l'heure de prévoir une durée transitoire de douze mois lors de l'amorçage du dispositif. L'amendement supprime, en outre, la possibilité pour le fonds d'accorder une indemnisation complémentaire dans le cadre d'une procédure pour faute inexcusable non encore aboutie. La rédaction actuelle n'est pas satisfaisante. Il prévoit par ailleurs des modifications rédactionnelles.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'amendement COM-5 prévoit que le droit d'action en justice du demandeur contre le fonds s'exerce devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
L'amendement COM-6 précise que la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7
L'amendement COM-8 vise à sanctuariser le financement du dispositif de phytopharmacovigilance confié à l'Anses, à la demande unanime des organisations. Il précise que le produit de la taxe est affecté en priorité à l'Anses et, pour le reliquat, au fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 8
L'amendement COM-7 prévoit l'obligation pour le fonds de remettre un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement. Il renvoie à un décret la définition des modalités d'application de la loi. Enfin, il prévoit une période de transition d'une année pendant laquelle le délai au terme duquel le fonds est tenu de présenter une offre d'indemnisation est porté à douze mois.
L'amendement COM-7 est adopté et devient article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
EXAMEN DU RAPPORT
Pour l'observateur familier de la sécurité sociale en France, la Caisse des Français de l'étranger, la CFE, est un objet de curiosité.
La Caisse intervient dans le champ concurrentiel pour la couverture des frais de santé à l'étranger, sur une base volontaire, comme un assureur. Elle doit être équilibrée par ses cotisations.
Dans le même temps, elle a été conçue comme le prolongement de la sécurité sociale à l'étranger pour les expatriés. Les règles qui la régissent figurent dans le code de la sécurité sociale. La Caisse offre une couverture de base. Ses remboursements sont identiques à ceux de l'assurance maladie. Elle offre aux salariés une couverture AT-MP identique. Elle recouvre, pour le compte de l'assurance vieillesse, les cotisations des salariés à l'assurance vieillesse volontaire, ce qui leur permet d'assurer une continuité avec le régime français pour la partie de leur carrière effectuée à l'étranger. Elle comporte une dimension de solidarité : ses tarifs diffèrent en fonction du niveau des revenus. Les personnes ayant des revenus trop faibles peuvent bénéficier d'une prise en charge partielle de leurs cotisations.
Cette caisse, qui assure la protection sociale de 200 000 Français, soit environ 10 % des Français établis hors de France, née au sein de la caisse primaire d'assurance maladie de Melun dans les années quatre-vingts, doit aujourd'hui évoluer, car elle perd des parts de marché. En outre, n'étant pas obligatoire, elle est plus attractive sur le plan tarifaire pour les pensionnés que pour les jeunes actifs. Sa situation financière, même si elle est très saine aujourd'hui, pourrait en être à terme affectée. Par ailleurs, le visage de l'expatriation française à l'étranger s'est profondément modifié : les Français expatriés par leur entreprise dans le cadre de contrats prenant en charge leur protection sociale sont moins nombreux, tandis que beaucoup ont un contrat de droit local.
L'offre tarifaire de la CFE est complexe et peu lisible. Il existe plusieurs centaines de tarifs selon l'âge, le niveau de revenus, par ailleurs difficile à contrôler, le paiement ou non des cotisations par une entreprise ou la catégorie d'adhérents.
Les prestations ne sont guère plus claires pour les adhérents. Ils savent qu'ils seront remboursés comme en France, mais cela ne signifie évidemment pas la même chose selon qu'ils vivent en Chine, où les frais de santé sont très élevés, ou en Afrique du Sud, où les prestations de niveau français assurent une bonne couverture.
Enfin, l'adhésion à la CFE ne saurait être réservée aux seuls Français, au risque d'être considérée comme discriminatoire à l'égard des autres citoyens européens. C'est pourquoi la Caisse accepte aujourd'hui ces personnes de fait, en l'absence de texte, lorsqu'elles sollicitent leur adhésion.
Sur la base de ce constat, nos collègues élus des Français de l'étranger ont travaillé avec la Caisse à une évolution de la base législative régissant son offre. Celle-ci a d'ailleurs commencé à proposer de nouveaux produits : une offre pour les soins en France et, très récemment, une offre en direction des jeunes.
