Le problème est parallèle à celui qui vient d'être évoqué à l'amendement précédent : le CPE est une machine de guerre contre le CDD.
Dans le cadre d'un CDD, les conditions exigées pour licencier avant le terme du contrat sont draconiennes ; il ne peut s'agir que d'une faute grave. Si le salarié fait un recours devant le conseil des prud'hommes et qu'il obtient la requalification de son contrat en CDI, l'employeur doit lui verser la totalité des salaires qu'il aurait dû lui verser jusqu'au terme du contrat.
Or chacun sait d'expérience - et la jurisprudence le montre aussi largement - que les employeurs préfèrent un licenciement pour faute grave ou faute lourde qui les dispense du versement d'indemnités. Mais à la suite de licenciements abusifs, les conseils des prud'hommes ont tendance à requalifier le CDD en CDI, ce qui finit par être coûteux aux entreprises, d'où l'irruption, dans notre droit du travail, du CNE, et aujourd'hui du CPE.
Ainsi, dès le départ, les jeunes seront habitués à être licenciés sans procédure ni motif. Cette simplification incontestable du droit en faveur des employeurs est tout à leur profit si les salariés licenciés ne font pas de recours. Le problème, c'est que ces derniers en feront ; les facilités que vous croyez alors donner aux patrons, monsieur le ministre, vont se retourner contre eux. Ils apprécieront et vous en reparleront ! L'incertitude juridique que vous avez cru combattre au moyen de ce dispositif va, en réalité, se trouver renforcée.
La question n'est pas de savoir si le CDD est un bon ou un mauvais contrat. Par une pirouette, le Gouvernement essaie de s'en sortir, en expliquant que le CPE apporte une réponse à la précarité, laquelle se caractérise - nous l'avons suffisamment dénoncé - par l'enchaînement des CDD et des missions d'intérim. La question est au contraire de savoir comment y répondre.
Si l'on nous dit qu'à une forme de précarité il faut répondre par une autre forme de précarité, nous ne pouvons pas être d'accord !
Comment pouvez-vous affirmer autrement que par des affirmations générales que le fait de proposer aux jeunes un CPE, dit à durée indéterminée, mais précédé d'une période d'essai de deux ans, au cours de laquelle ceux-ci pourront être licenciés sans aucune garantie pendant le premier mois, puis avec un délai de quinze jours ou d'un mois, serait préférable à un CDD ? Démontrez-nous que cette période d'essai de deux ans sera plus favorable aux jeunes que l'enchaînement de CDD !
Vous noircissez à dessein la situation, monsieur le ministre, en prétendant que, si la gauche ne veut pas du CPE, c'est parce que la précarité n'est pas si grande et que la situation n'est pas si dramatique. C'est un argument de sophiste !
La réalité, selon les chiffres de l'INSEE, c'est que 58 % des jeunes entrés dans la vie active sont en CDI pendant quatre trimestres successifs. Certes, c'est beaucoup moins que les salariés plus âgés, pour lesquels on atteint un pourcentage de plus de 75 %, mais cela concerne tout de même plus de la moitié des jeunes ! Faut-il les condamner au CPE ? Pourquoi ne mettez-vous pas en place, monsieur le ministre, une mesure ciblée pour les jeunes qui sont dans ces parcours précaires ? Pourquoi ne privilégiez-vous pas l'accompagnement de ces jeunes vers des emplois plus stables ? Pourquoi ne prévoyez-vous pas des actions visant à favoriser la formation de ces jeunes puisque, comme vous le dites vous-même, le déficit de formation est la cause première du chômage et des difficultés d'insertion ?