La participation des représentants des salariés dans la gouvernance des entreprises est un sujet sur lequel le droit comme les mentalités évoluent au fil du temps. C’est effectivement la loi Travail d’août 2015 qui a abaissé à 1 000 salariés le seuil à partir duquel des représentants sont membres du conseil d’administration. Cette mesure est mise en œuvre depuis quelques mois puisqu’elle était applicable à partir du deuxième semestre de l’année 2017.
Avec cette loi, la France est, à notre connaissance, le deuxième pays le plus avancé en Europe, après l’Allemagne que vous avez citée, monsieur le sénateur, en termes de participation – je ne parle pas des représentants du personnel qui siègent en plus au conseil d’administration – d’administrateurs salariés.
Ce débat a été amorcé pendant les concertations avec les partenaires sociaux et avait été d’ailleurs rapidement abordé au moment de la discussion de la loi d’habilitation.
Aujourd’hui, les questions qui sont posées sont de plusieurs ordres.
On peut évoquer le sujet de la place des femmes dans les conseils d’administration des sociétés non cotées, maintenant que la loi est appliquée et qu’il y a bien 40 % de femmes dans les sociétés cotées.
La question des administrateurs salariés, quant à elle, est à la fois quantitative et qualitative, car les débats portent sur les conditions d’exercice. Pour éviter tout risque de délit d’initié, les débats du conseil d’administration sont confidentiels. Cela provoque un débat au sein de certaines organisations syndicales, car l’administrateur salarié n’est, par conséquent, plus vraiment en contact avec son organisation ou, plus exactement, ne peut pas lui donner d’informations.
Il faut évoquer, par ailleurs, la mise en œuvre dans les entreprises. Au-delà de 1 000 salariés, on trouve des entreprises de taille intermédiaire, patrimoniales, dont le conseil de gouvernance n’est souvent composé que de trois ou quatre membres. Comment les choses vont-elles se mettre en place dans ces entreprises ? Là aussi, c’est une nouveauté.
Enfin, le champ non couvert par la loi fait débat. Celle-ci excluait ainsi paradoxalement l’économie sociale et solidaire, en considérant que, dans ce domaine déjà régi par une logique paritaire, il n’était pas nécessaire de prévoir des administrateurs salariés supplémentaires. Il faut aussi évoquer – j’aurais ainsi fait le tour de la question – les entreprises à statut européen, qui échappent à cette réglementation.
Je voulais évoquer l’ensemble de ces points pour montrer que le sujet ne peut être traité par le biais d’un amendement sans avoir fait le tour de la question. Pour cette raison, la question de la gouvernance fait partie des sujets que Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard étudieront dans le cadre de la mission que Bruno Le Maire, Nicole Belloubet, Nicolas Hulot et moi-même leur avons confiée.
J’ai simplement dressé la liste des questions, mais vous pouvez constater qu’elle est déjà assez longue… Il nous a paru prématuré d’étudier ce sujet dans le cadre des ordonnances, car nous parvenons seulement au moment où la loi s’applique aux entreprises de plus de 1 000 salariés, mais nous n’avons pas encore de recul sur la question. Il faut faire le tour de l’ensemble des questions avant de procéder à un éventuel aménagement législatif qui, s’il devait être décidé, figurerait dans le cadre du projet de loi PACTE au printemps prochain.
Pour l’ensemble de ces raisons, il est prématuré de se poser la question au travers d’un amendement. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.