Des amendements identiques ont ainsi été déposés par nos collègues Christophe Frassa et Jean-Yves Leconte dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Irrecevables dans un texte sur l'outre-mer, ils ont été repris dans deux propositions de loi : celle de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, du groupe Les Républicains, en janvier 2017, et celle de notre collègue Jean-Yves Leconte, du groupe socialiste, que nous examinons aujourd'hui.
La proposition de loi présentée par Jean-Yves Leconte se compose de deux chapitres. Le premier est consacré à la révision de l'offre tarifaire « maladie » de la Caisse et le second à la modification de sa gouvernance.
Sur le premier volet, le texte donne très largement, en matière d'élaboration de l'offre tarifaire, l'initiative au conseil d'administration, dont les décisions feront ensuite l'objet d'un arrêté ministériel. Il unifie le régime de cotisations des différentes catégories d'adhérents. Tous seront désormais soumis à un même régime de cotisations, en fonction de leur âge et de la composition de leur foyer. Le principe d'une modulation selon les revenus est maintenu pour servir de support à la prise en charge par le budget d'action sociale de la Caisse d'une partie des cotisations des personnes à faibles revenus.
Ce nouveau régime, beaucoup plus lisible, devrait faire des gagnants - les plus jeunes - et des perdants, notamment les pensionnés. C'est pourquoi l'article 21 plafonne l'augmentation des cotisations à 50 % sur dix ans.
Le texte apporte un changement moins substantiel concernant les prestations. Tout en conservant pour référence les tarifs de la sécurité sociale, les remboursements pourront être exprimés, selon les pays, en pourcentage des dépenses exposées. Les remboursements pourraient par exemple être de 80 % en Thaïlande, où la Caisse mène actuellement une expérimentation, de 40 % en Chine ou de 20 % aux États-Unis. Parallèlement, la Caisse souhaite travailler avec des réseaux de soins, agir ainsi sur les tarifs et diminuer le reste à charge des assurés.
La proposition de loi étend aux ressortissants des États membres de l'Union européenne, des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen et de la Confédération suisse les possibilités d'adhésion à la Caisse pour l'ensemble des risques qu'elle gère, s'ils en remplissent les conditions. À titre d'exemple, un Allemand travaillant dans un pays d'Afrique sub-saharienne pourra adhérer à la CFE en maladie. Il pourra adhérer pour le risque vieillesse s'il a été pendant au moins cinq ans affilié à un régime obligatoire français d'assurance maladie.
La proposition de loi élargit par ailleurs à la CFE certaines prérogatives des organismes de sécurité sociale, comme la consultation du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) ou encore la faculté de prononcer des pénalités.
Sur le second volet, la gouvernance de la Caisse, la proposition de loi prévoit une élection du conseil d'administration non plus par l'Assemblée des Français de l'étranger, mais par les conseillers consulaires, qui sont les élus de proximité des Français de l'étranger. Elle indique que le président doit être élu parmi les assurés actifs. Elle précise les conditions d'éligibilité, prévoit la parité dans la constitution des listes et la mise en place d'un vote par correspondance électronique.
Afin de bien saisir les enjeux de ce texte et ses conséquences concrètes pour nos compatriotes établis à l'étranger, j'ai entendu le directeur de la Caisse, les services du ministère des affaires sociales et du ministère des affaires étrangères, mais aussi les représentants des deux principales associations des Français de l'étranger, nos collègues Claudine Lepage, pour Français du monde-Association démocratique des Français à l'étranger, et Ronan Le Gleut, pour l'Union des Français de l'étranger-Monde. J'ai constaté une grande convergence de vues sur la nécessité de revoir l'offre tarifaire de la Caisse et d'améliorer la lisibilité de ses prestations.
Les amendements que je vous proposerai préservent à cet égard les dispositions de la proposition de loi. Ils conduisent cependant à une réécriture substantielle du chapitre concerné du code de la sécurité sociale afin de tirer les conséquences, dans la structure du code, du changement d'approche induit par ce texte : on passe d'une logique de catégories d'adhérents à une logique de risques couverts.
À l'issue des auditions et d'un travail mené avec la Caisse, je vous proposerai certains ajustements.
