Je m’exprimerai tout d’abord sur les amendements n° 114, 42 et 48, qui concernent les contrats de chantier.
Le contrat de chantier est actuellement en vigueur dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il permet d’embaucher les salariés en CDI sur des périodes de trois, quatre ou cinq ans, en fonction de la durée du chantier, laquelle est variable, dans la mesure où on n’en connaît jamais exactement la fin.
Ces embauches permettent aux salariés de bénéficier de l’ensemble des droits liés au CDI, notamment en matière de formation et d’ancienneté. Autre avantage du contrat de chantier, sur la feuille de paye, cela s’appelle un CDI, ce qui constitue une différence très importante notamment lorsqu’on veut emprunter, se loger. Il s’agit donc d’un « plus ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle chacun préfère le CDI au CDD !
Sur les cinq premiers mois de 2017, 20 000 contrats de chantier ont été signés dans le bâtiment. Par rapport à l’ensemble des emplois dans ce secteur, la proportion, sans être très forte, est quand même significative. Dans les domaines où les chantiers constituent une part très importante de l’activité, les entreprises hésitent à accepter des chantiers au motif qu’elles redoutent de devoir faire un plan social massif à la fin d’un premier chantier si elles n’ont pas alors un deuxième chantier.
Dans le cadre des ordonnances, nous avons décidé d’élargir à d’autres secteurs les contrats de chantier, à certaines conditions qui sont autant de garde-fous. Il s’agit de la construction navale, que vous avez citée – un chantier n’a pas pu avoir lieu pour cette raison précise –, de l’industrie cinématographique et de certains grands projets informatiques.
Nous avons posé comme condition que le contrat ne soit pas défini au niveau de l’entreprise, auquel cas nous ne pourrions sans doute pas en contrôler complètement l’usage. Il faut quand même être prudent à cet égard. En revanche, au niveau d’une branche – il ne s’agit pas des métiers de bouche : on ne fait pas des projets sur cinq ans dans la boulangerie ! –, on peut négocier des conditions d’accompagnement, de formation et de sortie – cela répond à des amendements –, ce qui permettra également aux entreprises de garder les personnes en CDI, alors même qu’elles ont développé des compétences. Bien évidemment, on ne peut associer l’obligation de réembauche au licenciement économique !
Pour autant, ce contrat permettra des trajectoires de longue durée dans certains secteurs embauchant aujourd’hui en CDD, afin de ne pas s’engager massivement dans des CDI, alors que l’essentiel de leur activité repose sur de grands chantiers. Dans les faits, ils renouvellent régulièrement des CDD de 18 mois ! Finalement, on a la flexibilité sans la sécurité ! Nous proposons donc une flexisécurité. Il faut permettre aux intérimaires ou CDD d’avoir la chance d’être en CDI de chantier. Un tel contrat doit être encadré au niveau de la branche et s’imposer aux entreprises.
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable aux amendements n° 114, 42 et 48. Nous avons en effet défini les conditions permettant de sécuriser le contrat de chantier, lequel présente un intérêt pour le salarié et pour l’entreprise, grâce au dialogue social dans la branche.
Je suis bien évidemment défavorable à l’amendement n° 49, qui vise à supprimer la rupture conventionnelle collective, dispositif que j’ai expliqué précédemment.
Je souhaite toutefois évoquer un risque qu’il convient de prévenir. Comment éviter que, dans le cadre d’un accord majoritaire, les syndicats, les salariés et l’entreprise s’accordent en faveur de départs massifs en préretraite, payée par l’assurance chômage ? L’homologation doit permettre de vérifier qu’un tel cas de figure n’est pas possible. Par ailleurs, des mesures d’accompagnement, de reclassement, de formation et de mobilité sont nécessaires. Les DIRECCTE ont d’ores et déjà reçu des directives en ce sens.
Dans le cas de PSA, les préretraites seront entièrement financées par l’entreprise. Le coût du dispositif ne sera donc pas à la charge de la collectivité. Pourquoi pas, si cela correspond au désir des salariés et que l’entreprise paye intégralement ! Peu d’entreprises auront les moyens de le faire, ce qui limitera le nombre de situations similaires. Je le répète, s’il n’y a pas de mesures d’accompagnement, de reclassement et de mobilité, les DIRECCTE ne pourront pas homologuer les accords. On prévient ainsi le risque évoqué.
J’en viens à l’amendement n° 2 rectifié quinquies, qui concerne la priorité de réembauche en CDI à l’issue d’un contrat de chantier. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable. En effet, c’est dans le cadre de la négociation collective de branche que les conditions doivent être définies. On ne peut à la fois soumettre les conditions à la négociation de branche et prévoir plus que ce qui est déjà prévu, à savoir que les modalités de la priorité de réembauche en CDI sont régies et négociées par les branches professionnelles. Cela serait superfétatoire.
Je suis défavorable à l’amendement n° 67, qui vise à supprimer la possibilité de conclure des accords de RCC dans les TPE. Pourquoi ce qui est bénéfique à la fois aux salariés et aux entreprises ne pourrait-il être possible dans les petites entreprises ?
Quant à l’amendement n° 130, qui vise également à supprimer la RCC, j’y suis défavorable.
Je suis favorable à l’amendement n° 165, qui tend à introduire des précisions sur le contrôle de la RCC et à corriger des erreurs matérielles. Son adoption permettra en effet de préciser le degré de contrôle de l’administration. Je viens de dire à quel point il sera important. Dans les cas rencontrés récemment, il s’est avéré inutile, les syndicats n’ayant pas trouvé d’accord. Toutefois, dans certains cas, il conviendra de vérifier que l’accord des salariés et des syndicats est plein et entier. Pour ce faire, il faut des critères précis, qui sont prévus par cet amendement.
En toute logique, je ne peux être favorable à l’amendement n° 1 rectifié quater, qui prévoit la suppression du contrôle de l’administration dans le cadre de la RCC. Ce contrôle est une homologation rapide, mais ferme et précise. Elle apporte des garanties sans trop peser sur les intéressés.
S’agissant de l’amendement n° 14 rectifié ter, en l’absence de précision contraire, il est considéré de manière usuelle – c’est l’interprétation retenue par la Cour de cassation – que l’expression s’entend en jours calendaires. Il n’est donc pas utile d’apporter des précisions sur ce point. Par conséquent, je vous demande, madame Gruny, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Enfin, je suis favorable à l’amendement n° 191, qui permettra d’éviter certaines contestations ou interprétations. Il faut faire valoir l’expression « conseil des prud’hommes » dans cet article. Chaque fois que le droit est plus précis, c’est mieux pour tout le monde !