Au cours de ces mêmes auditions, j'ai constaté l'absence de consensus sur une évolution de la gouvernance de la Caisse. Comme vous le savez, notre commission avait rejeté une première proposition de loi sur ce sujet en juin 2015. Le conseil d'administration a été renouvelé récemment et le Gouvernement a annoncé une réforme de la représentation des Français établis hors de France. Jean-Baptiste Lemoyne commence les consultations à ce sujet la semaine prochaine.
Dès lors, je proposerai à la commission de se limiter à tirer les conséquences, pour la composition du conseil d'administration, de la suppression des différentes catégories d'adhérents, à actualiser les conditions d'éligibilité et à prévoir la parité dans la constitution des listes. Ces modifications, sans répondre à l'ambition initiale du texte, devraient pouvoir faire l'objet d'un consensus.
Telles sont les principales observations qu'appelle cette proposition de loi, que je demande à la commission d'adopter, modifiée par les amendements que je vous soumets.
Le groupe Les Républicains s'abstiendra avec bienveillance sur ce texte en attendant les discussions que le Gouvernement va engager dans les jours qui viennent. Nous adopterons éventuellement une position différente lors de l'examen du texte en séance publique.
À combien s'élèveront les prélèvements ? Le prélèvement sur les salaires pour la CMU des frontaliers suisses est de 8 %, ce taux étant très réduit pour les Français de l'étranger, qui bénéficient par ailleurs d'une couverture maximale.
Je ne peux voter le texte sans avoir connaissance des différences entre les assurés.
Les fonctionnaires et les agents des collectivités territoriales travaillant à l'étranger sont-ils concernés ? Si non, pourquoi ne le sont-ils pas ? Si oui, comment cela fonctionne-t-il ?
On ne peut que souscrire à l'objectif du texte mais pourquoi limiter l'élargissement de l'adhésion à la Caisse aux seuls ressortissants européens ? Par ailleurs, les règles d'adhésion au conseil d'administration ont-elles été modifiées ?
Compte tenu du flou qui entoure ces questions, le groupe CRCE s'abstiendra.
Madame Schillinger, la Caisse des Français de l'étranger est une caisse privée, à adhésion non obligatoire. Elle ne dispense pas du paiement des cotisations auprès du régime obligatoire de sécurité sociale du pays de résidence et ne concerne pas les frontaliers. Adhèrent à la Caisse surtout les Français en résidence dans des États tiers, comme en Afrique ou en Asie, où il n'y a pas de régime de sécurité sociale, même si certains, en particulier au Royaume-Uni, peuvent être assurés à la CFE au sein de l'Union européenne.
Actuellement, il existe trois catégories de revenus et 600 tarifs différents. Je ne peux donc vous répondre sur le taux de prélèvements. Le texte prévoit de modifier cette situation. La Caisse prévoit de ne pas trop pénaliser les pensionnés et d'accorder des avantages aux jeunes afin de gagner leur adhésion.
Monsieur Mouiller, nous sommes attentifs aux discussions du Gouvernement.
Monsieur Lévrier, les fonctionnaires titulaires de l'État ne sont pas concernés. Les recrutés locaux le sont en revanche.
Madame Cohen, la Caisse ne concerne actuellement que les Français résidant à l'étranger. Le droit européen pourrait établir une discrimination entre des ressortissants français et des ressortissants des autres pays d'Europe. Nous sommes donc dans l'obligation d'étendre le bénéfice de la Caisse à l'ensemble des ressortissants de l'Union européenne, ainsi qu'à ceux de la Norvège, de l'Islande, du Liechtenstein et de la Confédération suisse.
Dans la mesure où les catégories telles qu'elles existaient auparavant - les salariés, les indépendants, les pensionnées - ne serviront plus de référence pour l'adhésion, nous proposons qu'elles ne servent plus non plus de référence au sein du conseil d'administration. Comme il n'y a plus de catégories d'adhérents, il n'y a plus de catégories de représentants. Leur nombre demeure en revanche inchangé. En l'absence de consensus, il n'y pas d'autre changement de fond sur la gouvernance.
EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel avant l'article 1er
L'amendement COM-1 rectifié a pour objet de tenir compte, dans les intitulés du titre et du chapitre concernés du livre septième du code de la sécurité sociale, de l'élargissement aux citoyens européens de l'adhésion à la Caisse des Français de l'étranger.
L'amendement COM-1 rectifié est adopté et devient article additionnel.
Article 1er
L'amendement COM-2 rectifié procède à une nouvelle rédaction de l'article qui définit les conditions de l'adhésion aux assurances volontaires. Il supprime la référence à l'exercice d'une activité salariée. Il isole par conséquent l'invalidité, qui ne concerne que les salariés. Enfin, il étend aux travailleurs indépendants et aux professions agricoles la possibilité de verser leur cotisation à l'assurance volontaire vieillesse par l'intermédiaire de la CFE.
L'amendement COM-2 rectifié est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'amendement COM-3 rectifié tire les conséquences de l'élargissement des possibilités d'adhésion à la CFE aux citoyens européens pour les entreprises mandataires et les services de l'État à l'étranger.
L'amendement COM-3 rectifié est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'amendement COM-4 rectifié regroupe l'ensemble des dispositions relatives à la maladie et à la maternité au sein d'une même section. Les ascendants ne figureraient plus parmi les ayants-droit, à la demande de la Caisse. Une possibilité de modulation des cotisations en fonction de l'ancienneté de l'adhésion à la CFE est introduite. En revanche, les critères de modulation des cotisations sont énumérés de façon limitative.
L'amendement COM-4 rectifié est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement COM-5 rectifié regroupe au sein d'une même section les dispositions relatives à l'incapacité de travail et à l'invalidité. Ces prestations sont proposées uniquement aux salariés.
L'amendement COM-5 rectifié est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'amendement COM-6 rectifié regroupe, à droit constant, l'ensemble des dispositions relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles au sein d'une même section.
L'amendement COM-6 rectifié est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
L'amendement COM-7 procède aux coordinations nécessaires après le regroupement des dispositions relatives aux différents risques.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 7 à 20
Les amendements COM-8, COM-9, COM-10, COM-11, COM-12, COM-13, COM-14, COM-15, COM-16, COM-17, COM-18, COM-19, COM-20 et COM-21 sont des amendements de suppression.
Les amendements COM-8, COM-9, COM-10, COM-11, COM-12, COM-13, COM-14, COM-15, COM-16, COM-17, COM-18, COM-19, COM-20 et COM-21 sont adoptés.
Les articles 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20 sont supprimés.
Article 21
L'amendement COM-22 est rédactionnel.
L'amendement COM-22 rectifié est adopté.
L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel avant l'article 23
L'amendement COM-23 rectifié regroupe au sein du chapitre 6 l'ensemble des dispositions applicables à la CFE, en particulier l'extension à la CFE de certaines des prérogatives des organismes de sécurité sociale. Il donne une base législative à la conclusion de partenariats par la Caisse.
L'amendement COM-23 rectifié est adopté et devient article additionnel.
Article 23
L'amendement COM-24 tire les conséquences pour la composition du conseil d'administration de la Caisse de la suppression des différentes catégories d'assurés.
L'amendement COM-24 est adopté.
L'article 23 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 24
L'amendement COM-25 rectifié procède à une actualisation des règles d'éligibilité des membres du conseil d'administration de la Caisse. Il supprime les autres dispositions prévues par l'article relatives à l'élargissement du code électoral.
L'amendement COM-25 rectifié est adopté.
L'article 24 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 25
L'amendement COM-26 rectifié supprime la référence au vote par correspondance électronique.
L'amendement COM-26 rectifié est adopté.
L'article 25 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
EXAMEN DES AMENDEMENTS
La commission désigne en tant que membres titulaires : MM. Alain Milon, Philippe Mouiller, Mmes Catherine Deroche, Catherine Fournier, M. Jean-Louis Tourenne, Mmes Nadine Grelet-Certenais, Patricia Schillinger et en tant que membres suppléants : MM. Stéphane Artano, Gérard Dériot, Mmes Chantal Deseyne, Pascale Gruny, M. Olivier Henno, Mme Monique Lubin et M. Dominique Watrin.
La réunion est close à 11 h 20.